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Simone Grand à Paris pour expliquer la médecine traditionnelle polynésienne


(de g à d) Simone Grand ; Claudy Siar, Délégué interministériel pour l’égalité des chances des Français d’Outre-Mer ; Gisèle Bourquin, présidente de Femmes au-delà des mers
(de g à d) Simone Grand ; Claudy Siar, Délégué interministériel pour l’égalité des chances des Français d’Outre-Mer ; Gisèle Bourquin, présidente de Femmes au-delà des mers
Dans le cadre du Festival Hotu Ma’ohi organisé à Paris par la Délégation de la Polynésie française, l’association « Femmes au-delà des mers » a accueilli, mercredi soir, Simone Grand pour une conférence sur la place des femmes dans les soins traditionnels à Tahiti.
Que représentaient ces pratiques pour les soignantes, comment exploitaient-elles leur savoir, comment le transmettaient-t-elles, le faisaient-elles par altruisme ou pour exercer un pouvoir sur autrui à travers le soin ?
Autant de questions auxquelles la présidente de la Société des Etudes Océaniennes a tenté de répondre, en s’appuyant notamment sur les résultats et analyses d’une enquête qui l’a amené à rencontrer quarante deux Tahu’a (ndlr : guérisseurs), dont vingt femmes et vingt-deux hommes.

« Aux temps anciens, il semblerait que les connaissances étaient largement partagées entre les habitants. Il était essentiel que chacun soit utile au groupe. La stratégie de soins était donc d’éloigner la maladie, qui était vécue comme une possession » a expliqué Simone Grand à l’issue d’échanges riches avec l’auditoire, où l’on pouvait noter la présence de Claudy Siar, fraîchement nommé Délégué interministériel pour l’égalité des chances des Français d’Outre-Mer.
Ainsi, outre les soins prodigués avec des préparations médicinales, les Polynésiens suivaient selon elle, une hygiène de vie particulière et portaient une grande attention à leur peau, dont l’importance était symbolique en tant qu’enveloppe.

« On ne maltraitait jamais le malade »

On pratiquait essentiellement de l’herboristerie, des massages, des soins psychologiques, ou encore « la gestion des humeurs » (raau he’a) consistant à éviter certains aliments, respecter une journée de jeune et effectuer une purge.
« Comme dans beaucoup de sociétés, ce sont les femmes qui prenaient soin des enfants et donc pratiquaient, puis transmettaient la médecine traditionnelle » a précisé Simone Grand.
« Elles le faisaient avec altruisme et humilité, alors que certains hommes pouvaient utiliser ce savoir pour établir une emprise, exercer un pouvoir sur autrui. On ne notait pas ça chez les femmes » a-t-elle fait remarquer, soulignant que d’une manière générale « on ne maltraitait jamais le malade ».

Une véritable hécatombe

S’appuyant sur le témoignage des premiers navigateurs, en particulier James Cook, Simone Grand a également souligné que « les Polynésiens étaient en excellente santé ».
« Les maladies introduites par les navigateurs provoquèrent une véritable hécatombe. Ce fut une catastrophe sanitaire et humanitaire. La population fût divisée au moins par dix, tombant à six milles habitants en 1842 » a-telle poursuivi.
La régénération fût possible grâce aux métissages et au développement d’anticorps par les Polynésiens, conjugués à la mise en place d’un système de santé, par la France. L’épidémie de grippe espagnole n’épargna toutefois pas le territoire au début du vingtième siècle.
Simone Grand a ajouté regretter que la médecine traditionnelle ne soit pas contrôlée à Tahiti.


Utiliser les ressources de la société ancienne

« On peut tomber sur le meilleur comme sur le pire » a-t-elle encore constaté.
L’anthropologue a également indiqué qu’à Hawaï et en Nouvelle-Zélande, les médecins travaillent désormais avec les Tahu’a, qui ont eux même établi un code de déontologie.
« L’objectif est d’utiliser les ressources de la société anciennes pour en faire des outils au bénéfice de la santé aujourd’hui ».
« En 1917, le Tahu’a Tiurai distinguait quatre groupes de maladies : celle du corps, de la pensée, de l’esprit du vivant, et de l’esprit du défunt. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) définit, elle, la santé comme un état de complet bien être physique, mental, psychique et social. Nous avons là deux définitions exactement identiques » a conclu Simone Grand, soulignant ainsi la philosophie commune des médecines occidentales et traditionnelles et leur nécessaire complémentarité.

Rédigé par Communiqué le Jeudi 9 Juin 2011 à 08:50 | Lu 1490 fois