Tahiti Infos

Protection de l'emploi local, on y est


Tahiti, le 27 septembre 2022 - La loi du Pays sur la protection de l'emploi local sera officiellement prise en compte pour tous les recrutements opérés en Polynésie à partir du 1er octobre prochain. Le gouvernement a validé la liste des métiers "protégés". Petit rappel du mode d'emploi de cette nouvelle réglementation…
 
Le sujet déchaîne les passions, au moins autant qu'il est complexe. Mercredi dernier, le gouvernement a validé, par arrêté en conseil des ministres, la "liste des métiers soumis à une mesure de protection de l'emploi local". Le dernier acte avant l'application, au 1er octobre prochain, d'une loi du Pays pour la "protection et la promotion de l'emploi local" votée en 2019, plus de dix ans après les premiers débats politiques et les premières réglementations avortées sur le sujet.
 
Comment ça marche
 
Sujet porté par l'UPLD dès 2007 à l'assemblée de la Polynésie française, la réglementation sur la protection de l'emploi local s'est d'abord heurtée à un accueil mitigé de l'État, du patronat et d'une partie des autonomistes. C'est pourtant le gouvernement Fritch qui a fini par faire voter, en juillet 2019, l'actuelle loi du Pays instaurant le principe d'une protection de l'emploi local basée sur la durée de résidence en Polynésie française. Trois ans plus tard, et alors que le principe de la loi du Pays a été validé dès octobre 2019 par le Conseil d'État, la traduction concrète de ce texte n'est plus qu'une question de jours.
 
"Le principe c'est d'identifier les métiers qui, ces dernières années, ont eu tendance à recruter plus à l'extérieur que localement", explique la ministre du Travail, Virginie Bruant, qui a récupéré en cours de route le travail législatif de sa prédécesseure, Nicole Bouteau, avec pour mission de le concrétiser une fois pour toutes. "Ces métiers, il nous faut les protéger et les promouvoir. Les protéger pour en donner la priorité des recrutements à nos résidents polynésiens. Et les promouvoir en identifiant les métiers pour lesquels il y a des besoins et sur lesquels nous devons proposer des formations à nos demandeurs d'emploi."
 
Techniquement, le principe repose sur les chiffres des "Déclarations préalables à l'embauche" (DPAE) déposées à la CPS par les employeurs. "Une fois ces données recoupées, on peut identifier les métiers où les entreprises ont eu tendance ces derniers temps à recruter ailleurs que localement", poursuit le ministre. Précisément, lorsqu'une activité professionnelle -coiffeur, électricien en bâtiment… par exemple- atteint 10% de recrutements de salariés dont le DN est attribué depuis moins de 10, 5 ou 3 ans, cette activité fait l'objet respectivement d'une protection "minimale", "intermédiaire" ou "renforcée". C'est la commission consultative tripartite de l'emploi local qui s'est chargée de synthétiser ces chiffres en un tableau récapitulatif, validé mercredi dernier en conseil des ministres.
 
Le tableau récapitulant la liste des métiers a été publié dans la foulée. On y retrouve par exemple les "responsables de boutique et directeur de magasin" dans les secteurs du commerce et de la réparation automobile, les "pilotes dans une société de transport aérien", les "électriciens en bâtiment" en protection dite renforcée. "Et ce ne sont pas des choix", martèle Virginie Bruant, "c'est uniquement le résultat d'un constat fait sur les chiffres de la CPS".
 
Comment ça s'applique
 
Comment la loi va-t-elle fonctionner à partir du 1er octobre ? Lorsqu'une entreprise privée, le secteur public n'est pas concerné par ce texte, voudra embaucher un candidat pour un poste "protégé", celui-ci devra attester d'une déclaration sur l'honneur qu'il dispose de la durée de résidence nécessaire. Un document qui pourra être demandé lors de contrôles de la Direction du travail, avec possibilité pour l'administration de demander des pièces justificatives de cette durée de résidence. En cas de non respect, une amende administrative est encourue par l'entreprise et des poursuites pour fausse déclaration sont possibles à l'encontre du salarié. La Direction du travail va d'ailleurs être renforcée par une cellule dédiée de trois nouveaux agents, notamment pour veiller à la bonne application de ce texte.
 
Notons qu'une autre procédure est possible. Lorsqu'une entreprise déposera une offre au Service de l'emploi, l'administration piochera dans les candidats qui disposent d'une durée de résidence en Polynésie suffisante au regard de la loi. "En fonction de l'importance du recrutement à l'extérieur, il va être institué un taux de protection de 3 ans, 5 ans ou 10 ans minimum de résidence requis pour postuler à ces métiers", conclut la ministre du Travail. Quelques précisions requises à ce stade, vu le nombre des questions posées sur le sujet, la durée de résidence est réputée "suspendue" lorsqu'un Polynésien doit se rendre en métropole ou à l'étranger pour ses études, pour une formation ou pour "raisons familiales". Un enfant du fenua parti étudier en métropole sera ainsi considéré comme ayant ses 10 ans de résidence, même s'il ressort d'un cursus de huit ans de médecine à Bordeaux.
 
Former les Polynésiens aux bons métiers
 
Enfin, comment faire pour recruter localement dans des métiers très spécialisés pour lesquels il existe trop peu de main-d'œuvre locale ? Le second volet de la loi du Pays, celui sur la "promotion" de l'emploi local, prévoit que les métiers en protection "renforcée" seront priorisés dans la carte de formation en Polynésie française : à l'UPF, au Cetad, en BTS… Et pour les "secteurs dans lesquels les besoins portent sur un tout petit vivier", explique Virginie Bruant, le dispositif d'État de la "Ladom", qui permet aux résidents d'outre-mer de se former en métropole avec une prise en charge du déplacement, sera sollicité.
 
La liste des métiers protégés a d'ailleurs vocation à évoluer, via une mise à jour chaque année. Le tableau officialisé mercredi par le gouvernement n'est d'ailleurs valable que jusqu'à la fin 2022. Et pour ceux qui se demandent pour quelle raison ce récapitulatif des métiers protégés est aussi restreint, la réponse figure dans les chiffres des Déclarations à l'emploi déposées à la CPS : 92% des embauches déclarées depuis août 2021 ont concerné des employés qui avaient déjà plus de 10 ans de résidence en Polynésie. "On ne vient donc protéger que les 8% restant", constate donc Virginie Bruant. "Mais pour autant, ça reste important. Parce qu'on est vraiment dans cette dynamique de prioriser nos locaux sur tous les postes à pourvoir."







Rédigé par Antoine Samoyeau le Mardi 27 Septembre 2022 à 23:51 | Lu 9772 fois