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Sur l'apprentissage, Virginie Bruant vante une réforme couteuse mais nécessaire


Les premiers apprentis découvrant leur contrat d'apprentissage. Crédit photo : présidence.
Les premiers apprentis découvrant leur contrat d'apprentissage. Crédit photo : présidence.
Tahiti, le 06 février 2023 – Lors d’une conférence de presse donné lundi matin, la ministre du Travail Virginie Bruant a dévoilé sa nouvelle réforme de l’apprentissage. Une loi où le Pays a mis le paquet financièrement et qui a pour objectif de démocratiser ce système tout en agissant pour la protection de l’emploi local. En marge de la conférence de presse, les dix premiers apprentis ont signé leur contrat.
 
Accompagnée de Jean-Michel Blanchemanche, le directeur du CFPA et de Vanessa Tiaipoi, directrice du Sefi, Virginie Bruant, la ministre du Travail en charge de la formation, a présenté lundi matin la nouvelle réforme du Pays sur l'apprentissage. Le texte est promulgué depuis le 23 janvier dernier. Après avoir passé huit mois sur ce projet, qui a été élaboré avec entre autres, le Sefi, le Medef, la CPME, le Grepfoc [le Groupement des établissements de Polynésie pour la formation continue, NDLR] ou encore des organismes de formation et le vice-rectorat, cette réforme de l’apprentissage entre en application. Les dix premiers alternants ont reçu, lundi avant la conférence de presse, leur dossier d’apprentissage ainsi que leur contrat. Ce texte encadrant l’apprentissage ne sera pas exactement similaire à celui de métropole puisqu’il “tient compte des spécificités de la Polynésie et notamment de son éclatement géographique” a précisé d’emblée Virginie Bruant. Du reste, comme l’a souligné la ministre, l’enjeu de cette réforme est de réellement lancer et démocratiser le système de l’apprentissage au fenua en l’adaptant au mieux aux attentes des alternants et des formateurs.
 
Cette loi du Pays qui est une “bulle législative” sera donc un “projet-pilote jusqu’en 2025” a expliqué la ministre : “C’est un dispositif sur 3 ans, avec un objectif de 300 apprentis en 2023, 500 en 2024 et 1 000 en 2025. Après cette date, ça sera un dispositif qui va rouler, mais ça va nous permettre de l’ajuster au besoin jusque-là, pour coller au plus près des demandeurs d’emploi”. Ce principe d’enseignement permet aux jeunes de moins de 28 ans – bien que des dérogations sur l’âge limite puissent être accordées sous certaines conditions –, de conjuguer formation et emploi, avec un statut de salarié cotisant à la CPS, une rémunération et des congés payés. Le rythme entre école et entreprises sera, lui, définit de concert entre le centre de formation et le formateur.  Le taux d’insertion attendu à la suite de l’alternance est de “70 à 80 % minimum. Partout où c’est utilisé, ça fonctionne très bien” a plaidé Virginie Bruant.
 
Le Pays met les moyens
 
Pour inciter les jeunes et les entreprises à avoir recours à l’apprentissage, le Pays fait “un gros effort financier” a aussi insisté Virginie Bruant. Tout d’abord, le Pays prendra en charge de manière dégressive le salaire de l’apprenti. Une rémunération minimum fixée 70% du Smig prise en charge en totalité la première année, à 90% la deuxième et 80% pour la dernière. Le reste sera versé par l’entreprise à concurrence de 7/10 du Smig. Les charges patronales seront de même payées par le Pays. Tout comme celles du maître d’apprentissage, en charge de la formation de l’alternant. Ces charges patronales seront financées à hauteur de 70 % la première année, 50 % la deuxième et 30% la troisième. Il recevra également une prime mensuelle de 30 000 fcfp pour son travail de formateur.
 
C’est toujours une attention particulière d’être maître d’apprentissage, donc cette prime c’est pour l’aider à prendre du temps pour passer son savoir. On lui offre également une formation pédagogique, a souligné Virginie Bruant. Par la suite on voudrait aussi labéliser les organismes d’accueil qui rentrent dans le dispositif de l’apprentissage, pour toujours mieux l’encadrer.” À titre d’exemple, pour les 300 apprentis prévus cette année, en ne comptabilisant qu’uniquement la prise en charge du salaire et des charges patronales de l’alternant, ainsi que les primes pour les maîtres d’apprentissage, le cout total pour le Pays est d’un peu plus de 671 millions de Fcfp. Ce chiffre dépassera aisément le milliard en 2025
 
Mais là où la loi est réellement vectrice d’incitation à l’emploi, c’est par les moyens mis à disposition pour “agir sur les freins périphériques d’accès à l’emploi” comme les problèmes de mobilité ou liés à la famille. Des aides spécifiques, comme la prise en charge des transports en commun ou encore des frais de garderie pour les parents en reconversion professionnelle seront également données par le Pays. “On a essayé de penser à l’environnement autour de l’apprenti et des demandeurs d’emploi, qui sont parfois très éloigné du marché du travail, a évoqué la ministre du Travail. Il y aura aussi une continuité des aides sociales pendant le premier mois de travail, jusqu’à que le premier salaire soit touché”. Après avoir réussi son apprentissage et sous réserve qu’il se soit bien déroulé, l’alternant pourra aussi bénéficier d’une aide de 100 000 francs pour le financement de son permis de conduire ou d’un moyen de locomotion.
 
Agir sur la protection de l’emploi local
 
Cette réforme s’inscrit également dans la nécessité de la protection de l’emploi local. “En collaboration avec le Sefi, nous déciderons tous les ans de la carte des formations qui seront dispensées”. Des formations qui ne viseront pas uniquement des métiers manuels, avec des diplômés de bac +2, bac+3 et même master : “On veut rehausser la vision de l’alternance. Il a cette vision du compagnonnage, du maçon, du charpentier qu’était l’apprentissage. Cette image a complétement changé et on veut l’accompagner.”
 
Pour 2023, formations comme CAP cuisine, bachelor Européen Marketing, frigoriste ou encore gouvernante et chargé de clientèle banque et assurance, seront dispensées. Mais les différents métiers proposés ne sont pas choisis arbitrairement : “Tout ça est aussi lié à la protection de l’emploi local a expliqué Virginie Bruant. On essaye également d’être cohérent avec ce qui se passe sur le territoire.  Avec les données de l’observatoire de l’emploi, on connait les métiers à protéger, qui sont sous tension en Polynésie. Pour lesquels il y a de la demande mais où on est obligé de recruter à l’extérieur”. Pour la ministre, dès lors que l’on connait “nos besoins”, il faut “apporter des formations” pour le combler. “CAP pâtissier, conducteur de travaux, guide d’activités de pleine nature, un Deust métiers de la cohésion sociale ou encore master de comptabilité, toutes ces formations qui manquent actuellement seront mises en place” a assuré Virginie Bruant. Avec cette réforme, l’apprentissage se veut ainsi au plus près des besoins du secteur de l’emploi en Polynésie.

 

Rédigé par Thibault Segalard le Lundi 6 Février 2023 à 17:51 | Lu 1837 fois