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Retour vers la démocratie à Fidji : le Forum des Îles du Pacifique met de l’eau dans son vin


Rencontre au sommet entre le Contre-amiral fidjien Franck Bainimarama et Julie Bishop, chef de la diplomatie australienne : le Forum a bien reçu le message (Source photos : ministère fidjien de l’information)
Rencontre au sommet entre le Contre-amiral fidjien Franck Bainimarama et Julie Bishop, chef de la diplomatie australienne : le Forum a bien reçu le message (Source photos : ministère fidjien de l’information)
SUVA, dimanche 16 février 2014 (Flash d’Océanie) – Une mission ministérielle de contact du Forum des Îles du Pacifique (FIP) a achevé ce week-end une mission de deux jours en saluant les progrès réalisés ces derniers mois par Fidji en matière de retour à la démocratie, en prévision d’élections toujours annoncées pour septembre 2014.
Fidji, par ailleurs siège de cette organisation régionale, a été suspendu de son statut de membre plein du FIP en mai 2009, plus de deux ans après le putsch mené par le Contre-amiral Franck Bainimarama, le 5 décembre 2006.
Cette mission est composée, outre la ministre australienne de la diplomatie australienne Julie Bishop, de ses homologues de Nouvelle-Zélande, de Papouasie-Nouvelle-Guinée, de Vanuatu, de Samoa et de Tuvalu.
Ce groupe avait pour mission de se rendre compte sur place de l’état d’avancement des préparatifs en vue de la tenue des premières élections législatives depuis le coup d’État, sur fond de réformes constitutionnelles et institutionnelles et sur la base du principe d’ « une personne, une voix ».
Après avoir mené une mission de deux jours dans la capitale fidjienne, et rencontré des responsables du gouvernement actuel (toujours dirigé par le Contre-amiral), et en premier lieu l’Attorney General et ministre en charge des élections, Aiyaz Sayed-Khaiyum, le ministre des affaires étrangères Ratu Inoke Kubuabola, mais aussi des membres de la nouvelle commission électorale (en charge de la bonne tenue des élections) ainsi que les dirigeants des partis politiques enregistrés et des membres de la société civile, es ministres des pays membres du FIP samedi, dans un communiqué, ont applaudi ce qu’ils ont qualifié de « progrès significatifs réalisés par Fidji » depuis la dernière visite de ce groupe du FIP, en avril 2013.
Parmi les progrès reconnus par les ministres océaniens : l’entrée en vigueur, en septembre 2013, d’une nouvelle Constitution, l’achèvement du processus d’enregistrement de quatre partis politiques et l’enregistrement sur les listes électorales d’au moins 540.000 citoyens en âge de voter pour ce prochain scrutin.
Le processus d’enregistrement sur les listes électorales se poursuit actuellement à l’étranger, notamment, dans les jours à venir, en Australie.
Le Forum note aussi la mise en place d’une commission électorale, qui bénéficie notamment du soutien d’une équipe d’experts venus d’Australie, de Nouvelle-Zélande et de l’Union Européenne.
Parmi les progrès restant à réaliser, estime le Forum : la nomination d’un Superviseur des élections et la publication d’un décret relatif à la tenue de ce scrutin, points sur lesquels le gouvernement local a apporté des assurances quant à l’imminence de ces mesures.
Parmi les autres points soulevés par le FIP et ses ministres représentants : les « attentes du peuple fidjien et de la communauté internationale pour des élections libres et justes » et, à ces fins, « le nécessaire engagement plein des partis politiques dans le processus électoral, y compris leur capacité à se réunir librement et à faire campagne ouvertement ».
Dans ces domaines, toutefois, le FIP estime avoir là aussi constaté des « améliorations significatives ».
« Il est dans l’intérêt de Fidji que ces élections soient jugées sur la base de leur ouverture et de leur équité, conformément aux normes internationales reconnues », ajoute l’organisation qui rappelle au passage son souhait de voir le gouvernement fidjien accueillir un dispositif d’observateurs « pleinement international » « pour ne laisser aucun doute quant à sa légitimité ».
Jusqu’ici, le gouvernement de Suva a déclaré son intention d’ouvrir ses portes à des missions d’observateurs du Groupe Mélanésien Fer de Lance (GMFL, composé, outre Fidji, des îles Salomon, de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, de Vanuatu et du mouvement politique indépendantiste FNLKS de Nouvelle-Calédonie).
Dans la foulée, le Forum a réitéré son engagement en vue d’encourager et de soutenir le processus de retour de Fidji à la démocratie et son souhait d’apporter aux autorités locales une « aide immédiate » si la demande en était faite.

Cette série de commentaires positifs, tranchant avec les communiqués des précédentes missions du groupe ministériel de contact du FIP, qui s’étaient souvent achevées sur des déclarations peu amènes et des échanges de propos tendus entre Fidji et le FIP, constamment accusé par Suva d’être sous l’influence excessive de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande, intervient au lendemain de rencontres bilatérales, en marge de cette mission, entre Julie Bishop, ministre australienne des affaires étrangères, et le Contre-amiral Premier ministre Franck Bainimarama.
Cette rencontre, une première à ce niveau depuis le putsch de décembre 2006 et l’imposition par Canberra de sanctions contre Suva, a été perçue comme la concrétisation d’un tournant majeur dans la posture australienne et le point de départ d’une vraie normalisation de relations particulièrement tendue entre les deux capitales depuis le coup d’État.
L’un des points litigieux entre les deux pays a été, entre autres, le refus de Suva d’entériner le choix de Canberra, courant 2013, concernant la nomination d’une ambassadrice à Suva en la personne de Mme Margaret Twomey.
Autre point sensible : les sanctions à l’encontre de Fidji, matérialisées par des interdictions de visas pour les personnes faisant partie du pouvoir post-putsch, ou bien de leurs proches.
Ces sanctions se sont étendues jusqu’au plan sportif, interdisant à des équipes fidjiennes de participer à des rencontres ou compétitions sur les sols australien et néo-zélandais.

Levée progressive des sanctions

Sans se prononcer pour une réintégration pré-élections de Fidji dans le giron du FIP, les ministres océaniens ont toutefois indiqué leur intention de recommander aux dirigeants du Forum, lors de leur prochain sommet (en septembre 2014, très probablement avant les élections fidjiennes), que Fidji soit autorisé à participer de nouveau, au niveau ministériel, à des réunions régionales portant sur les négociations d’un accord commercial (dit PACER Plus) relatif à une intensification des relations commerciales entre les États insulaires océaniens et les deux grands membres du FIP, l’Australie et la Nouvelle-Zélande.
Fidji s’était insurgé à de nombreuses reprises contre cette exclusion, arguant du fait que son économie était l’une des plus développées parmi les membres de ce groupement régional.

Regarder le « verre à moitié plein »

Dès l’abord de cette mission à Suva, Murray McCully affichait vendredi sa volonté d’adopter une approche du « verre à moitié plein ».
« Nous ne sommes pas ici pour juger, mais pour recommander un chemin de retour à des relations plus normales avec Fidji », lâchait-il vendredi dans la capitale fidjienne.
Il a aussi rappelé, au cours de son séjour à Suva, que ces derniers mois, côté néo-zélandais, des exception et dérogations de plus en plus nombreuses avaient été faites à cette posture de sanctions et d’interdictions de visas, permettant ainsi à des sportifs et à des étudiants fidjiens de se rendre sur le sol néo-zélandais, soit pour études, soit pour participer à des rencontres sportives internationales, notamment de rugby.
Des hauts fonctionnaires membres du gouvernement fidjien ont aussi obtenu de similaires feux verts de la part des services néo-zélandais de l’immigration.
« Et ça, ça n’aurait tout simplement pas pu arriver il y a seulement un an », a souligné le chef de la diplomatie de Wellington.
Côté australien, la ministre Bishop a elle aussi assuré depuis Suva que la palette de sanctions à l’encontre de Fidji faisait actuellement l’objet d’un processus de « révision », compte tenu de l’évolution de la situation et que Canberra avait aussi autorisé au moins une cinquantaine de dérogations pour l’octroi de visas à des membres et hauts-fonctionnaires, étudiants ou sportifs fidjiens.
Mme Bishop avait, avant même le retour au pouvoir des conservateurs en Australie, sous la houlette de l’actuel Premier ministre Tony Abbott, à l’issue des législatives du 7 septembre 2013, affiché son désir de normaliser les relations avec Suva.
Selon la ministre, les entretiens avec les autorités fidjiennes visent à « construire une relation bilatérale dynamique et productive ».

Le tournant de Canberra et de Wellington

Depuis plusieurs mois, alors que Suva n’avait de cesse d’afficher ses « nouveaux amis », à commencer par la Chine, et rejoignait officiellement des groupements internationaux comme le Mouvement des pays Non-Alignés, l’attitude des deux grands voisins régionaux et l’inefficacité de leurs sanctions, a suscité des critiques croissantes, notamment au plan intérieur.
Dans la proche région, le groupement subrégional Groupe Mélanésien Fer de Lance (GMFL, composé de Fidji, de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, des îles Salomon, de Vanuatu et du mouvement indépendantiste FLNKS de Nouvelle-Calédonie) a affiché ces dernières années une démarche plus compréhensive vis-à-vis de la situation fidjienne, en mettant en avant les notions de solidarité et de fraternité mélanésiennes.

Parallèlement, ces trois dernières années, Fidji a été la cheville ouvrière dans la création d’un Forum de Développement des Îles du Pacifique (PIDF, Pacific Islands Development Forum), groupe réunissant gouvernements, acteurs et partenaires de développement de la région, y compris privés, qui a rencontré un succès grandissant en affichant une ouverture au maximum de membres.
Ce PIDF, basé à Suva, apparaissait depuis comme une sorte d’ « aller-Forum », une alternative pour ceux qui, dans la région Pacifique, Suva en tête, se montraient de plus en plus critiques de cette vieille organisation régional, voix politique de l’Océanie, mais souvent critiquée comme étant trop alignée sur les positions australiennes et néo-zélandaises.

S’exprimant samedi face à la presse, Murray McCully, chef de la diplomatie néo-zélandaise, qui présidait le groupe de contact, a estimé que la posture du FIP revenait peu ou prou à « encourager la création d’un espace favorable à la tenue de ces élections », aussi bien au plan des libertés des médias, d’expression et de réunion.

Le Contre-amiral mise sur les jeunes

M. Bainimarama a annoncé son intention de quitter son poste de commandant en chef des armées, d’ici à la fin février 2014, pour réunir les conditions nécessaires à sa candidature à un mandat électif.
Il a aussi annoncé pour début mars 2014 la formation d’un parti censé le porter au pouvoir.
En milieu de semaine, il a réitéré son intention de poursuivre sa carrière politique et, à cette occasion, s’est adressé tout particulièrement aux jeunes, en leur demandant leur soutien et en les incitant à ne pas voter pour les « politiques du passé, basées sur la suspicion et la discorde ».
« Ils n’ont aucune idée nouvelle pour faire avancer le pays... Ils sont enfermés dans ce même état d’esprit qui a créé des traumatismes nationaux », a-t-il martelé lors d’une visite d’école.
Parmi les nouvelles règles introduites pour ce scrutin à venir : l’abaissement de l’âge légal de vote de 21 à 18 ans.

pad

Rédigé par PAD le Lundi 17 Février 2014 à 06:04 | Lu 392 fois