Tahiti Infos

Santé publique : en Polynésie les indicateurs sont dans le rouge


En Polynésie française, la prévalence de l’excès de poids est de 69,9% et celle de l’obésité de 40,4% selon les données publiées le 16 juillet dernier par le Bulletin épidémiologique hebdomadaire de l’Institut de veille sanitaire.
En Polynésie française, la prévalence de l’excès de poids est de 69,9% et celle de l’obésité de 40,4% selon les données publiées le 16 juillet dernier par le Bulletin épidémiologique hebdomadaire de l’Institut de veille sanitaire.
PAPEETE, jeudi 18 juillet 2013 – Une étude publiée par le Bulletin épidémiologique hebdomadaire de l’Institut de veille sanitaire le 16 juillet brosse un panorama alarmant de la situation sanitaire de la population en Polynésie française et suggère la mise en place urgente d'une politique planifiée de prévention.

Cette publication s'appuie sur les résultats d’une enquête menée en Polynésie française au sujet des facteurs de risque des maladies non transmissibles telles que l’obésité et l’hypertension artérielle.

La recherche a été réalisée en 2010 par Solène Bertrand et Anne-Laure Berry, auprès d’un échantillon représentatif de 3 469 personnes âgées de 18 à 64 ans (1 508 hommes et 1 961 femmes) et réparties sur l’ensemble des archipels du territoire.

La dernière étude sur cette problématique datait de 1995.

Quinze ans après, les mesures réalisées font froid dans le dos : "Les résultats de l’enquête permettent d’estimer la prévalence des facteurs de risque des maladies non transmissibles en Polynésie française : 41,0% de fumeurs, 40,4% de personnes obèses et 26,7% de personnes souffrant d’hypertension artérielle. La quantité d’alcool consommée en une seule occasion correspond en moyenne à 10,8 verres standards, et seuls 12,7% de la population consomment au moins cinq fruits et légumes par jour", indique pêle-mêle l’analyse des résultats, brossant un tableau accablant de l’ancrage de ces facteurs à risque dans le comportement de la population polynésienne.

Selon l’organisation mondiale de la santé, 63% des décès survenus en 2008 à l’échelle mondiale étaient dus à des maladies non transmissibles telles que maladies cardiovasculaires, diabète, cancers et affections respiratoires chroniques. "Cependant, une grande proportion de ces maladies pourrait être évitée en réduisant leurs quatre principaux facteurs de risque : tabagisme, sédentarité, consommation nocive d’alcool et alimentation déséquilibrée", constate l’étude.

EXERGUE : 45% de la population polynésienne présente un risque majoré de maladie non transmissible : "l’impact sur les coûts de santé prévisibles sera considérable pour la prise en charge de ces personnes" (Bulletin épidémiologique hebdomadaire de l’Institut de veille sanitaire du 16 juillet)

Si bien que les deux chercheurs suggèrent aussi : "En conséquence, les programmes de prévention en place devraient être renforcés et une surveillance régulière des facteurs de risque de ces maladies devrait être mise en place par le biais d’enquêtes du même type répétées tous les dix ans".

En Polynésie française, l’Etablissement public chargé de la prévention, l’Epap, a définitivement fermé en décembre 2010 privé de budget, après 8 ans d’une activité en faveur de la prévention dont on peine à sentir la pertinence.

L’établissement semble avoir été dévoyé de ses mission originelles pour devenir au fil des ans "un tiroir caisse autour duquel s’aiguisent des appétits personnels à des fins d’influence politique", dénonçait la représentante Tahoera’a Huira’atira Armelle Merceron en 2005. L’Epap a englouti près de 12 milliards Fcfp en 8 ans et les taxes créées pour financer les actions de prévention en Polynésie française (taxes sur les boissons sucrées, les alcools, le tabac, etc) terminent aujourd'hui noyées dans le budget général du Pays.

Et les statistiques sanitaires polynésiennes ont connu de 1995 à 2010 une aggravation, avec une augmentation significative de 5 points de la prévalence au tabagisme, une consommation d’alcool à "caractère toxicomaniaque" et une prévalence à l’obésité "élevée pour les deux sexes" : i["[L’enquête de 1995] estimait la prévalence du surpoids dans la population à 71% environ (37% au stade d’obésité), celle du tabagisme à 36%, de la consommation excessive d’alcool à 30%, du diabète à 16%]i", constatent les deux chercheuses.

Aujourd'hui, près d’un Polynésien sur deux (45%) présente un risque majoré de maladie non transmissible, ce qui pousse Solène Bertrand et Anne-Laure Berry à prédire que "l’impact sur les coûts de santé prévisibles sera considérable pour la prise en charge de ces personnes".

A la CPS les maladies liées aux complications de problèmes cardiovasculaires et au diabète sont à l’origine de 3 000 nouveaux allocataires en longue maladie chaque année, en Polynésie française. Et la Caisse de prévoyance sociale observe une augmentation moyenne de cet effectif de l'ordre de 6% par an depuis 2003.

Au plan comptable, le déficit cumulé de la Protection sociale généralisée (PSG), a franchi les 17 milliards Fcfp en 2012.

(EXTRAITS)

Consommation de tabac
Parmi les personnes interrogées, 41,0% déclarent fumer actuellement, et 34,1% quotidiennement. Les femmes fument significativement plus que les hommes (43,6% versus 38,5%), et les jeunes (18-24 ans) plus que leurs aînés. Parmi les 1 353 fumeurs interrogés, 67,8% souhaitent arrêter de fumer.

Consommation d’alcool
66,8% des personnes interrogées déclarent avoir consommé de l’alcool au cours des 12 derniers mois. Parmi elles, la répartition selon la fréquence de consommation montre : 4,1% de consommateurs quotidiens, 22,9% de consommateurs réguliers et 73,0% de consommateurs occasionnels.
La quantité moyenne d’alcool consommée par occasion au cours des 30 derniers jours est de 10,8 verres standards, soit 110 grammes d’alcool. Elle est plus élevée chez les hommes que chez les femmes
(12,2 verres versus 8,7 verres par occasion, p<0,05).
Quel que soit le sexe, la quantité moyenne d’alcool consommé par occasion diminue avec l’âge (p<0,05).

Consommation de fruits et légumes
Les personnes interrogées consomment en moyenne 2,6 portions de fruits et légumes par jour (1,1 portion de fruits et 1,5 portion de légumes). Seuls 12,7% de la population consomment au moins 5 portions de fruits et légumes par jour, et il n’y a pas de différence de consommation entre les hommes et les femmes.
Dans 34,5% des cas, les répondants considèrent que leur consommation en fruits est suffisante. Les principaux freins à la consommation sont le prix (26,3%) et les difficultés d’approvisionnement (19,2%).

Activité physique
58,9% de la population interrogée ont un niveau élevé d’activité physique, et 21,6% ont un niveau jugé limité. Les femmes sont significativement moins actives que les hommes (27,4% des femmes ont un niveau d’activité physique limité versus 16,1% des hommes, p<0,05). Les principales raisons citées concernant cette faible pratique de l’activité physique sont, par ordre d’importance : le manque de temps
(34,7%), le fait que le niveau d’activité physique soit jugé suffisant (28,1%), le manque de motivation
(19,9%), la contrainte médicale (7,1%).

Indice de masse corporelle
L’IMC moyen de la population est de 29,3 kg/m2, sans différence significative entre les hommes et les femmes. La prévalence de l’excès de poids est de 69,9% et celle de l’obésité de 40,4%.
Seuls 28,7% des individus évalués présentent des valeurs d’IMC correspondant à une corpulence normale.


Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Jeudi 18 Juillet 2013 à 15:10 | Lu 3183 fois