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Tumatai Dauphin : "Rendre ce que l'on m'a donné"


Tumatai Dauphin aux championnats de Polynésie de cross scolaire où il a pu partager son programme "Pātiri race".
Tumatai Dauphin aux championnats de Polynésie de cross scolaire où il a pu partager son programme "Pātiri race".
Tahiti, le 8 décembre 2022 - Voilà cinq ans que Tumatai Dauphin a arrêté sa carrière de sportif de haut-niveau. Depuis, le triple champion de France du lancer de poids est rentré au fenua et se consacre à son poste de cadre technique au sein de la fédération d'athlétisme de Polynésie française. “L'idée c'était de rendre à l'athlétisme tout ce qu'on m'a donné”, confie-t-il. 

Tumatai Dauphin, 34 ans, a l'un des plus beaux palmarès de l'athlétisme polynésien avec notamment trois titres de champions de France et deux médailles d'or aux Jeux du Pacifique. Mais après une longue carrière, le colosse décide de revenir chez lui en 2017. A l'époque, il souffre d'une blessure mal soignée à une cheville et ne souhaite plus autant s'investir dans la pratique de son sport. “Quand j'ai décidé d'arrêter ma carrière, j'ai pesé le pour et le contre et à l'époque j'avais les JO de 2016 et de 2020 comme objectif. Mais ça devenait compliqué de se projeter parce que je savais tous les sacrifices que je devais faire pour y arriver. Et j'étais arrivé à un point dans ma vie où je n'étais plus prêt à sacrifier autant. Je n'étais plus prêt à dédier ma vie à ça. Je me suis retourné sur ma carrière, j'ai fait un bilan et je trouvais que ça me suffisait.” 

Mais à son retour au fenua, le champion n'a pas l'idée de travailler au sein de la fédération d'athlétisme. “Quand je suis revenu, je n'avais pas envie de m'investir autant dans l'athlétisme à Tahiti. Au début je voulais juste rentrer chez moi et me recentrer sur moi.”

Depuis son retour à Tahiti, Tumatai Dauphin a notamment pris sous son aile deux espoirs : Loveleina Wong Sang (sur la photo) et Vaihina Doucet.
Depuis son retour à Tahiti, Tumatai Dauphin a notamment pris sous son aile deux espoirs : Loveleina Wong Sang (sur la photo) et Vaihina Doucet.

Les révélations Vaihina Doucet et Loveleina Wong Sang

Pourtant il est approché par un ancien cadre technique de la FAPF, Thierry Tonnelier, qui lui propose un CVD (corps de volontaire au développement). La mairie de Faa'a est également intéressé pour le débaucher. Et puis finalement, il se fait une raison et choisit de signer à la FAPF. “Quand j'accepte le poste, mon objectif c'était de rendre à l'athlétisme polynésien toute ce qu'on m'a donné quand j'étais jeune”, atteste Tumatai. 

Une façon donc de rendre l'appareil à ses anciens coachs comme Véronique Boyer, pour lui avoir fait découvrir l'athlétisme, et Gordon Barff qui lui a fait entrevoir son énorme potentiel. “Quand j'étais plus jeune, je voulais devenir basketteur pro, même si j'étais nul”, s'amuse le champion. “Et puis quand j'étais en seconde à La Mennais, Gordon Barff, qui est un ami de la famille, vient me voir et me dit que je suis un lanceur. Gordon m'a relancé pendant des mois et puis en 2004 je fais ma première compet au lancer de poids. Et c'est sur la deuxième compétition que j'ai un déclic et je me dis : c'est ça que je veux faire. Et j'ai ensuite fait la carrière que l'on connait.”

Et aujourd'hui, l'athlète de haut-niveau est donc passé de l'autre côté. Et ces cinq dernières années, Tumatai a notamment permis de révéler deux espoirs dans sa discipline du lancer de poids : Vaihina Doucet et Loveleina Wong Sang. La première s'est emparée du bronze en 2019 lors des Jeux de Samoa avant d'aller décrocher l'argent aux Mini-Jeux de Saipan en juin dernier. Loveleina Wong Sang de son côté s'est notamment illustrée aux France juniors l'année dernière avec une médaille de bronze. Mais en dépit de ces résultats, le coach Dauphin n'est pas pleinement satisfait. “Je pensais que j'aurais pu les mettre à un plus haut niveau. J'aurais pu le faire, mais je n'ai pas les infrastructures pour le faire ici. Il est temps qu'elles partent toutes les deux pour continuer à progresser. Elles ont entre 21 et 22 ans. C'est trop tard pour viser une perf mondiale, mais pas trop tard pour faire quelque chose aux Jeux du Pacifique”, avoue l'intéressé. 

Même s'il ne lance plus au plus haut niveau, Tumatai Dauphin a pris part aux Jeux de 2019 et aux Mini-Jeux de juin dernier à Saipan où il a remporté l'or.
Même s'il ne lance plus au plus haut niveau, Tumatai Dauphin a pris part aux Jeux de 2019 et aux Mini-Jeux de juin dernier à Saipan où il a remporté l'or.

“Avec les jeunes qui veulent faire de la performance on se comprend très vite”

Des talents comme Vaihina Doucet et Loveleina Wong Sang, Tumatai Dauphin est persuadé que le fenua en regorge. “Avec les jeunes qui veulent faire de la performance on se comprend très vite. Je veux accompagner ceux qui veulent faire de la performance. Je suis et serai là pour eux. On a des jeunes bourrés de qualités. Mais ce que j'ai arrêté de faire c'est de 'chasser' et de courir après les talents. Un exemple : Atimoe Tahutini, une minime hyper forte au lancer du marteau. Je la voyais gagner les Jeux de 2023 et 2027. Et puis ses parents ont décidé de l'inscrire au foot. Je ne sais pas si elle plus douée au foot qu'à l'athlé, mais si ce n'est pas le cas ça serait dommage.”

En dehors des lanceurs, Tumatai Dauphin s'est également fixé le pari de trouver le ou les futurs sprinteurs destinés à représenter le fenua pour les Jeux de 2027 à travers son programme “Pātiri race”. “En fait le sprint c'est ce qui te permet de voir tous toutes les qualités physiques d'un athlète. Tu regardes ce qu'il a dans les pieds. L'énergie, tu la prends du sol et il faut être capable de la transférer vers le haut. Si grâce à la Pātiri on peut détecter deux ou trois athlètes par commune et qui sont intéressés par l'athlétisme, on aura déjà gagné quelque chose.”  Pari gagnant ou pas, Tumatai Dauphin a sans doute déjà pas mal rendu à l'athlétisme polynésien.  

Rédigé par Désiré Teivao le Jeudi 8 Décembre 2022 à 18:27 | Lu 1501 fois