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Statut du sportif en Polynésie – Les précisions des instances sportives gouvernementales

Suite à notre interview de la ministre de l’Education et de l’Enseignement Supérieur, de la Jeunesse et des Sports, les instances sportives gouvernementales ont confirmé qu’il n’y avait pas à l’heure actuelle de statut pour le sportif professionnel en Polynésie. Mais ils ont souhaité apporter certaines précisions sur ce sujet vaste et complexe. Cécile Tiatia pour le Pays et Emmanuel Haessler pour l’Etat ont bien voulu nous apporter des éclaircissements sur la situation, le Pays reconnaissant bien le « statut social » et le titre de « sportif de haut niveau ».


Cécile Tiatia conseillère technique au ministère des sports et Emmanuel Haessler de la MAAT
Cécile Tiatia conseillère technique au ministère des sports et Emmanuel Haessler de la MAAT
Nous avons abordé dernièrement la thématique concernant les aides aux sportifs, ce  qui va de pair avec la reconnaissance en général de l’athlète en Polynésie. Cela a été fait à travers une interview de la ministre des Sports et de l’Education Nicole Sanquer-Fareata, ces thèmes ont également été évoqués lors d’une interview de Stéphane Lambert, un prestataire de service privé qui innove dans le secteur sportif, notamment à travers le Waterman Tahiti Tour.
 
Pourquoi aborder un tel thème ? Et bien parce qu’en métropole une loi a été votée et adoptée en 2015, validant un statut pour le sportif professionnel. En Polynésie, il n’est pas rare d’entendre les sportifs de haut niveau, où qui tendent vers le haut niveau, déplorer le manque de soutien. Les exemples sont nombreux, on citera simplement Anne-Caroline Graffe, notre médaillée d’argent aux Jeux Olympiques de Londres, connue pour ne pas avoir été aidée par le mouvement sportif polynésien.
 
Ce qui revient, c’est un problème lié aux déplacements pour les compétitions à l’étranger : les athlètes obtiennent un billet parfois grâce à Air Tahiti Nui, dont l’action est saluée par le mouvement sportif, mais les frais sur place sont à la charge de l’athlète ou de ses parents, ce qui a pour conséquence la constitution de délégations pas toujours représentatives du meilleur niveau, constituées de ceux dont les parents ont les moyens.

Les présidents de fédé ont un rôle primordial
Les présidents de fédé ont un rôle primordial
Des arrêtés ont été modifiés début 2016
 
Ce qui a été expliqué par Mme Tiatia et M. Haessler, c’est que divers arrêtés liés aux aides ont été mis à jour depuis ce début d’année. Cécile Tiatia a également rappelé les sommes importantes allouées par le Pays aux fédérations, rappelant le rôle primordial des dirigeants de ces fédérations sportives et du président du COPF qui est censé les fédérer. On a pu voir par ailleurs que Stéphane Lambert venait de réussir à impliquer la fédération de surf et son nouveau président dans la prise en charge des frais sur place des 15 athlètes polynésiens qui participent actuellement au « Pacific Paddle Games » en Californie.
 
Ils ont également rappelé, reconnaissant qu’il pouvait y avoir un manque de communication à ce niveau là, que les athlètes pouvaient faire une demande d’aide à titre individuel, en s’y prenant deux à trois mois à l’avance pour que l’administration puisse avoir le temps de traiter la demande. Il s’agit d’argent public, on comprend bien qu’une demande une semaine avant un départ va difficilement être acceptée.
 
On peut effectivement voir sur le site de l’IJSPF, le formulaire concernant l’aide individuelle dont l’arrêté a été consolidé le 8 février 2016. Cet aide est plafonnée à 100 000 fcp, par bénéficiaire et par année, et doit avoir l’aval de la fédération de tutelle.
 
Une deuxième aide est en place, elle aussi ajournée par arrêté le 8 janvier 2016 : la bourse individuelle pour athlète de haut niveau. La somme accordée peut aller jusqu’à 600 000 fcp pour la catégorie « élite sénior », 500 000 fcp pour la catégorie « élite jeune » et 150 000 fcp pour les catégories « excellence junior » et « excellence jeune ». Les détails sont disponibles sur le site du service de la jeunesse www.sjs.gov.pf dans la rubrique subventions/aides individuelles.

Le milieu sportif en Polynésie est très dynamique
Le milieu sportif en Polynésie est très dynamique
Des congés spéciaux pour la fonction publique
 
Il apparaît également qu’une aide aux congés spéciaux existe, pour ceux qui travaillent, mais simplement pour la fonction publique. Une des autres avancées de 2016, c’est que la liste des athlètes de haut niveau a été réduite pour pouvoir ainsi mieux concentrer l’aide et la rendre plus efficace. L’athlète a des droits mais aussi des devoirs. Il apparaît ainsi qu’environ 2/3 des athlètes figurant sur la liste de haut niveau n’ont pas encore rempli leurs obligations, entre autres médicales. Certains sont absents, d’autres ne sont peut être pas au courant ?
 
Un athlète doit donc se retourner en premier lieu vers sa fédération de tutelle qui peut l’aider financièrement, il peut également, avec son aval, faire un dossier « d’aide financière aux sportifs » ou de « bourse individuelle pour athlète de haut niveau », des demandes non cumulables.
 
La question des exonérations douanières, un des problèmes que rencontrent les sportifs, a été également évoquée. Les clubs, qui sont des associations à but non lucratif de type loi 1901, avaient abusé de ces exonérations selon la Ministre, ce qui avait eu pour effet de nuire à l’économie locale, ces exonérations avaient été ainsi interrompues.
 
La ministre avait annoncé en début d’année sur ce point « la porte va se rouvrir alors je compte sur vous », Cécile Tiatia a précisé que le Ministère des Sports ne peut que solliciter le Ministère des finances sur ce point qui est décisionnaire sur cet aspect qui touche l’économie du Pays.

Le sport est lié à la santé, à la culture, au tourisme...
Le sport est lié à la santé, à la culture, au tourisme...
Qu’est ce qu’un athlète de haut niveau ?
 
Emmanuel Haessler a précisé qu’il y a la notion « d’athlète médiatique » à différencier de celle « d’athlète de haut niveau ». Pour Air Tahiti Nui, la dimension d’ambassadeur compte, donc ce n’est donc pas forcément le meilleur de chaque discipline qui est aidé. Du côté médiatique, il faut reconnaître que certaines disciplines intéressent plus que d’autres.
 
Prenant l’exemple de la course à pied en nature, le raid, qui attire les foules et les sponsors, les temps réalisés sont assez loin du haut niveau, d’où la question soulevée « qu’est qu’un athlète de haut niveau ? ». Certaines disciplines en plein essor en Polynésie comme le jiu jitsu ou le SUP n’ont pas leur propre fédération, une est rattachée au surf, l’autre à la lutte. Au niveau international les fédérations sont diverses, il n’est pas évident d’y voir clair dans ces disciplines naissantes.
 
Certains sports en vogue très médiatisés, dont certains sont « extrêmes », pourraient être aidés par le Ministère du Tourisme, la question a été soulevée également. Cela ne veut pas dire que les instances gouvernementales ne s’efforcent pas d’être dans l’air du temps. Par exemple, une annonce va prochainement être faite concernant un circuit de BMX, un sport qui rappelons-le est olympique et qui pourrait intéresser nos jeunes.
 
L’exemple du skate park a été également évoqué, un investissement réalisé pour une infrastructure - pour un sport qui vient de devenir un sport olympique - alors que derrière la vie des clubs semble au ralenti et les compétitions rares.
 
Emmanuel Haessler a précisé qu’il fallait reconnaître que notre système avait ses limites, liées à notre isolement et à notre population peu nombreuse, et que l’athlète devait donc bien souvent se résoudre à partir durablement pour pouvoir se former et évoluer dans son domaine.

En début d'année, une réunion importante avait défini les orientations, le président du COPF n'y avait pas assisté pour raisons professionnelles
En début d'année, une réunion importante avait défini les orientations, le président du COPF n'y avait pas assisté pour raisons professionnelles
Aider qui, pourquoi, quand comment ?
 
Donc aider qui, pourquoi, quand, comment, il n’est pas évident d’y voir clair, les profils de sportifs sont multiples, ceux qui ont un travail et ceux qui n’en ont pas…quelles disciplines aider ? La priorité pour les instances gouvernementales, Etat comme Pays, reste la mise à jour des infrastructures sportives, une mission est justement en train d’évaluer le parc actuel. La formation des cadres techniques est également une priorité majeure qui est la base même du bon développement du sport en général. Une enveloppe spéciale est allouée aux fédérations qui en possèdent.
 
De manière générale, les instances ont reconnu que tout était perfectible, que les choses avaient tout de même avancé cette année et qu’il n’était donc pas légitime de « taper systématiquement » sur les instances en place. Comme souvent tout est question de budget, au sport polynésien de prouver qu’il nécessite globalement plus de fonds et d’attention, mais ne l’a-t-il pas déjà fait ?
 
On peut déplorer, pour conclure, le fait que la ministre des Sports et le président du COPF, qui réunit les fédérations sportives de Polynésie, soient actuellement en désaccord sur divers points, pour ne pas dire « en guerre ». On peut malgré tout compter sur le dynamisme du secteur et la volonté des diverses instances pour que les choses évoluent dans le bon sens. SB

Rédigé par SB le Jeudi 29 Septembre 2016 à 16:42 | Lu 3595 fois