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Terry Haymes, un patient unique


Terry Haymes, un patient unique
PAPEETE, le 7 avril 2016 - Sur le territoire, il n’y en a qu’un. Terry Haymes est le seul patient atteint de mucoviscidose. Tous les deux ans, il est évasané en France pour un bilan complet. Son dernier déplacement date de 2014, alors qu’il était encore mineur. Cette année 2016, il est majeur. Il devrait partir seul en métropole, il va changer d’hôpital de suivi à Paris et peut-être, de traitement. Ce qui n’est pas sans poser problème.

Agent technico-administratif pour le groupe EDT – Engie, Terry Haymes vit à Arue. Il travaille dans la centrale de la Punaruu. "J’aime mon métier. Je suis à la fois dans l’atelier et dans un bureau. Je suis heureux de venir tous les matins, je fais ce que j’ai toujours voulu faire." Lorsqu’il n’est pas dans la vallée de la Punaruu, il glisse sur les vagues, court, roule. "J’essaie de faire du sport tous les jours. J’alterne entre la course à pied et le vélo."

Il affiche des performances enviables. Il rentre tout juste d’une compétition de VTT en Nouvelle-Zélande à laquelle il est arrivé 13ème sur 20. Mais, plus qu’une passion, l’activité sportive est un besoin vital pour Terry Haymes. "Si je ne tenais pas ce rythme, je ne sais pas si je serais encore en vie."

Diagnostiqué à 3 ans


Le jeune homme fête cette année ses 20 printemps. Des printemps qui sont autant de mois gagnés sur la maladie. "Je suis atteint de mucoviscidose. C’est une maladie génétique qui atteint le système respiratoire et/ou le système digestif. Dans mon cas mes poumons, mon foie et mon pancréas sont touchés. Je suis malade depuis la naissance, mais on a établi le diagnostic lorsque j’avais trois ans. J’ai failli mourir de déshydratation à cet âge." Les malades atteints de mucoviscidose perdent beaucoup de sels. "Ma transpiration est sept fois plus salée que la normale ce qui explique l’incident. Depuis je bois de l’eau salée. Certains salent leurs plats. Moi, je n’aime pas."

Pour ralentir l’évolution de la maladie, Terry Haymes prend des médicaments. "Actuellement, car le traitement change en fonction de l’évolution de la maladie, je prends 15 cachets par jour, matin, midi et soir et j’utilise deux aérosols." Il doit aussi se rendre en France, à Paris, tous les deux ans pour un bilan complet. "L’idéal serait d’y aller tous les ans, mais la prise en charge ne se fait que tous les deux ans."

Lors de son passage à Paris, il reste deux semaines à l’hôpital. "En fait, le bilan dure réellement trois journées, mais je dois rester 14 jours sous perfusion pour traiter une bactérie résistante qui s’installe dans mes poumons. À la sortie de l’hôpital je ne tousse plus, je suis bien, mais la bactérie revient rapidement, trois ou quatre mois plus tard."

De Debré à Cochin

En 2010, 2012 et 2014 le jeune homme a été pris en charge à l’hôpital Robert Debré, un établissement qui accueille les mineurs. Son évasan et celui d’un accompagnant, en l’occurrence sa mère, ont toujours été pris en charge par la Caisse de prévoyance sociale (CPS). "Mais pour assurer financièrement les à-côtés, j’ai fait des ventes de tee-shirts et de poulets fumés." En 2016, les choses changent. Le patient est désormais majeur.

La prise en charge du déplacement de l’accompagnant n’est plus possible. "Je vais en plus changer d’hôpital, je vais à Cochin que je connais pas." Le traitement va peut-être aussi devoir être ajusté, ce qui laisse présager de nouvelles difficultés. "Il y a quatre ans, j’ai dû aller voir le ministre de la Santé pour lui expliquer mon cas. Certains médicaments qui m’étaient prescrits n’étaient pas sur la liste des médicaments remboursés par la CPS."

Alors qu’il avait donné ses disponibilités à son médecin traitant en Polynésie en début d’année, son dossier n'a été transmis et donc étudié que début mars. "J’ai reçu un appel le 18 mars pour un départ le 19. Je n’ai pas pu m’organiser pour partir si rapidement. Je dois acheter un billet pour ma mère car je ne veux pas partir tout seul, je dois prendre et faire accepter des congés. Il me faut quelques jours." Finalement, le déplacement est reporté. Terry Haymes attend confirmation pour un vol au mois de mai.

La prise en charge de patients atteints de maladies rares en Polynésie n’est pas optimale. "Je serais mieux suivi si je vivais en France, c’est sûr. Je pourrais faire un bilan tous les ans, traiter la bactérie résistante plus régulièrement, tester des nouveaux traitements et espérer pouvoir être inscrit sur une liste d’attente pour des greffes." Une mutation professionnelle en France est envisageable, mais la prise en charge de la maladie n’est pas la seule priorité du jeune homme. "Si c’est pour gagner moins de dix années de vie, je préfère rester ici en Polynésie, chez moi, avec ma famille et mes amis." La question sera abordée en mai, à l’hôpital Cochin.

Une maladie rare

Le terme mucoviscidose est la contraction des termes mucus et viscosité. Il désigne une maladie génétique rare. Le mucus est une sécrétion produite par les cellules d’organes creux comme les poumons, le système digestif,… Chez une personne atteinte de mucoviscidose, le mucus est anormalement épais et collant. Il est visqueux ce qui entraîne l’obstruction des canaux des organes concernés. Par exemples, les bronches (le conduit qui apporte l’air riche en dioxygène depuis l’extérieur du corps dans les poumons) s’encombrent et s’infectent, ce qui provoque toux et expectorations. L’intestin, le pancréas, le foie peuvent eux aussi s’obstruer ce qui entraîne des troubles digestifs et hépatiques. Toutes ces manifestations sont différentes d’un patient à l’autre. "Je me rappelle avoir posé la question suivante au médecin qui me suit en France : "Vais-je guérir un jour ? ". Il m’a répondu que pour en finir avec la mucoviscidose il faudrait trouver un médicament par patient", rapporte Terry Haymes. Les traitements sont de plus en plus efficaces, mais ils ne permettent pas aux patients de guérir. En France l’espérance de vie moyenne des enfants qui naissent aujourd’hui atteints de mucoviscidose est de presque 40 ans.

La maladie touche aussi bien les garçons et les filles. En France, environ 4% de la population serait concernée. Le nombre de patients serait estimé à 7 000. Un enfant naît atteint de la maladie tous les trois jours.



Rédigé par Delphine Barrais le Jeudi 7 Avril 2016 à 12:22 | Lu 11067 fois