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Session extraordinaire : Marcel Tuihani fait un discours politique au nom du Tahoera'a


PAPEETE, 3 mars 2015 - Le président de l'Assemblée de la Polynésie française a cédé sa place au perchoir à Lana Tetuanui, 1ere vice-présidente, pour conduire les débats de la première séance de la session extraordinaire convoquée ce mardi par le gouvernement Fritch.

Le projet de délibération portant approbation des deux volets de la proposition de convention de Contrat de projets 2015-2020 pour le financement des projets de compétence du Pays et le financement de projets communaux a servi au président de la 3e institution de Polynésie française pour défendre la vision prônée par le camp Flosse du partenariat Etat-Pays.


Allocution de Monsieur Marcel TUIHANI, président de l’Assemblée
Au nom du groupe Tahoera’a Huiraatira


Monsieur le Président de la Polynésie française,
Mesdames et Messieurs les ministres,
Mesdames et messieurs les représentants, chars collègues,
Cher public,

Le Contrat de Projets 2015-2020 a été décliné sous la forme de deux conventions distinctes, dont la première est consacrée au financement de projets relevant des compétences de la Polynésie française, et la seconde est relative au financement des projets d'investissement communaux.
Le Contrat de Projets 2015-2020, comme l'a exposé notre rapporteur, comprend une enveloppe globale d'environ 50 milliards F T.T.C. pour les deux conventions, sur une période de six années, dont 38 milliards F T.T.C. sont dévolus au financement de projets relevant de la compétence du Pays.
Pour l'ensemble de la période, les projets sont financés à parité par l'Etat et la Polynésie française.
Dans le préambule de la convention du Contrat de Projets Etat-Polynésie française (2015-2020) relatif au financement de projets relevant des compétences de la Polynésie française, il y a lieu de relever la volonté conjointement affirmée par les parties de “placer la croissance économique et l'emploi au coeur des volets d'action”, ce qui constitue l'orientation majeure de ce nouveau Contrat de Projets. Dès lors, les enveloppes financières consacrées aux secteurs productifs, à savoir, le tourisme et le secteur primaire, qui sont des secteurs d'avenirs, sont les plus importantes en termes de volume financier.
Si la volonté est affirmée d'utiliser ce nouveau contrat comme un instrument de développement économique de la Polynésie française, à l'instar du précédent Contrat de Projets 2008-2013 approuvé le 23 mai 2008 par l'Assemblée de la Polynésie française et prorogé d'un an en novembre 2013 jusqu'au 31 décembre 2014, il faut cependant rappeler qu'un bilan contrasté est affiché par celui-ci. L'audit de ce précédent Contrat de Projets a été confié au cabinet Ernst&Young, afin d'en examiner les points saillants, et de présenter un document d'évaluation.
Ce bilan aura permis, pour les parties en présence, de mettre à profit cette première expérience sur la période 2008-2014, afin d'élaborer un dispositif plus efficace.
Il a été constaté que le concours de l'Etat est mis en oeuvre en Polynésie française par différents vecteurs, comme le Contrat de Projets ou le 3IF, mais l'expérience du premier Contrat de Projets a mis en évidence que l'Etat a moins contribué aux projets du Pays, que le Pays lui-même a contribué aux projets des tiers, au premier rang desquels se situent les communes. En d'autres termes, force est de constater un solde négatif dans l'exécution du Contrat de Projets 2008-2013.
Ce bilan aura surtout permis d'afficher au centre des priorités des deux partenaires Etat-Pays, une démarche qui consiste à privilégier l'amélioration du dispositif dans sa gouvernance, son organisation, sa programmation, ses procédures d'instruction et d'engagement financier.
La recherche de l'efficacité prévaut dans l'élaboration de ce Contrat de Projets 2015-2020 en affichant l'objectif résolu de mieux consommer les crédits.
La principale novation consiste à adopter un pilotage plus souple du contrat de projets, dont la gouvernance est réduite à deux instances, l'une préparatoire, et l'autre qui constitue l'instance décisionnelle.
En effet, la rationalisation et la simplification des procédures de programmation des opérations, des circuits d'instruction et des engagements financiers devraient donner plus de fluidité au déroulement des opérations de financement et de réalisation des investissements.
La seconde convention concerne le Contrat de Projets 2015-2020 relatif au financement des projets d'investissement communaux.
Elle représente un quart de l'enveloppe des 50 milliards F CFP sur toute la période, soit 12 milliards F CFP (T.T.C.).
Je ne vous cache pas que nous aurions préféré que le contrat de projet Etat/Pays/Communes fasse l’objet d’un nouveau type de financement et non pas d’une ponction sur le contrat de projet Etat/Pays ce qu’il est en réalité. Nous aurions ainsi bénéficié de leviers supplémentaires, réels et complémentaires, plutôt que d’une séparation des moyens pour en prélever une partie afin de les réserver aux besoins des communes. Certes, les secteurs éligibles en faveur des communes gagnent en lisibilité, et l’on peut espérer un meilleur rendement du contrat de projet, mais l’enveloppe globale reste la même et apparaît d’ores et déjà insuffisante pour faire face aux besoins des communes.
Je souhaite me faire ici l’écho de certains maires qui ont exprimé leurs inquiétudes et qui s’interrogent sur la manière dont cette enveloppe, conséquente en soi, va être répartie entre les communes sur les secteurs éligibles dans ce nouveau contrat de projet, car 12 milliards sur 6 ans, représentent en moyenne 2 milliards par an à se partager entre 48 communes confrontées chacune à des priorités et des contraintes très différentes, avec une densité de population qui n’est pas la même partout, tout en sachant que les secteurs éligibles nécessitent le plus souvent des investissements lourds et donc coûteux.
Je note cependant que la répartition des enveloppes financières entre les deux contrats de projets est fongible, et qu’elle pourra évoluer en fonction des réalisations et des besoins de chaque contrat de projet. C’est une bonne chose, mais c’est aussi un risque. Ce risque consisterait à utiliser le principe des « vases communiquant ». En effet, à mi parcours l’évaluation du contrat de projet qui est prévu dans les conventions pourrait conduire l’instance décisionnelle, le COPIL, à décider le transfert de crédits de la convention relavant des compétences pays vers les investissements communaux, au motif que les projets relevant de la compétence du pays ne sont pas arrivés à maturité ou ne peuvent démarrer, ce qui fut le cas pour le premier contrat de projet.
Les opérations d'investissement sont réparties sur quatre secteurs éligibles, que sont l'alimentation en eau potable, la collecte et le traitement des eaux usées, la collecte et la gestion des déchets et la réalisation des abris de survie. Ces services publics correspondent effectivement aux compétences attribuées aux communes par la loi organique de 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française.
Il convient de rappeler que l'ordonnance n° 2007-1434 du 5 octobre 2007 fixe les délais de mise en oeuvre pour l'exercice des compétences relatives à l'eau, à l'assainissement, et au traitement des déchets. Les délais imposés initialement étaient le 31 décembre 2011 pour exercer la compétence en matière de traitement des déchets, le 31 décembre 2015 pour la distribution de l'eau potable, et le 31 décembre 2020 pour l'assainissement des eaux usées. Comme vous le savez, ces échéances ont été récemment repoussées à l'horizon 2024, en raison des délais considérés comme peu réalisables, mais surtout grâce à l'implication forte et à l'opiniâtreté de nos deux sénateurs, Teura IRITI et Vincent DUBOIS, qui ont porté les amendements nécessaires devant le Sénat.

Je tiens ici, devant vous, à les remercier et à saluer l'ensemble du travail accompli par nos deux sénateurs au cours de leur mandat, puisqu’en ce qui concerne le CGCT, c’est notre assemblée qui leur a confié cette mission.
Il faut également préciser que le choix de prioriser le secteur de l'environnement dans ce second Contrat de Projets répond à une logique de spécialisation des financeurs dans un objectif affiché par le Gouvernement de rationalisation des financements. Par exemple, les constructions scolaires ont désormais vocation à être financées par le FIP et non par le Contrat de Projets.
Outre ces aspects quelque peu techniques, permettez-moi néanmoins de m'interroger, suite aux récentes déclarations de Monsieur URVOAS, qui effectue actuellement une mission en Polynésie française. Il considérait, en effet, que ce délai accordé aux maires pour mettre en oeuvre les obligations nouvelles imposées par le Code Général des Collectivités territoriales ne devait pas les précipiter dans une passivité outrancière, et que ce délai salutaire devait au contraire les inciter à agir.
Je tiens ici à le rassurer... Non, les maires de Polynésie française ne sont pas irresponsables et ils ne resteront pas inactifs, je puis vous l'assurer et le clamer haut et fort en leur nom !
Monsieur URVOAS met pourtant sa visite en Polynésie française à profit, pour prendre véritablement la mesure de l'étendue de notre territoire, des contraintes qui s'imposent à nous au quotidien, et leur impact sur nos politiques sectorielles.
J'ai la faiblesse de penser, qu'à l'issue de cette mission, son regard sur la Polynésie française aura évolué, et qu'il comprendra qu'un instrument tel que le Contrat de Projets constitue indéniablement un instrument au service du développement endogène de nos collectivités, et en premier lieu de nos communes, qui sont les premiers maillons de notre Territoire.
Je considère que le développement économique de la Polynésie française relève d'un véritable devoir de responsabilité de la part de l'Etat à l'égard de notre Pays. Notre économie peine à redémarrer, et plutôt que de parler de relance tant attendue, ne faut-il pas évoquer une véritable “reconversion économique” qui nous fera véritablement sortir de la crise ?
L'Etat avait reconnu que le développement économique de l'après CEP, nécessitait une intervention soutenue. Il y a lieu de considérer que ce nouveau cycle économique auquel nous sommes confrontés revêt bon nombre de similitudes avec ce passé, et le Contrat de Projets est l'un des instruments de cette intervention que nous attendons pleinement de notre partenaire qu’est l’Etat.
Mais, si l'on fait référence au développement économique, il faut le considérer dans une acception beaucoup plus large, et reconnaître que l'Etat a aussi un devoir de financer le régime de solidarité de la Polynésie française pour soutenir les plus démunis dans un pays où il n’existe ni RMI ni caisse de chômage. Ces dispositifs et ces soutiens ne doivent pas être considérés comme des cadeaux ; ils sont l’expression naturelle de la solidarité nationale à laquelle tous les Polynésiens ont droit parce qu’ils sont Français, tout simplement, pleinement Français.
Dès lors, il me paraît opportun de relever que le développement économique de notre Pays doit également être appréhendé en associant le partenaire Etat à toutes les discussions, et notamment, celles qui concernent la réforme de la loi statutaire qui est avant tout un outil au service du développement. Par ce biais, nous sécuriserons également les problématiques liées à notre développement pour qu’il devienne effectivement durable.

Je vous remercie.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Mardi 3 Mars 2015 à 10:29 | Lu 1917 fois