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Syndrome du bébé secoué : un "drame absolu " à la barre


PAPEETE, le 4 septembre 2018 - Un menuisier de 29 ans comparaissait ce mardi devant le tribunal correctionnel pour répondre de violences volontaires ayant entraîné " une mutilation permanente". Alors que le prévenu avait la garde de son nourrisson, ce dernier avait dû être hospitalisé d’urgence. Les médecins avaient conclu que l’enfant avait été victime du syndrome, dit " du bébé secoué". Son père a été condamné à trois ans de prison, dont deux ans avec sursis. L’enfant reste handicapé à 66 %.

L’affaire jugée ce mardi matin était si " douloureuse " que le président du tribunal a tenu à dire quelques mots sur la petite victime, " un enfant désiré et aimé ", et sur les répercussions de ces faits " dramatiques " qui ont " impacté tout l’entourage familial. "

Les magistrats devaient en effet juger un jeune homme poursuivi pour avoir provoqué de graves lésions neurologiques sur la personne de son fils âgé de 2 mois à l’époque des faits. Le 7 juillet 2015, le prévenu avait amené l’enfant à l’hôpital de Taravao. Son pronostic vital semblait engagé. Après avoir exclu la thèse d’une méningite, les médecins avaient établi que le petit avait été victime du syndrome, dit du " bébé secoué. " Trois ans après les faits, l’enfant reste gravement handicapé, ne pouvant se lever ni marcher ni même utiliser ses mains.

A la barre du tribunal, le jeune homme a tout d’abord écouté le président du tribunal retracer sa vie, celle d’un individu au casier judiciaire vierge, qui n’avait manqué aucun rendez-vous, aucune échographie durant la grossesse de sa compagne. Alors qu’ils étaient très jeunes, le prévenu et cette dernière, qui était présente lors de l’audience, avaient décidé de fonder une famille. Cet enfant, ils l’avaient désiré, ils l’aiment et ont tout mis en place pour l’accueillir au mieux. Entendue par les magistrats, la jeune mère s’est montrée très digne et a déclaré qu’elle ne saurait " peut-être jamais " ce qui a pu se passer mais qu’elle savait cependant que le père de son fils avait " fait de son mieux. "



Un prévenu effondré

Que s’est-il donc passé ce 7 juillet afin que le petit, qui n’avait jamais présenté aucun signe de maltraitance, se retrouve entre la vie et la mort ? A la barre du tribunal, le prévenu a semblé effondré. Ce jour-là, il s’était retrouvé seul avec l’enfant, la mère ayant repris ses cours à l’université. De son propre aveu, face à un bébé agité et nerveux, il a eu peur. L’a-t-il violemment secoué ? Trois ans après les faits, il ne sait toujours pas mais se dit " responsable". Quand il se rappelle de la scène et de son enfant qui a " sombré ", il pleure et ne peut plus répondre aux questions des magistrats qui évoquent aussi l’état de fatigue du couple qui se levait jusqu’à 5 fois par nuit.

L’avocate désignée pour représenter la victime a entamé sa plaidoirie la voix emplie d’émotion en déplorant le dossier du " drame absolu ", de la " tristesse infinie ". Elle a également déclaré qu’il était " acquis "que le prévenu n’avait " jamais voulu faire de mal à son enfant."

Avant de requérir 4 ans de prison, dont deux avec sursis, le procureur de la République s’est fermement opposé au sentiment "d’empathie " qui semblait régner dans la salle d’audience : " cet enfant est condamné à vie à un handicap qui sera de plus en plus flagrant au cours des années et cela est la conséquence d’un geste, d’une forme de violence et non pas de la malchance ou de la maladresse."

" Dans ce dossier, on suppose que c’est forcément mon client qui est à l’origine des séquelles mais l’on ne sait pas vraiment ce qui a pu se passer " a ensuite affirmé le conseil du prévenu.

L’homme a été condamné à trois ans de prison dont deux avec sursis.

Rédigé par Garance Colbert le Mardi 4 Septembre 2018 à 16:15 | Lu 3074 fois