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Reko Tika : "Ils ne sont pas convaincus", estime 193


Tahiti, le 28 juin 2021 – Père Auguste, le président de l’association 193, a organisé lundi une conférence de presse afin d’exposer les raisons de la non-participation de son organisation à la délégation Reko Tika, partie à Paris pour "tourner la page du nucléaire" selon Edouard Fritch. Père Auguste dénonce surtout le manque de convictions des participants à cette réunion.
 
L’association 193 a organisé une conférence de presse lundi matin à la paroisse Christ-Roi de Pamatai. L’occasion pour Père Auguste Uebe Carlson, président de l’organisation, de justifier le choix de ne pas faire partie de la délégation polynésienne Reko Tika, qui sera à Paris les 1er et 2 juillet pour la table ronde de haut niveau État-Pays sur le nucléaire.
 
Le pardon de l’État
 
Après cinq réunions plénières, quatre ateliers et 50 heures d’échanges, la délégation Riko Tika est attendue pour ce rendez-vous parisien. À quelques jours de la rencontre, l’association 193 de défense des victimes du nucléaire a tenu à rappeler ses revendications, espérant qu’elles seront abordées. Père Auguste a énoncé douze points. "Je veux croire qu’ils ont été retenus dans la feuille de route de la délégation."
193 insiste sur l’importance de la demande de pardon de l’État et la déclassification de documents. "Nous avons appris par des universitaires qui travaillent pour le Centre de mémoire, que le CEA a bloqué toutes ses archives. Nous avons clairement dit au président Fritch que nous n’étions pas d’accord pour partir, avec la grande idée de parole de vérité, alors que ceux qui ont organisé les essais nucléaires refusent toujours de nous transmettre leurs archives". La question de la CPS et du remboursement de l’ensemble des dépenses faites dans le cadre du traitement des maladies radio induites, la réalisation d’études sur les maladies transgénérationnelles : les revendications de l’association sont diverses. 
 
Le négationnisme nucléaire
 
C’est l’attitude et les convictions de certains participants à la délégation qui a convaincu les membres de l’association 193 de ne pas se rendre à la table ronde. Comme l’expose Père Auguste, "au sein de Reko Tika, il y a la ligue contre le cancer en Polynésie. On a été étonné de trouver sa présidente d’honneur, Patricia Grand. Est-ce que ce n’est pas un aveu concernant le lien possible entre les cancers et les essais nucléaires ? Mais elle est toujours là à rappeler qu’il ne faut pas trop mettre le problème des cancers sur le fait nucléaire. Comment voulez-vous que l’on parte en France avec des gens qui ne croient pas en ce qui s’est passé ici ? ", demande-t-il.  
Le président de 193 cite également le représentant de l’association Tamarii Moruroa, Yannick Lowgreen. "Il a demandé à plusieurs reprises une médaille de reconnaissance pour les vétérans. Encore une fois, comment voulez-vous que les victimes et les ayants droit comprennent qu’on en vienne à décorer quelqu’un qui a œuvré sur les sites des essais nucléaires. C’est très incohérent. A 193 on ne veut pas cautionner cela".
 
En ce qui concerne le coordinateur de la délégation Reko Tika, Joël Allain, "ces propos sont venus alimenter ce que beaucoup nourrissaient durant nos réunions de préparations, mettant le doute toujours du côté des populations victimes et défendant la cause de l’État. On ne peut donner l’impression que nous sommes d’accord avec des hommes et des femmes qui partent sans être convaincus".
 
Quant à l'importance de tourner la page, soulignée par le président Edouard Fritch peu avant son départ :"On ne veut pas tourner la page. Cela signifierait que c’est du passé. Nous voulons avancer, mais comment le faire avec une histoire toujours maintenue secrète, dont les archives ne sont pas déclassifiées", martèle Père Auguste. "Comment voulez-vous que l’on parte avec des groupes de personnes qui disent de telles choses ? Il y a du négationnisme encore dans l’histoire du nucléaire ici. Nous sommes en droit de nous demander si ceux qui composent la délégation Reko Tika sont convaincus de l’impact sanitaire et environnemental des essais".
 
Pour les membres de 193, tant que le doute ne profitera pas aux malades, dans le dossier du nucléaire en Polynésie, il "n’y pas d’intérêt à partir avec des gens qui ne sont pas convaincus".

Rédigé par Etienne Dorin le Mardi 29 Juin 2021 à 10:05 | Lu 1337 fois