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Rapa : le confinement aux confins


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Tahiti le 22 mars 2020 - L’île de Rapa ne compte aucun cas de Covid-19 et ses habitants veulent que ça dure. L’île ne dispose pas des moyens de soigner d’éventuels malades. Aussi, le maire et sa population se sont mobilisés lorsqu’il a fallu accueillir leurs élèves pensionnaires à Tahiti de retour jeudi. La petite île isolée aux confins de la Polynésie a pris des décisions exemplaires en matière de confinement. 
 
Suite à la fermeture de tous les établissements scolaires du fenua, le Pays a décidé de rapatrier les élèves pensionnaires dans leurs îles respectives. A Rapa, la plus australes des îles Australes, uniquement desservie par bateau, le tavana Tuanainai Narii a pris les devants pour protéger au mieux sa population. Aujourd’hui, cette île très reculée est devenue un exemple pour le Pays en ce qui concerne le confinement.
 
Le tavana de Rapa Tuanainai Narii explique d’abord qu’il aurait préféré que le Pays garde les élèves des îles éloignées en confinement à Tahiti avant de les rapatriés. “On aurait dû les contrôler d’abord avant de les rapatrier. D’autant que c’est plus facile puisqu’ils sont en internat. Ils sont beaucoup plus équipés (à Tahiti). S’il s’avère qu’il y a des cas de coronavirus, tous les moyens médicaux sont à Tahiti”. Tuanainai Narii regrette de ne pas avoir été officiellement mis au courant de ce rapatriement, “on ne nous a pas demandé notre avis”. Les recommandations de la veille sanitaire étaient de “ramener les élèves dans leur famille”. “Nous nous y sommes opposés, même si c’est une décision du haut-commissaire”. Malgré tout, les enfants sont rentrés.
 

La rigueur pour sauver des vies

Le tavana explique sa stratégie. “Je l’ai dit à la population, notre force c’est de rester uni”. Il a organisé une réunion avec la population dès qu’il a appris que les étudiants (une soixantaine) étaient tous rapatriés. “Cela a été des tracas pour nous, mais ce sont nos enfants et on ne pouvait que les accueillir. Nous avons cherché ensemble les moyens de les protéger mais aussi de nous protéger”.

La seule porte d’entrée à Rapa est la mer et donc le bateau. “Ici, explique le maire, personne n’a le coronavirus. Par contre, toutes les personnes qui arrivent, on ne sait pas s’elles sont porteuses du virus. Le seul moyen de nous protéger, c’était de tous les mettre en confinement. Ce n’est qu’après la quatorzaine, qu’on saura s’ils pourront rentrer chez eux. C’est ce que nous avons fait”.

Des vivres pour un mois

Le tavana ne pouvait prendre cette décision tout seul et il voulait un consensus de la population. “On est tous tombés d’accord. On a donc levé le rahui pour la pêche, nous sommes allés chasser les bœufs et les chèvres. Chaque famille a amené ce qu’elle pouvait comme du taro par exemple. Et au final, nos enfants peuvent rester en confinement pendant un mois, ils auront encore à manger”. Il fallait que la population prépare le logement des étudiants avant leur débarquement et ce sont surtout les pères de famille qui s’en sont chargés. Le maire précise les dispositions d’hébergement en isolement. “Ils sont logés à l’école. Dans toutes les classes, il y a la télévision, on leur a installé des machines à laver le linge, le chauffe-eau. En fait, ils ont tout”.

Le tavana explique que lorsque le bateau est arrivé jeudi, il n’y a eu aucun contact entre les élèves et les habitants de l’île. “Nous avons installés des barrières et personne n’avait le droit de les dépasser. Dès que les élèves sont arrivés, ils sont montés dans le truck et ont été emmenés à leur logement. Ensuite le même truck a été mis en quarantaine. Pareil pour le bateau de la commune voisine. Nous faisons les choses sérieusement. On ne peut pas se permettre de faire n’importe quoi. Comment est-ce que nous allons faire si jamais nous avons des cas de coronavirus. On ne pourra pas s’en sortir. Il faut absolument les confiner pour éviter qu’ils transmettent le virus à ceux du village”.
 

Les pères montent la garde

© FB Les parents à l'arrivée de leurs enfants mais ils sont loin d'eux
© FB Les parents à l'arrivée de leurs enfants mais ils sont loin d'eux
Concernant le ravitaillement des jeunes confinés et la sécurité, les parents se partagent les tâches. Les mamans s’occupent de la cantine et les pères de la surveillance. “Personne n’entre et personne ne sort, assure Tuanainai Narii. Nous allons respecter la quatorzaine. La seule personne qui a accès à l’école, c’est l’infirmière pour voir si nos enfants vont bien. Et de toute façon, son infirmerie est à l’intérieur. Si toutefois un élève venait à avoir les symptômes, une autre pièce a été prévue pour l’accueillir et le mettre encore plus en confinement”.

Ces mesures et leur application rigoureuse devraient éviter le pire à Rapa. Une rigueur qui doit être la règle pour l’ensemble des habitants du fenua. Tuanainai Narii le rappelle : cette propagation est aussi dû à l’individualisme à outrance, voilà le résultat”. Le nombre de cas avérés de coronavirus ne cesse d’augmenter. Hier, on dénombrait 17 malades en Polynésie.

Rédigé par Vaite Urarii Pambrun et Pierre Daumont le Dimanche 22 Mars 2020 à 11:14 | Lu 6145 fois