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Transition alimentaire : un plan pour changer de menu


Crédit photo: Greg Boissy.
Crédit photo: Greg Boissy.
Tahiti, le 3 avril 2023 – L'avant-projet de plan de transition alimentaire (PTrA) a été présenté lundi matin à Papeete. Ce programme, adopté en conseil des ministres mercredi dernier, prévoit de mettre l'accent sur la “modification des comportements alimentaires” afin de rétablir de bons indicateurs de santé de la population. Il va donc définir pour les dix prochaines années, avec 90 actions différentes, les politiques du Pays en matière d'agriculture et d'alimentation durable.
 
L'avant-projet du plan de transition alimentaire (PTrA), adopté mercredi en conseil des ministres, a été présenté lundi à Papeete en présence du directeur de cabinet du ministre de l'Agriculture, Steeve Lefoc, du directeur de l'agriculture Philippe Couraud, du directeur de l'éducation et des enseignements (DGEE), Jean-Michel Garcia et de la directrice de la santé, Merehau Mervin. Ce programme, qui va fédérer de nombreux acteurs différents comme la chambre d'agriculture et de la pêche lagunaire, la direction de la Santé ou encore la DGEE et la CPS, va se baser sur le “mangeur” et tout ce qui influence et conditionne la manière de s'alimenter. Globalement, il va définir les plans d'actions menées par le Pays en matière d'agriculture et d'alimentation durable. Ce PTra, qui devrait débuter en 2024 et qui va s'étaler sur les dix prochaines années, va se concentrer sur six objectifs principaux : “modifier les comportements alimentaires de population en faveur d'une alimentation saine et durable, augmenter l'accès économique des produits sains et durables, accompagner les habitants dans l'autoconsommation, rendre les produits sains disponibles et à proximité pour toute la population, augmenter la production alimentaire des archipels et accélérer les pratiques durables du secteur alimentaire”. 90 actions seront proposées pour atteindre ces objectifs, mais n'ont pas toutes été dévoilées aujourd'hui. “Ce n'est qu'un avant-projet, tout n'a pas encore été décidé. L'important pour nous aujourd'hui, c'était d'acter l'ensemble du premier travail qui a été fait”, a expliqué Philippe Couraud en préambule de la conférence.
 
Ce projet de plan de transition alimentaire a vu le jour à la suite de la crise du Covid-19. Les conséquences de cette crise ont mis en lumière l'hyper-dépendance de la Polynésie aux importations mais également les problématiques de santé publique liées à l'alimentation, notamment la malbouffe qui provoque de nombreuses pathologies graves comme du diabète ou des maladies cardio-vasculaires. Les objectifs du PTrA ont ailleurs tous dans le viseur une cible commune : les mauvaises habitudes alimentaires des Polynésiens, qui sont liées à la culture locale, au coût élevé de la vie et surtout des produits sains, ou encore aux défis que rencontre l'agriculture locale.
 
Les écoles en ambassadrices
 
“En Polynésie, il y a 70% de personnes en surpoids et 40% en état d'obésité”, a assené Philippe Couraud peu après le début de la présentation de l'avant-projet, forçant l'alarmant constat d'une société où l'alimentation est désastreuse. Pour modifier ce comportement alimentaire, les écoles vont devenir de véritables ambassadrices du “bien manger”. “Un enfant qui va en cours doit bien manger et apprendre à bien s'alimenter, c'est essentiel”, a également rajouté Jean-Michel Garcia, “nous essayons déjà d'inculquer ça aux enfants, notamment avec les potagers pédagogiques mis en place depuis quelques années dans 78 établissements. Mais avec ce programme, nous aimerions aller plus loin, comme avec l'installation de salade-bar dans les lycées”. Ainsi, ce PTrA propose la réduction de l'exposition des jeunes aux publicités d'aliments mauvais pour la santé, aux abords des écoles, tout en renforçant la prévention et la promotion de la santé. Dans la même optique, la création d'une centrale d'achats à destination des cantines scolaires est également incluse dans ce projet, “on a remarqué que les cantines avaient du mal à s'approvisionner toute l'année en produits frais et de qualités. Avec cette centrale, on règlerait ce problème”, a estimé le directeur de l'agriculture.
 
Banque alimentaire et focus Tuamotu
 
Les autres grandes mesures de ce projet sont la création de plans d'alimentation communaux (PAC) afin de resserrer le maillage de l'offre alimentaire de qualité sur le territoire. Le PTrA propose également la création d'une banque alimentaire “fruits, légumes et produits vivriers” à destination des personnes appartenant au régime de solidarité (RST). De très nombreuses autres propositions, comme l'accompagnement dans l'autoconsommation avec des formations agricoles durables, la favorisation de l'accès aux outils, mais également les distributions de “kits potagers” à destination des bénéficiaires de l'aide alimentaire volontaires, sont également distillées au fil de la présentation.
 
Si l'augmentation des productions alimentaires dans les archipels est aussi incluse dans ce programme, un plan spécial pour les Tuamotu-Gambier est prévu par le PTrA. Dans cette zone, l'alimentation est le premier poste de dépense des ménages avec 22,9%, malgré 23,3% de la population qui vit sous le seuil de bas revenu qui est de 36 000 Fcfp par mois. “La particularité des Tuamotu, c'est que c'est un archipel où la pratique de l'agriculture a été un peu abandonnée, à part le coprah. Après la crise Covid, les populations se sont rendu compte de leur fragilité alimentaire extrême et qu'ils avaient, malgré quelques difficultés, quand même la possibilité de planter des fruits et des légumes et d’avoir une production sur les atolls. C'est toutes ses actions que l'on veut accompagner” a expliqué Philippe Couraud. Des initiatives spécialement pensées pour les Tuamotu-Gambier seront donc intégrées au programme. L'une d'elles prévoit même l'accompagnement au développement d'entreprises du secteur alimentaire jugée “trop peu nombreuses” dans l'archipel.
 
Si ce programme peut paraitre démesuré par son envergure et son ambition, le directeur de l'agriculture Philippe Couraud a rassuré sur le fait que la mise en œuvre d'un “suivi annuel” et d'un “comité de pilotage” ont été proposées à travers cet avant-projet pour pouvoir suivre les différentes actions menées de manière efficace pendant les dix années que va durer ce programme.

 

Rédigé par Thibault Segalard le Lundi 3 Avril 2023 à 20:00 | Lu 2192 fois