Tahiti Infos

Rencontre entre les syndicats et le Pays : des “revendications claires” pour des réponses “floues”


Les syndicats ont rencontré ce mercredi matin le président du Pays, Moetai Brotherson, accompagné d'une grande partie de son gouvernement. Crédit photo : Présidence.
Les syndicats ont rencontré ce mercredi matin le président du Pays, Moetai Brotherson, accompagné d'une grande partie de son gouvernement. Crédit photo : Présidence.
Tahiti, le 1er mai 2024 – Rendez-vous incontournable du 1er mai, celui entre le gouvernement et les syndicats salariés. Les centrales et leurs représentants, reçus par le président et son gouvernement, ont déposé, comme prévu, leurs revendications. Cependant, si Moetai Brotherson s'est montré optimiste, Patrick Galenon, le secrétaire général de la CSTP-FO, a, lui, regretté des “réponses floues” à des “revendications claires”.
 
Pour le gouvernement, la fête du 1er mai rime inexorablement avec rencontres syndicales. En effet, ce mercredi matin, après s'être rendu à la stèle Pouvanaa a Oopa pour la traditionnelle cérémonie de dépôt de gerbe, Moetai Brotherson, accompagné de sa “dream team” au quasi-complet, a reçu les représentants des syndicats salariés, dont, entre autres, la CSTP-FO, l’Unsa, Otahi, A tia i mua ou encore O oe to oe rima. Une rencontre qui s'annonçait tendue, au vu des déclarations de Patrick Galenon qui s'interrogeait, jeudi dernier, sur une organisation téléguidée de ce 1er-mai. Une méthode de “déstabilisation” ou “une tentative de dispersion” selon le secrétaire général de la CSTP-CO, qui avait affirmé qu'un cahier de revendication – comportant une demande d'augmentation des salaires, un élargissement de la protection de l'emploi et des entreprises locales ainsi que la création d'un fonds d'aide “pour les personnes ayant perdu involontairement leur emploi” – et que des actions sociales pourraient être menées si le Pays “ne répondait pas avant les Jeux olympiques”. Le rendez-vous était donné donc, ce mercredi, où le gouvernement a d'ailleurs revu sa copie quant aux consignes données aux syndicats pour cette réunion, en autorisant finalement quatre représentants par organisation au lieu de deux, comme souhaité au départ.
 
Une matinée sympa”
 
Finalement, la rencontre n'a pas tenu toutes ses promesses selon Patrick Galenon. “On avait des revendications claires et prêtes, mais les réponses apportées l'étaient beaucoup moins. Il faut réfléchir, se réunir, étudier... On n'a pas pu avoir les réponses que l'on voulait, c'était flou. J'ai l'habitude de discuter avec des chiffres précis, mais là, c'était approximatif, j'ai eu l'impression d'être en campagne électorale à force d'entendre que nous ne devions pas nous inquiéter”, a soupiré le secrétaire général de la CSTP-FO à la sortie de la présidence. “Vous savez, ce genre de discours..”, rajoute-t-il, faisant comprendre qu'un syndicaliste d'expérience comme lui, connaît la musique. Et s'il n'a retiré aucune satisfaction de cette rencontre, il s'est tout de même consolé en déclarant amusé : “la matinée était sympa : c'est notre fête après tout.” Du côté de Otahi, on évoque une atmosphère “tendue” au départ, puis un relâchement au fil des concertations.

De l'autre côté de la table des négociations, le gouvernement, par le biais du président, tempère l'affaire en se montrant plus optimiste. “On a apporté les réponses que l'on pouvait aujourd'hui, avec tous les ministres concernés”, affirme Moetai Brotherson. “On leur a rappelé les mesures prises pour la cherté de la vie, comme la suppression de la taxe CPS, le maintien du prix des hydrocarbures – qui nous coûtent quelques milliards en soutien au FRPH pour que le prix de l'électricité”, détaille-t-il également, avant de concéder que quelques modifications pourraient être effectuées sur la liste des PPN et sur le contrôle des marges des produits exonérés. “Je ne peux rien affirmer aujourd'hui, il faut en discuter avec le patronat.”
 
Malgré tout, Patrick Galenon a reconnu qu'avec les recours déposés devant le Conseil d'État contre la loi fiscale, répondre aux revendications des syndicats est complexe. “Je suis inquiet, si le Conseil d'État retoque la réforme, je ne sais pas ce qui va se passer, ce qu'on va faire. Tant que la réforme n'est pas passée, je comprends que nous n'ayons pas de réponse”, confie-t-il, avant de glisser une phrase lourde de sens : “Le pouvoir, c'est plus facile à prendre qu'à conserver.”
 
Le risque de grève n'est pas écarté
 
En ce qui concerne les risques d'appel à la grève, Moetai Brotherson, comme pour les réponses apportées aux revendications des syndicats, calme le jeu. “Ils sont suffisamment intelligents pour ne pas le dire avec des termes aussi brutaux”, répond le président, questionné sur un hypothétique ultimatum donné par les centrales. “Mais c'est un grand classique dans les discussions syndicales : on ne fait pas ce genre de revendications sans échéance en vue”, reconnaît-il cependant, n'écartant pas, de ce fait, le risque d'une grève. “On ne va pas laisser les entreprises se fragiliser et les salariés se faire virer”, rétorque de son côté Patrick Galenon.
 
C'est notamment le cas au CHPF, où la situation est plus que critique. Le chef des urgences Tony Tekuataoa a d'ailleurs évoqué l'état de santé de l'hôpital lors des discussions qui se sont déroulées dans la matinée. “Il y a plusieurs problèmes, comme notamment le mode de financement de la santé publique, dont des subventions annuelles viennent compléter le budget. Cela ne permet pas d'offrir des perspectives d'embauche sur plusieurs années, ce qui implique ce turn-over que nous connaissons. Mais ce sont des choses que nous sommes en train de changer”, explique le président à ce sujet. Une réponse un peu légère pour Lucie Tiffenat, la secrétaire générale d'Otahi, qui n'hésite pas à avancer que le Pays “n'a pas pris la mesure de ce qui se passe dans l'enceinte du Taaone”.
 

Une première pour les patrons

Pour la première fois, les patrons ont également été reçus par le gouvernement à l'occasion du 1er-mai. En effet, le président du Pays a invité les représentants des entreprises à déjeuner, puis à une réunion dans le courant de l'après-midi. Des discussions, qui ne s'annonçaient pas plus sereines qu'avec les syndicats salariés, puisque le Medef a déposé, le 26 avril dernier, un recours contre l'article 25 de la loi fiscale, emboîtant le pas aux élus du Tapura et Ahip, qui avaient également saisi le Conseil d'État sur ce même article.
 

Rédigé par Thibault Segalard le Mercredi 1 Mai 2024 à 18:16 | Lu 2569 fois