Tahiti Infos

Teahupoo, un petit village "sauvage" au coeur de la vague olympique


AFP, le 3 mars 2020 - Tranquilles, ils discutent assis dans l'eau du lagon, tout au bout du monde. La route s'arrête à Teahupoo, un village sur la presqu'île de Tahiti, à quelques longueurs des vagues tubulaires de l'un des plus beaux spots de surf au monde, qui devrait accueillir les JO en 2024.

"Teahupoo est encore sauvage alors avec la venue des jeux Olympiques, je pense que Teahupoo attirera plus de personnes et nous, on n'a pas l'habitude", s'inquiète Mihiarii, une jeune fille de 17 ans, qui est née, a grandi et vit à Teahupoo, à plus de 15.000 kilomètres de Paris. Avec des membres de sa famille, elle vend quelques fruits près de la place du bout de la route où se tient une sculpture en forme de vague posée près d'une grande planche de surf en bois plantée dans le sol et sur laquelle est inscrit "Teahupoo". Au pied, une borne rouge et blanche mentionne: "PK 0", le kilomètre zéro

"Avoir les jeux Olympiques, ça peut être positif pour la population d'ici, les personnes qui ont des bateaux pour les excursions pourront en profiter, ceux qui ont des bungalows pourront loger des personnes. Mais c'est négatif parce que Teahupoo n'aura plus ce côté sauvage de la fin de la route de Tahiti", poursuit la Polynésienne. On y trouve un seul restaurant et des pensions de familles. Passé un vieux pont, il n'y a plus ni route ni véhicules mais quelques belles maisons et une végétation luxuriante, entre cocotiers, palmiers et fleurs exotiques.

"Bienvenue au paradis ! ", lance Ludo Estall, un surfeur local de 29 ans, assis sur un rocher ombragé.
"C'est un petit village ici, on vit à peu près au jour le jour, tranquille, on fait avec, on vit avec la nature. La vague apporte du monde, des touristes, c'est bon pour l'économie", explique-t-il.


- "Ca va changer" -


Teahupoo est mondialement connue pour offrir une vague parfaite, celle qui forme un tube de plusieurs mètres de haut et de large à l'intérieur duquel le surfeur se laisse glisser comme dans un tunnel. Elle est l'une des étapes phares chaque année du championnat du monde. "Les jeux Olympiques peuvent apporter de l'argent, du travail mais il faut bien faire les choses", prévient Ludo Estall qui espère lui aussi que les villageois auront "leur part du gâteau". Tous sont dans l'expectative et beaucoup ont peur aussi que leur petit coin de paradis soit défiguré par les constructions en tout genre. Mais pour la légende du surf polynésien Arsène Harehoe, Teahupoo a déjà "beaucoup changé".
"Il y a beaucoup de maisons qui se sont construites, il n'y avait pas tout ça avant. Et ce n'est pas fini", prévient le champion de 67 ans, un des pionniers de cette vague mythique.

"A l'époque, il n'y avait personne, maintenant dès qu'il y a des vagues, tout le monde y va, tout le monde veut la surfer. Sans compter les étrangers qui peuvent suivre les prévisions de la houle sur internet, ils débarquent tous. Le côté sauvage a disparu et avec 2024, ça va prendre encore de l'ampleur. Ca va changer mais je ne sais pas comment ça va se passer". Comme beaucoup, le surfeur pro tahitien Michel Bourez, a été "bien surpris" par la candidature de son île. Et il est ravi.


- Remercier la vague -


"On risque d'avoir des Russes dans la vague ! Des Chinois, des personnes qu'on a jamais vues auparavant. On va voir des équipes arriver et rester des mois pour comprendre la vague. Il y a beaucoup de pros qui viennent mais le plus, ce sont les touristes qui viennent regarder la vague", dit le 13e mondial, qui entend les inquiétudes des villageois. "Il faut que le peuple comprenne le projet, c'est plus ça. Où les athlètes vont rester, l'après-jeux Olympiques. On attend les dernières réponses"
Brandon Parker vend des tee-shirts et des souvenirs "à la fin de la route". Ces JO en 2024 sont une aubaine.

"La vague, on ne peut que la remercier, enfin moi je ne peux que la remercier parce qu'aujourd'hui elle m'aide à gagner ma vie. Et pas qu'à moi. Et j'espère que ça va continuer comme ça", glisse-t-il.

Rédigé par AFP le Mardi 3 Mars 2020 à 08:21 | Lu 1976 fois