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Tahiti Nui Jingmin Ocean Farm : le projet chinois tombe-t-il à l’eau ?


Oscar Temaru, le 29 novembre 2012 à la présidence, lors de la signature de la lettre d'intention avec la société Jingmin fisheries investments management limited, basée à Hong Kong.
Oscar Temaru, le 29 novembre 2012 à la présidence, lors de la signature de la lettre d'intention avec la société Jingmin fisheries investments management limited, basée à Hong Kong.
Alors que le Pays s’était engagé à "prendre toutes les dispositions pour la constituer avant le 31 mars 2013" (dixit Oscar Temaru, le 29 novembre dernier, ndlr), la société aquacole Tahiti Nui Jingmin Ocean Farm n’a toujours pas d’existence juridique et pourrait ne jamais voir le jour.

Il semble qu’en dépit de la signature de deux lettres d’intention avec les investisseurs chinois, le Pays n’ait pas la capacité juridique et statutaire d’entrer en participation dans une telle co-entreprise, avec la qualité d’actionnaire majoritaire. Autre obstacle juridique : les autorisations d’occupation temporaires du domaine territorial que le Pays compte apporter en nature dans le capital de la société aquacole, ne sont pas possibles.

Il se dit également que, pour ne rien faciliter à l’avancement de ce dossier, les investisseurs chinois de la Jingmin fisheries investments management limited temporisent en attendant le résultat du scrutin territorial des 21 avril et 5 mai prochains.

Bref, ça bloque sérieusement. Pourtant, ce n'est pas faute de s'être donné de la peine : les statuts de la Sofidep ont été modifiés début mars, au terme d’un débat houleux à l’assemblée, pour permettre à la SEM, détenue à 84,5% par le Pays, d’entrer dans le capital (2%) de la future société aquacole sino-polynésienne ; L’apport en nature potentiel du Pays dans le capital de la société, par le biais de cessions d’emprises foncières et maritimes ainsi que d’infrastructures existantes, notamment sur l’atoll de Hao, a été valorisé pour près d'un milliard Fcfp, par la commission d’évaluation immobilière.

En somme, le mécano s’est mis en place. Mais il bute aujourd’hui sur les limites de compétence du Pays et le périmètre imposé par la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française.

Antony Geros expliquait mardi 2 avril "nous sommes une collectivité de la République. C’est un projet Chinois. Aujourd’hui, pour que cet argent – 150 milliards Fcfp sur dix ans – puisse transiter légalement dans le pays, nous n’avons pas encore trouvé l’artifice juridique. Nous avons conventionné avec un cabinet d’avocats international d’affaires de Hong Kong qui a une succursale à Paris, pour assurer la garantie de nos intérêts dans cette affaire. Pour l’instant nos conseils juridiques respectifs discutent, afin de trouver la meilleure formule en tenant compte du fait que nous sommes une collectivité Républicaine". Et le vice-président de d'ajouter, évoquant le leimotiv politique du moment également au point mort à New York : (…) "pour permettre au pays de mettre en œuvre des relations économiques ou institutionnelles avec des états, (...) nous avons besoin de cette réinscription. Elle nous donne une reconnaissance internationale, un droit d’exister. Sinon, nous ne sommes ni plus ni moins que Nice ou la Bretagne par rapport à Paris, en matière de relations diplomatiques. "

"La matière juridique est complexe. Cette joint-venture est une première en Polynésie. Mais les solutions existent", rassure toutefois la Présidence en précisant "on veut garder le contrôle". Il semble sur le fond que la création d’une telle société aquacole soit possible avec une participation du Pays dans son capital. Mais cette prise de participation ne peut pas être majoritaire, comme c'est le cas dans le projet de joint-venture, avec 51% du capital social de la Tahiti Nui jingmin ocean farm détenu par des intérêts publics polynésiens.

"Dans l’idéal, il faudrait que nous parvenions à signer ces statuts avant le 15 mai", ajoute notre interlocuteur à la Présidence. "Dans le cas contraire, on aura fait un beau cadeau à la prochaine équipe au pouvoir. De toutes façons, nous ne sommes pas dans l’opportunisme politique".

Dans l'opposition, depuis le début la critique de ce projet a été unanime et virulente. En cas de changement de majorité, à l'issue du scrutin du 5 mai, tout ça pourrait finir au fond d'un tiroir.

Un projet qu’Oscar Temaru avait décrit avec un certain lyrisme, le 12 avril 2012 lors de l’ouverture de la session de l’Assemblée de Polynésie française, comme consistant à "bâtir autour de l’atoll de Hao, un véritable écosystème économique autour du potentiel marin de notre ZEE. Nos interlocuteurs sont prêts à investir 1.5 milliards de dollars sur 15 ans, pour développer toute une gamme d’activités, de la pêche à la transformation mais aussi l’élevage aquacole de diverses ressources marines, du thon au rori, en passant par les espèces de poissons lagonaires. Il ne s’agit pas d’un projet de petite envergure qui serait autocentré sur le seul atoll de Hao, mais bien d’un vaste réseau, s’étalant sur les atolls environnants, et jusqu’aux îles Marquises. Hao jouant ici le rôle de « hub », de par l’existence sur place d’infrastructures portuaires et aéroportuaires conséquentes".

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Lundi 8 Avril 2013 à 13:14 | Lu 4973 fois