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Tarahoi unanime pour offrir de nouvelles compétences aux communes


Tahiti, le 17 janvier 2023 – Attendus et plébiscités par les tāvana, les deux textes permettant aux communes polynésiennes de se voir octroyer de nouvelles compétences actuellement dévolues au Pays ont été votés mardi à l'unanimité des groupes politiques à l'assemblée. Une petite révolution pour les pouvoirs publics municipaux au fenua et un gros coup politique d'Édouard Fritch avant les territoriales.
 
Techniques, attendus de longue date, “soupçonnés” d'électoralisme par l'opposition mais pourtant votés à l'unanimité des élus de l'assemblée... Les deux projets de loi du Pays permettant de déléguer davantage de compétences aux communes polynésiennes ont été examinés, salués et validés par l'ensemble des groupes politiques mardi matin à Tarahoi.
 
La séance extraordinaire qui s'est ouverte cette semaine à quatre mois des élections territoriales des 16 et 30 avril prochains était d'ailleurs principalement destinée à permettre au gouvernement de passer ces deux textes phares attendus par les tāvana. Concrètement, il s'agissait de mettre en œuvre deux des articles du statut d'autonomie –le 48 et le 55– qui permettent respectivement de déléguer aux communes polynésiennes la possibilité de prendre des mesures individuelles et de se voir confier la réalisation d'équipements collectifs ou la gestion de services publics.
 
Ces délégations seront formalisées “par voie de conventions” passées entre le Pays et les communes pour certaines compétences ciblées : action sociale, éducation, jeunesse, etc. Et à chaque fois, le conseil des ministres et le conseil municipal ou intercommunal devront être consultés avant décision du transfert de compétence. “Avec ces deux lois du Pays, on pourra parler de délégation de compétences à la carte”, explique la rapporteuse du projet et sénatrice, Lana Tetuanui. “En 2023, enfin, nous mettons des bases solides pour régulariser ce que depuis la nuit des temps nous faisions en toute illégalité.”
 
Des textes “imaginés en 2016”
 
En effet, les revendications des communes polynésiennes pour se voir confier ce type de compétences sont anciennes. “Sur le plan politique ce n'est pas évident de se séparer de ses pouvoirs. Aucun gouvernement n'a souhaité se lancer dans ce genre de mesures”, s'est expliqué le président du Pays Édouard Fritch. Le même président avait affiché récemment ses consultations des tāvana dans les différents archipels pour obtenir leur aval sur ces transferts de compétences. Le sujet avait été abordé au congrès des communes à Paea et dévoilé en détails par le même Édouard Fritch au congrès des maires à Paris.
 
Mais ces deux textes avaient pourtant été “imaginés en 2016” par l'ancien directeur de cabinet du président, Sylvestre Bodin, décédé depuis, a insisté mardi le président du Pays. Le temps de la consultation a été long et surtout la crise Covid est passée par là. Mais pour une fois autant comme retardateur que comme catalyseur. Pendant la crise sanitaire, les tāvana ont été sollicités pour mener des actions sanitaires et sociales pour lesquelles ils n'étaient pas légalement compétents. Ce ne sera plus le cas à l'avenir, même si les débats à l'assemblée ont insisté sur les questions encore cruciales de transferts de ressources financières et humaines pour assumer pleinement ces potentielles nouvelles compétences.
 
Coup politique
 
Enfin, cette mesure constitue un évidemment un fort coup politique d'Édouard Fritch à l'approche des territoriales. Depuis 2014, le président du Tapura base toute sa stratégie électorale sur le soutien des tāvana et celui de leur électorat. Des tāvana que l'actuel président s'est engagé en retour à émanciper progressivement de la tutelle politique du Pays. Et considérant évidemment le poids politique des maires et l'opportunité de ces deux textes pour les communes, l'opposition n'a pu faire autrement que de voter favorablement et de limiter ses critiques. Imparables, les deux textes ont été adoptés à l'unanimité.
 

Lana Tetuanui, sénatrice Tapura : “Des compétences à la carte”

Ces deux textes permettant de déléguer de nouvelles compétences aux communes étaient particulièrement attendus par les tāvana, pourquoi ?

“C'est important de remarquer que l'assemblée a voté unanimement ces deux projets de loi du Pays fixant les règles pour une délégation de compétence du Pays vers les communes. C'est important aussi de dire que le préalable à ces délégations de compétences sera un avis du conseil des ministres et surtout un avis du conseil municipal. Ces textes étaient attendus et viennent régulariser ce que certaines communes font aujourd'hui illégalement et sans assise juridique bien définie, pour ce qui est de certaines compétences actuellement dévolues à la collectivité polynésienne.”
 
De quelles compétences parle-t-on ? Quels exemples pouvez-vous nous donner ?

“Par exemple, quand on parle d'actions sociales, c'est une famille en difficulté dans une commune. Le conseil municipal décide d'attribuer une aide, de venir en aide à cette famille en difficulté. Derrière ça, quand il faut payer la facture, engager la dépense, le payeur refuse de payer et la chambre territoriale des comptes rappelle sans cesse qu'il ne s'agit pas d'une compétence des communes. Aujourd'hui, avec ces deux lois du Pays, nous y sommes. On peut aussi parler de la jeunesse. Les associations de jeunesse qui œuvrent dans nos communes viennent souvent frapper à la porte de nos tāvana pour demander une petite subvention pour organiser un rassemblement ou une manifestation. Là-aussi, on le fait en toute illégalité. À travers ces deux lois du Pays aujourd'hui, nous venons régulariser ce qui se fait déjà dans ce pays."
 
La question des moyens humains et financiers pour assumer ces compétences nouvelles a été soulevée dans la majorité comme
dans l'opposition. Il ne faudrait pas doter les communes de compétences qu'elles ne pourraient pas assumer…


“Avec ces deux lois du Pays, on pourra parler de délégations de compétences à la carte. Parce que les besoins des communes des îles du Vent ne sont pas les mêmes que les besoins des communes dans les archipels. Dans les îles du Vent, le Pays est représenté pratiquement partout. Ce qui n'est pas le cas dans les archipels éloignés, où les compétences du Pays sont déjà officiées par nos tāvana. Il s'agit surtout de venir clarifier tout cela.”
 

Rédigé par Antoine Samoyeau le Mardi 17 Janvier 2023 à 19:49 | Lu 1199 fois