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Transports : Tahoera’a et UPLD repoussent encore l’examen du projet de loi


PAPEETE, 8 septembre 2015 – L’examen de la loi du Pays pour l’encadrement du transport interinsulaire en Polynésie française a fait l’objet d’un nouveau renvoi à la demande du groupe Tahoera’a avec le soutien des élus de l’UPLD.

Ce projet de loi, qui entend fixer un cadre législatif pour l’organisation du transport interinsulaire en Polynésie française, ne sera pas examiné durant la session extraordinaire et rien n’assure qu’il le sera avant la fin de l’année. Par 33 voix sur 57, la représentation polynésienne s’est prononcée une nouvelle fois mardi en faveur d’un renvoi de l’examen de ce texte, à la demande du groupe Tahoera’a et avec le soutien des élus de l’UPLD.

Ce projet de loi prévoit que les missions de service public, les obligations des transporteurs et les modalités de financement du service public confié aux opérateurs privés doivent être définis par une délibération à venir. Délibération elle-même appuyée sur un schéma directeur des déplacements durables interinsulaires en cours de finalisation pour la période 2015-2025.

Si le groupe Tahoera'a a souhaité dissocier les problématiques de l'aérien et du maritime, alors que le projet de texte considère l'activité de transporteur dans son ensemble, les représentants de l'UPLD estiment que le projet "n'est pas encore mûr" et que "ce n'est pas la précipitation liée à l'obligation de rencontrer la DGI qui doit définir le calendrier" de l'assemblée.

Le ministre en charge des Transports, Albert Solia, a en effet obtenu de la Direction générale des finances à Paris d'examiner les demandes d'agrément présentées par la compagnie Air Tahiti pour l'acquisition de deux ATR-72 en contrepartie de la définition d'un cadre juridique clair sur le transport interinsulaire avant la fin 2015.

En jeu pour la compagnie aérienne, près de 800 millions Fcfp d'aide en défiscalisation dont la suppression serait susceptible de remettre en cause le programme de renouvellement de sa flotte.

Ce projet de loi du Pays sur l'organisation du transport interinsulaire doit être de nouveau évoqué en commission législative "avec le gouvernement et tous les privés qui participent aujourd'hui au niveau du privé à la réalisation de ce service public dans les îles", se réjouit l'élue Tahoera'a Sandra Levy-Agami, à la demande de qui a été voté le report, mardi. "En dissociant le maritime de l'aérien on pense que l'on a plus de chance de régler le maximum de problèmes. Notre vision est à la lumière de l'intérêt des usagers des îles et de tous ceux qui ont investi dans l'activité de transporteur. A un moment donné, les élus doivent prendre de la hauteur et faire en sorte que l'organisation mise en place soit gagnant-gagnant pour tous. Le texte tel que prévu reste très flou sur un grand nombre de points. Nous allons activer les travaux sur ce projet pour que Air Tahiti ne se retrouve pas en difficultés", a-t-elle affirmé en estimant qu'un projet de loi plus consensuel pourrait être voté avant la fin de l'année. "Le plus tôt sera le mieux. Notre position ne doit pas conduire à la mise en difficulté de la seul compagnie aérienne qui dessert les îles ; mais le gouvernement doit être clair de son côté sur l'accompagnement de cette compagnie en matière de subventions".

Le gouvernement dénonce des "intérêts politiciens"

Face à ce nouveau report de l'examen du projet de loi du Pays par la représentation polynésienne, le gouvernement a réagi mardi par voie de communiqué à la mi-journée en dénonçant les "arguments fallacieux" de la part des groupes Tahoera'a et UPLD "qui cachent une volonté politique de mettre le gouvernement en difficulté. Le gouvernement est engagé sur la voie de la réforme, mais les intérêts politiciens prévalent sur l’intérêt général pour bloquer toute réforme. Voilà qui est paradoxal quand on accuse par ailleurs le gouvernement d’immobilisme".

Depuis près de 30 ans en Polynésie française le service public du transport aérien interinsulaire est confié à la SA Air Tahiti. L'activité est encadrée par une convention dite "pour le développement harmonieux du transport aérien" apparentée à une délégation de service public mais dépourvue de réelles obligations. La Chambre territoriale avait vivement critiqué cette situation dans un rapport d’observations définitives sur la politique polynésienne des transports aériens interinsulaires, l'an dernier. La CTC déplorait qu'en l'absence de schéma directeur, avec cette délégation de service public mal bornée, le Pays navigue à vue et verse des subventions, parfois contestables, à une entreprise privée dans laquelle la collectivité ne détient qu'une minorité (14%) du capital. Et ce alors que le programme minimum des vols n'avait pas évolué au cours des 20 dernières années.

Au plan maritime, les transports interinsulaires sont assurés par des compagnies privées sur la base de licences d'exploitation. Ces licences définissent des circuits de dessertes mais sans réelle obligation quant à la fréquence des touchers, notamment sur certaines destinations dépourvues de rentabilité commerciale.

Les notions d'obligation de service public et de délégation de service public que tente d'introduire le projet de loi soumis par le gouvernement sur l'aérien comme sur le maritime n'est du goût de personne parmi les opérateurs du secteur d'activité des transports, en Polynésie.

Il demeure que, sur un chiffre d'affaires annuel de 10 milliards Fcfp, le secteur des transports maritimes est supporté financièrement par la collectivité à hauteur de 4 milliards (détaxe carburant, exonération de taxe diverses, prise en charge partielle du fret, aides aux PPN, mise à disposition de personnels...), sans compter l'aide tirée du régime de défiscalisation local. Pour certains transporteurs, l'ensemble de ces aides représente jusqu'à 56% du chiffre d'affaires annuel.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Mardi 8 Septembre 2015 à 12:01 | Lu 2023 fois