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Sur l'île de Clampin




Clampin attend.
Assis dans le sable. Entre ses bras tenant ses genoux.
Ça fait longtemps qu'il attend.
Très longtemps.
Son regard est accroché au sommet du cocotier qui le surplombe.
Il n'attend pas quelqu'un, ou simplement que le temps passe.
Non. Il attend très précisément que quelque chose arrive.
Là, assis dans le peu d'ombre que lui procure la ramée du cocotier.
Clampin attend qu'un coco tombe.
Car Clampin n'est pas bête - enfin si... mais passons – Clampin sait très bien que l'on meurt ainsi,
dans l'ombre des cocotiers, le crâne fendu par la noix qui chute sans crier gare.
Des histoires qui finissent comme ça, il en a entendu un bon paquet.
Un jour, un monsieur faisait une sieste sous un cocotier, là-bas à Papara.
Et crac.
Un jour, des jeunes mariés, des Chinois s'il se souvient bien, posaient pour leur photo souvenir, sous
un cocotier évidemment.
Et crac. Évidemment.
Un jour un enfant, un jour une maman, un jour le copain de la soeur de Rahiti.
Crac. Crac. Crac.
Clampin a mal au cou, à force d'attendre comme ça.
Il voit la scène, il la vit presque déjà.
Un tout petit bruit imperceptible et un coco se détache des autres.
Il tombe.
Tombe.
Tombe.
Clampin a bien le temps de le voir puisque la scène se déroule au ralenti.
Il imagine qu'il aura le temps de rouler sur le côté.
Une belle roulade.
Effectuée avec toute la grâce dont son corps famélique dispose encore.
Une gerbe de sable et Clampin n'est plus à l'endroit où le coco vient s'écraser dans un bruit sourd.
Sain et sauf.
Il se rejoue la scène. En boucle.
A chaque fois, il s'en faut de peu mais il réussit.
Ça lui fait du bien de penser à ça tandis qu'il attend. Ça l'occupe.
Pas une seule seconde il n'a cherché à aller s’asseoir ailleurs car il n'y a pas d'autre coin d'ombre sur
cette maudite plage.
C'est pourtant une ombre de rien.
Une ombre fragile.
Squelettique et tremblante.
Une ombre qui a du mal à faire son boulot d'ombre.
Mais c'est mieux que rien, se dit Clampin.
Alors il attend.
Et ce faisant, il oublie presque le reste.
Le naufrage.
La dérive.
L'île déserte.
La faim.
Ce faisant, occupé qu'il est à attendre qu'un coco tombe de son cocotier, il oublie presque qu'il
attend autre chose.
Encore et toujours qu'un bateau passe.
 
Samuel ARNOUX
 

le Vendredi 15 Novembre 2019 à 16:59 | Lu 788 fois


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