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Prothèses frauduleuses: chez PIP, un salarié avait démissionné


Prothèses frauduleuses: chez PIP, un salarié avait démissionné
MARSEILLE, 24 avr 2013 (AFP) - Responsable Recherche et Développement chez PIP, Alban Gossé est un des rares salariés à avoir démissionné face à la fraude au gel de prothèses: interrogé mercredi par le tribunal correctionnel de Marseille, il a témoigné de la difficulté à quitter l'entreprise.

Engagé dans l'usine varoise en 1997 - son premier emploi -, "sous l'autorité de M. Mas" (le patron), l'ingénieur aujourd'hui âgé de 38 ans apprend quelques années plus tard que la marque utilise, en plus du gel certifié, un gel non réglementaire.

"J'ai appris que le gel utilisé en production n'était pas celui que je citais dans mes dossiers techniques", a raconté le témoin mercredi, expliquant avoir quitté l'entreprise en 2006 après avoir tenté d'en partir dès 2003.

"C'est un problème de morale, d'honnêteté", a-t-il dit.

En 2003, l'arrivée d'un nouveau directeur général le fait rester, mais l'espoir est vite déçu. En 2004, "j'étais à bout de souffle", dit-il. Quand il parle de partir, Jean-Claude Mas lui rétorque "vous risquez de vendre des pizzas dans un camion". Il devient directeur, mais six mois après, rien n'a changé. La direction finit par accepter de le licencier début 2006.

"Je n'avais pas beaucoup d'armes pour manifester mon désaccord", a-t-il expliqué mercredi.

"Il était difficile d'argumenter", a-t-il ajouté. "Mas a toujours eu un esprit chercheur, il était la personne d'expérience confrontée au jeune ingénieur sorti de l'école".

Selon lui, il y avait une entente au sein des jeunes cadres (dont trois sont aujourd'hui sur le banc des prévenus) pour tenter de convaincre Mas de renoncer à son gel "maison".

"Quand vous avez un problème de conscience, soit on quitte la société soit on fait ce qu'on peut pour modifier les habitudes. Ce n'est pas parce qu'on reste qu'on cautionne", a dit M. Gossé. "Pourquoi on ne dénonce pas son employeur? Car c'est son employeur, et il y a 120 familles derrière. C'est une décision lourde à endosser, le gel +maison+ semblait être bon, je n'ai jamais entendu (parler d')un risque, c'est compliqué".

Cinq personnes - le fondateur de PIP Jean-Claude Mas et quatre anciens cadres - sont poursuivies dans ce procès pour tromperie aggravée et escroquerie. Plus de 5.000 porteuses d'implants ont porté plainte.

"Nous avons fortement insisté pour que la société rentre dans les clous", en vain, a dit mercredi une des prévenus, l'ex-directrice qualité Hannelore Font, relevant que le gel de silicone non conforme coûtait dix fois moins que le conforme.

C'est "un système qui a toujours existé, on était dans une routine, chacun faisait ce qu'il avait à faire, ce n'est pas normal, mais c'est ainsi que les choses se faisaient de tout temps".

Pourquoi n'avoir pas démissionné, comme M. Gossé? "Je n'étais pas encore parvenue à son niveau d'usure".

Pour Loïc Gossart, ex-directeur production, également poursuivi, "nous n'avions aucun souci moral dans l'usage de ce gel mais quand nous avons eu connaissance du taux de rupture en 2007, nous avons pris conscience du danger".

Auparavant, une victime atteinte de trois cancers - qui a dû se faire retirer en 2009 son implant PIP éclaté - est venue raconter combien la reconstruction peut être importante.

"On parle d'esthétique! Mais quand on a été +scalpée+ (d'un sein, ndlr), c'est très difficile", a-t-elle dit. "Une prothèse qu'on pose sur la table de nuit le soir, ça m'était très pénible. La reconstruction c'est très important, c'est retrouver son corps".

"Après, on apprend qu'on a reçu des produits toxiques faits avec je ne sais quoi!", a-t-elle ajouté, relevant que même si elle porte aujourd'hui une autre marque, elle n'a "plus qu'une envie, (se) la faire enlever".

Rédigé par () le Mercredi 24 Avril 2013 à 06:31 | Lu 504 fois