Tahiti Infos

Réforme de la PSG : les patentés vont passer au même régime maladie que les salariés


PAPEETE, le 28 janvier 2016 - Les travaux pour la réforme de la Protection sociale généralisée avancent. Concernant les patentés, le régime du RNS va subir d'importants changements : le régime maladie des non salariés va être fusionné avec ceux du régime des salariés et du régime de solidarité. Mais pour les retraites, c'est beaucoup plus compliqué…

A l'occasion des vœux d'Édouard Fritch au patronat, nous avons voulu faire le point sur un dossier qui intéresse particulièrement les plus petits des patrons relevant du RNS : l'avenir de leur protection sociale. Les travaux en cours devraient leur faire plaisir puisque leur assurance maladie devrait être fusionnée avec celles des salariés et des bénéficiaires du RST. Les dispositions particulières ne sont pas encore arrêtées, mais cela devrait signifier que les droits des patentés vont être alignés sur ceux des salariés… Par contre on ne sait pas si leur taux de cotisation (à 9,54% contre 16,29% pour les salariés) sera modifié.

L'autre chose qui ressort des négociations est que le régime de retraite des patentés va être beaucoup plus compliqué à changer. Alors que le gouvernement assure qu'une simplification du système va permettre de diminuer les coûts de gestion, les patentés devraient continuer de gérer leur propre caisse de retraite pour le moment.

Tea Frogier, ministre du Travail et des Solidarités

On parle toujours des réformes de la protection sociale des salariés, donc le RGS, mais les patentés et leur RNS se sentent comme les parents pauvres de la protection sociale. Qu'est-ce qu'il va se passer pour eux l'année prochaine ?
Tea Frogier : Ce qu'il se passe c'est qu'on passe d'un système, la PSG 1, qui est dans un schéma où l'on fonctionne par régime, donc le régime des salariés (RGS), le régime des non-salariés (RNS) et le régime de solidarité (RST). La problématique que l'on observe lorsque l'on travaille ainsi par silos, c'est qu'il n'y a pas d'opportunité pour mutualiser les dépenses, en tous cas pour ce qui est de la gestion des dépenses, donc il n'y a pas d'économies qui peuvent être réalisés en matière de gestion.

C'est-à-dire à la Caisse de prévoyance sociale ?
Alors on aime bien dire la CPS, la CPS, la CPS... Mais elle n'est qu'un outil de gestion, elle applique les dispositions et les décisions des trois régimes. Et je sais qu'il y a eu des polémiques, mais on est tout de même à des frais de gestion à la Caisse de prévoyance sociale sans commune mesure avec ce qu'on peut observer à la Cafat, la caisse de Nouvelle Calédonie, ou à la Sécu en métropole. Donc on est pas mal.

Et donc, cette réforme profitera aux patentés ?
La réforme de la PSG est donc de basculer de ce système où l'on était assis sur trois régimes, en silos, vers des branches unifiées. Une branche maladie, une branche retraite, une branche famille, une branche handicap… C'est une vraie mutation, un vrai basculement puisque les textes sont tournés autour de l'organisation des trois régimes, et il va falloir une nouvelle organisation par branche. On n'a pas "x" possibilités pour changer le système.
Cela permettrait de ramener plus d'équités. Pour l'instant on se rend compte avec ce fonctionnement par régime qu'en définitive certains cotisent et d'autres pas, certains ont droit à des prestations et d'autres pas… Basculer en branches unifiées, que ce soit la santé ou la retraite, ça permettra déjà, au fond, de ramener de l'équité de traitement pour l'ensemble des assurés de Polynésie française.
Après, pour l'instant, nous n'avons pas bloqué l'ensemble des dispositions. Les ateliers et un certain nombre d'échanges ont été menés par Luc Tapeta.

Le gouvernement est-il ferme sur ce grand chamboulement de la PSG ?
La position du gouvernement est de dire que la PSG1, ça fait 20 ans. Nous voyons que nous allons dans le mur. Dans deux ans au grand maximum c'est la catastrophe si l'on continue comme ça. Et quand on examine le système dans le détail on se rend compte qu'il y a de gros problèmes, parce que ce n'est pas équitable. Donc aujourd'hui il faut que l'on agisse. Comme l'a dit le Président, ça fait 10 ans que personne n'a rien fait ou rien pu faire, donc aujourd'hui on y va, même si on sait que certaines décisions sont difficiles à prendre parce qu'elles seront impopulaires. En face ils vont dire "nous on a toujours profité du système, on ne voit pas pourquoi vous le changez". Donc voilà, il y a un tas de dispositions, mais le Président est très clair et le gouvernement est d'accord avec lui : il n'est pas question de continuer dans ce système. Nous pensons à l'héritage que nous laisserons à nos enfants.

Donc si les négociations échouent le gouvernement est prêt à passer une loi ?
Nous n'avons pas le droit à l'échec. J'en appelle à la raison de chacun, à un moment il faut arrêter de s'opposer systématiquement sans avoir de proposition constructive. On a décidé qu'on irait jusqu'au bout.

Luc Tapeta, ex-président du Médef et ex-président du conseil d'administration de la CPS

Vous êtes conseiller de Tea Frogier, en charge des consultations et travaux sur la réforme de la PSG. On dit que le RNS est le parent pauvre de la protection sociale, les patentés n'ont pas droit aux congés maladie ou congés maternités, la retraite et l'assurance accident du travail sont optionnels… Est-ce que ça va changer ?
Luc Tapeta : Lorsque j'entends dire que ce sont les parents pauvres, qu'ils n'ont pas droit à ceci ou à cela, je réponds que c'est un régime autonome, avec un conseil d'administration. Ils sont libres à l'intérieur de ce CA de proposer l'extension de la couverture sociale à leurs adhérents, que ce soit pour la maladie ou la retraite. Et une fois qu'ils auront défini le niveau de couverture idéal pour la maladie et la retraite, en face on dira "il faut tant de francs" pour financer tout ça, ce qui définira le niveau de cotisation.

Mais dans la réforme, le RNS ne sera plus un régime autonome.
Pour la maladie on va créer une branche unifiée. Pour la retraite, c'est un peu plus compliqué. Aujourd'hui les affiliés au RNS peuvent prendre l'option de venir sur la tranche A du régime des salariés, ce qui est une grande anomalie puisque c'est un régime par répartition, donc qui fait jouer les solidarités intergénérationnelles. Mais dès lors que pour eux c'est optionnel, ils ne sont pas dans cette solidarité.

Donc plutôt un régime par capitalisation à l'américaine ?
Alors, moi je pense, mais très personnellement, qu'au RNS il n'y a pas que des gens qui gagnent très bien leur vie. Il y a des agriculteurs, des artisans, bref des petits patentés. Donc je pense, si j'avais une recommandation à leur faire, qu'il faudrait un régime de base par répartition, de solidarité intergénérationnelle, ce qui permettrait, le moment venu, de créer une branche unifié de régime de retraite. Et s'ils le souhaitent, après, négocié bien sûr par les représentants du régime, ils pourront créer un régime par capitalisation optionnel.

Concernant votre mission, où en sont vos travaux ? Qu'est-ce qui bloque ?
Non il n'y a rien qui bloque. Aujourd'hui on sait ce qu'il faut faire, on a un certain nombre de propositions. La maladie ce n'était pas le plus difficile, c'est plutôt sur les retraites… Après il n'y a pas forcément un consensus, puisque comme l'a dit le Président, certains ont contribué aux travaux, et d'autres sont restés à l'extérieur, très observateurs.

Qui est resté à l'extérieur ?
Un certain nombre de syndicats de salarié. Le patronat était présent. Et donc aujourd'hui on a conclu les ateliers, les résultats ont été présentés au gouvernement et aux élus de la majorité. Pour la suite je pense que le Président attendait une vraie majorité, parce qu'il va falloir défendre les textes. Il s'est assuré que ses représentants comprenaient les propositions et étaient prêts à le suivre. Maintenant il va falloir organiser une rencontre avec les partenaires sociaux, le monde des employeurs et des syndicats, y compris ceux qui ne sont pas venus aux ateliers, pour leur présenter le résultat des travaux. Il pourra leur dire les options qu'il préfère et avoir un échange avec eux.


Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Jeudi 28 Janvier 2016 à 17:21 | Lu 3862 fois