Tahiti Infos

Santo, l’île bleue


Vue du ciel, les couleurs des lagons de Santo n'ont rien à envier à ceux de Polynésie. L'île bleue n'a pas usurpé son surnom.
Vue du ciel, les couleurs des lagons de Santo n'ont rien à envier à ceux de Polynésie. L'île bleue n'a pas usurpé son surnom.
Tahiti, le 18 juin 2021 - À Santo, au Vanuatu, une large partie de la population est francophone. Le tourisme s’y développe notamment autour de plages d’une beauté exceptionnelle, mais également grâce à des curiosités géologiques, des “trous bleus” et de fantastiques grottes. Balade dans les entrailles d’une île qui réserve bien des surprises et qui ne révèle ses secrets qu’à ceux faisant l’effort de les découvrir... 
 
La piste est carrossable, même si elle est en terre battue. Dans une petite boîte, nous glissons un billet de 500 vatus, prix à payer aux coutumiers locaux pour accéder au site. Pas de contrôle, mais on se fait confiance. Au Vanuatu de toutes les façons, personne n'oserait braver la coutume, la “kastom”. 

Magie du Nanda Blue Hole, sur le chemin menant de Luganville à Port Olry. La profondeur maximum des trous bleus serait d'une vingtaine de mètres. L'endroit est très apprécié des baigneurs et des apnéistes.
Magie du Nanda Blue Hole, sur le chemin menant de Luganville à Port Olry. La profondeur maximum des trous bleus serait d'une vingtaine de mètres. L'endroit est très apprécié des baigneurs et des apnéistes.

Un trou bleu non aménagé, près de Port Olry. Les spéléologues commencent seulement à explorer ces réseaux souterrains noyés. C’est dans la partie karstique, c’est-à-dire calcaire, que ces petits lacs se sont formés, après l’effondrement du plafond de certaines grottes.
Un trou bleu non aménagé, près de Port Olry. Les spéléologues commencent seulement à explorer ces réseaux souterrains noyés. C’est dans la partie karstique, c’est-à-dire calcaire, que ces petits lacs se sont formés, après l’effondrement du plafond de certaines grottes.
Pureté et limpidité
 
Une trouée de lumière dans la forêt émeraude, une extraordinaire flaque couleur saphir ; nous sommes devant le premier “trou bleu” de Santo, une île gruyère au sous-sol étonnant.
La pureté de l'onde est troublante et sa limpidité permet d'observer le fond comme à travers un miroir. La couleur bleue, intense, très surprenante, n'est pas clairement expliquée par les guides. On se croirait dans un de ces films fantastiques hollywoodiens où des elfes, lutins, fées ou nymphes vont crever le miroir azur à notre approche.  
Les trous bleus de Santo (une bonne dizaine, faciles à explorer par les touristes) sont le résultat d'effondrement de grottes. L'île a d'abord été géologiquement secouée très longtemps par les volcans qui l'ont formée. Elle a vu son pourtour colonisé par les coraux qui ont créé un récif trottoir constituant petit à petit un bord de mer riche en carbonate de calcium. 

Pour découvrir les trous bleus de Santo, vous aurez besoin d’un guide. Respectez ses consignes : dans certains de ces bassins naturels, on peut se baigner avec palmes masque et tuba, on peut même plonger en scaphandre autonome ; mais dans d’autres, il existe un tabu tribal. Seul le guide connaît les règles qui régissent ces curiosités géologiques.
Pour découvrir les trous bleus de Santo, vous aurez besoin d’un guide. Respectez ses consignes : dans certains de ces bassins naturels, on peut se baigner avec palmes masque et tuba, on peut même plonger en scaphandre autonome ; mais dans d’autres, il existe un tabu tribal. Seul le guide connaît les règles qui régissent ces curiosités géologiques.
Une ceinture de points d'eau
 
Au fil des accidents géologiques (éruptions, surrections, glaciations avec modification du niveau des océans sur deux cents mètres environ), ces constructions récifales ont été exposées à l'air libre. Les eaux d'écoulement des montagnes, acidifiées par la végétation, ont alors creusé, sculpté ce substrat corallien, formant ce que les géologues appellent un karst (un peu comme à Makatea ou à Rurutu). 
Les trous bleus de Santo, parce que l'île est gigantesque, forment une ceinture de points d'eau tous proches du rivage actuel, dispersés sur une vaste surface. Parfois, l'eau de mer se mêle, par infiltration, à l'eau douce qui n'en finit pas de creuser des galeries. 
Certains de ces trous bleus ne sont en fait que la partie visible de réseaux souterrains immenses, que les spéléologues commencent à peine à explorer. 
Dans tous les cas de figure, ces “lacs” d'eau douce sont prétextes à des baignades ou des plongées totalement hors normes, le plus souvent en pleine forêt dans une ambiance magique un peu surnaturelle. 
Au retour d'une journée à la plage, ne manquez pas un arrêt “rinçage” dans ces formations géologiques magnifiques.

Pour pénétrer dans ces labyrinthes, il faut un guide, bien entendu et il ne faut pas avoir peur de se mouiller.
Pour pénétrer dans ces labyrinthes, il faut un guide, bien entendu et il ne faut pas avoir peur de se mouiller.
Eaux pluviales et cours d’eau souterrains
 
Ces trous bleus, nés de l’effondrement de galeries sont donc souvent d’anciennes cavernes ayant perdu leur plafond du fait de l’érosion. Naturellement, toutes les cavités de Santo ne sont pas “à ciel ouvert” ; beaucoup de ces curiosités géologiques sont tout simplement des grottes plus ou moins accessibles, plus ou moins praticables, plus ou moins ouvertes aux visiteurs. La plus célèbre est la Millenium Cave qui peut se parcourir à pied, promenade tranquille, ou de manière bien plus sportive pour les amateurs de canyoning. Non seulement les eaux pluviales qui s’infiltrent dans ce karst continuent leur œuvre, mais en prime un cours d’eau, vite gonflé par les averses fréquentes, poursuit lui aussi son travail de creusement et de lente mais sûre érosion. 
Tandis que les gouttes d’eau d’infiltration provenant de la surface et donc du plafond de la grotte sculptent stalactites et stalagmites, les eaux de ruissellement de leur côté ne font pas dans la dentelle et s’en prennent avec vigueur au substrat de calcite et d’aragonite, formant par endroits un dédale de puits, de fosses, de cascades apparaissant ou disparaissant au gré des humeurs du cours d’eau.
Les passages sont parfois aussi étroits que des chatières, offrant au spéléologue des boyaux peu engageants ; d’autres fois au contraire, le visiteur marche dans de vastes salles dont le plafond est à peine éclairé par les lampes frontales tant il se trouve en hauteur.
Mêlant lave et calcaires, Santo, sur le plan géologique, est assurément une destination que les amoureux de sensations fortes inscriront sur leur liste de “spots” à absolument visiter, quand la Covid daignera nous oublier et lorsque le Vanuatu rouvrira ses frontières aériennes, au moins à tous les vaccinés…

Un arc de cercle de sable fin

L'immensité du bleu de Port Olry, un bout du monde qui ne s'est pas encore éveillé au tourisme de masse.
L'immensité du bleu de Port Olry, un bout du monde qui ne s'est pas encore éveillé au tourisme de masse.
Quand on remonte la côte est de Santo, en direction du nord, on aboutit à des sites qui sont sans doute parmi les plus beaux du Vanuatu : lagons bleus, plages désertes (sans insectes dévoreurs), forêt primaire venant lécher les rivages ; les paysages sont d'une beauté à couper le souffle. 
La destination la plus réputée est Champagne Beach, un arc de cercle de sable fin d'une incomparable douceur, bien abrité des vagues par des formations coralliennes en parfait état. La route se termine un peu plus au nord, à Port Olry (et non pas Orly comme on l’entend trop souvent, Olry ayant été un gouverneur français en poste notamment en Nouvelle-Calédonie et qui s’intéressa de près aux Nouvelles-Hébrides). Là encore, le paysage est d'une saisissante luminosité.
Dans tous les cas de figure, vous entrez partout dans des domaines privés appartenant à des tribus ; il est donc demandé en général aux touristes une petite participation financière (de l'ordre de 500 à 1000 Fcfp par voiture).
 
Bleus turquoise et bleus saphir
 
Du Vanuatu, on connaît bien entendu les forêts, les danses tribales, les volcans… On oublie souvent que la destination est aussi très riche en soleil, en plages inondées de lumière, en eaux tièdes, douces ou salées. 
Santo, dans ce registre, propose, à nos yeux, ce qui se fait de mieux par le mariage étonnant du bleu turquoise de ses lagons et du bleu “saphir du Cachemire” de ses trous bleus. 
Autant dire qu'à Santo, il vous faudra prendre un peu de temps pour vraiment apprécier cette douceur de vivre et attraper un vrai coup de “blue”…

Oyster Island, l'escale gourmande

Originaires de Californie, ces huîtres à la chair goûteuse se sont parfaitement bien adaptées aux eaux de l’île de Santo. On en élève aujourd’hui de manière plus professionnelle en Nouvelle-Calédonie.
Originaires de Californie, ces huîtres à la chair goûteuse se sont parfaitement bien adaptées aux eaux de l’île de Santo. On en élève aujourd’hui de manière plus professionnelle en Nouvelle-Calédonie.
Les vacances, surtout dans un pays comme le Vanuatu, demandent, de temps en temps, que l'on marque des pauses entre deux découvertes. C’est ce que Tahiti Infos est allé faire sur Oyster Island, le temps d'une escale, la plus gourmande du pays…
 
 
La vie réserve parfois des surprises étonnantes ; Oyster Island, sur la côte est de l'île de Santo, à vingt-cinq minutes de Luganville, est incontestablement de celles-ci. 
Sur un magnifique motu, à quelques centaines de mètres de l'île principale, un restaurant pour gourmets avertis et gourmands convaincus s'offre au visiteur. Impossible de résister aux effluves émanant des cuisines... 
 
Tortues et dugongs !
 
L’Oyster Island Resort de son appellation complète est un charmant hôtel restaurant, équipé de confortables bungalows (la structure est actuellement fermée pour cause de Covid, ses propriétaires ayant profité de cet arrêt du tourisme international pour rénover le site). Les infrastructures sont posées sur une île magnifique de 26 hectares. Après l’indépendance cafouilleuse de 1980, ses propriétaires français avaient dû partir, laissant le site à l’abandon. Un couple de Français ayant travaillé notamment en Australie avait repris cette affaire puis l’avait revendue ; elle est maintenant dans de bonnes mains. 
Particularité du spot, une fois parvenu face à l’île, il faut frapper sur une bouteille de gaz vide pour qu’un petit bac vienne vous chercher. Durée de la traversée, environ deux minutes. 
Au cœur d’une réserve marine, Oyster Island propose à ses visiteurs une faune sous-marine d’une exceptionnelle richesse, dont de magnifiques tortues et surtout des dugongs, ces gros mammifères marins de la famille des Siréniens, aussi impressionnants que rares à observer (ce sont les très proches cousins des lamantins du sud des États-Unis). 
 
Des huîtres californiennes
 
Une partie du rivage, à Oyster Island, est encombré de palétuviers. N’allez pas croire que cette petite mangrove pose souci ; bien au contraire, car elle abrite une foule d’animaux dont un bivalve des plus intéressants pour les palais français, des huîtres ! Celles-ci avaient, nous a-t-on expliqué sur place, été introduites depuis la Californie par les anciens propriétaires français et depuis, non seulement elles se sont parfaitement bien acclimatées, mais elles se sont également multipliées à l’envi, fournissant au restaurant un met de choix. 
Nous en avons bien entendu goûté, elles sont excellentes accompagnées d’un petit verre de vin blanc sec... Hommage pieux soit donc rendu à ces huîtres (crues, en brochettes, en soufflé, farcies…), mais aussi à bien d’autres spécialités locales, comme les crabes, les langoustes ou les roussettes (ces grandes chauve-souris sont délicieuses elles aussi).
Le paradis, Oyster Island ? Si ce n'est pas le paradis, ça y ressemble furieusement. Et d’ailleurs tout Santo le sait bien qui vient, le dimanche, profiter d’un plantureux barbecue.
Si un voyage vous amène à Santo, ne sautez pas l'étape gourmande d'Oyster Island, ce serait presque un crime que de ne pas céder au péché de gourmandise dans un tel cadre. Quant aux amoureux de nature et de silence, ou aux amoureux “tout court”, ils sauront là qu'ils ont une adresse unique dans le Pacifique Sud. Ne le répétez pas trop autour de vous…

Santo la rebelle

Ce garçon souriant n’est autre que l’un des fils du leader politique Jimmy Stevens.
Ce garçon souriant n’est autre que l’un des fils du leader politique Jimmy Stevens.
Politiquement, Santo a toujours eu tendance à faire bande à part au sein de l’archipel du Vanuatu. Espiritu Santo, son nom de baptême donné en 1606 par le navigateur portugais Pedro Fernandez de Quiros (agissant pour le compte de l’Espagne) mesure près de quatre fois la surface de Tahiti : presque quatre mille kilomètres carrés pour une population d’environ quarante-cinq mille personnes (elle est plus vaste que l’île d’Efate, où se situe Port-Vila, mais moins peuplée). Elle mesure environ soixante kilomètres sur cinquante et culmine à 1 879 m d’altitude.
Pour les Européens, la vie à Santo ne fut pas toujours rose face à une population frondeuse ; des conflits avaient parfois abouti à des meurtres : Sawers et Greig en 1891, Ciapcott en 1917.
 
Jimmy Stevens l’indépendantiste
 
Santo, durant la Seconde Guerre mondiale, devint une très importante base américaine à partir de 1942. En majorité francophone, Santo n’a jamais apprécié d’être rattachée ni aux Nouvelles-Hébrides ni au Vanuatu indépendant à partir de 1980 ; dès 1957, le leader indépendantiste Jimmy Stevens proclama unilatéralement l’indépendance de Santo, mais son mouvement, le Nagriamel n’eut pas les moyens de faire sécession. 
En revanche, les choses se corsèrent en 1980 : le 31 juillet (la proclamation de l’indépendance du Vanuatu ayant été faite le 30 juillet), Jimmy Stevens, toujours lui, déclara que Santo avait fait sécession dans la nuit pour prendre le nom de “State of Vemerana”. Les tensions entre francophones et anglophones étant fortes, des troupes anglaises et françaises avaient pris position à Efate, Santo et Tanna pour éviter tout débordement, exfiltrer également les expatriés d’origine européenne et tenter de ramener à la raison les partisans du Nagriamel de Jimmy Stevens. Du 27 juillet au 18 août, ces militaires interviendront et éviteront sans doute le pire.
 
L’armée papoue à la rescousse
 
Le pasteur anglican Walter Lini, Premier président du tout jeune Vanuatu, très anti-français, après le départ des militaires britanniques et français, jugea plus sûr de faire intervenir une force armée de Papouasie Nouvelle-Guinée : des centaines de personnes ont été arrêtées à Santo, Jimmy Stevens fut condamné à quinze ans de prison et dans la foulée, pour être soupçonnée d’avoir en sous-main encouragé Stevens, la France vit son ambassadeur à Port-Vila expulsé, à peine nommé. En réalité, Stevens avait bien reçu de l’aide étrangère (250 000 dollars US), mais elle venait de la Phoenix Foundation, association américaine libertaire, favorable à tous les mouvements revendiquant des libertés.

Rédigé par Daniel Pardon le Vendredi 18 Juin 2021 à 19:03 | Lu 3099 fois