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Procès des emplois dits fictifs : le procureur requiert 3 ans de prison contre Gaston Flosse


Procès des emplois dits fictifs : le procureur requiert 3 ans de prison contre Gaston Flosse
Le procureur de la République, José Thorel, a requis mardi matin 3 ans de prison ferme, 5 ans de déchéance des droits civiques et une amende de 10 millions de francs à l’encontre de l’ancien président de la Polynésie, Gaston Flosse, poursuivi pour détournement de fonds publics et prise illégale d’intérêt dans l’affaire des emplois dits fictifs de la Présidence. Ces délits sont parfaitement constitués, a estimé le Parquet, pour qui ces 51 contrats cabinet mis à disposition des communes, des associations, des fédérations sportives, d’une radio ou de l’assemblée territoriale, entre 1996 et 2004, ont servi à « dévoyer la démocratie » et à faire la propagande du Tahoeraa.

« En signant ces contrats cabinet, Gaston Flosse a créé avec ces personnes un lien d’allégeance direct, un lien de vassalité même » a déclaré José Thorel lors de son réquisitoire. Pendant près de deux heures, le procureur est revenu sur le cas de chacun des 87 prévenus. Qu’ils soient les signataires de ces contrats, accusés de complicité, ou simple « receleurs » en ayant bénéficié, tous auraient « violé les valeurs fondatrices de la démocratie » en participant à l’installation d’un maillage dédié au Tahoeraa Huiraatira dans toute la société polynésienne.


"Clientélisme politique"

Le procureur J. Thorel
Le procureur J. Thorel
En tout, plus de 620 contrats cabinet ont ainsi été rattachés à la personne de Gaston Flosse, rappelle en substance le procureur, pour qui l’affaire ne se limite pas aux 51 contrats évoqués lors du procès. « Gaston Flosse a imaginé que ces contrats cabinets seraient un excellent instrument de propagande électorale, pour obtenir la majorité à l’assemblée territoriale et se fait élire sénateur » estime José Thorel, qui note que le nombre de ces contrats cabinet mis à la disposition des communes s’est d’ailleurs accru en 1997 et 1998, à la veille des élections sénatoriales. Or les maires font partie du collège des grands électeurs, rappelle le procureur.

Malgré ce réquisitoire virulent, José Thorel n’a pas demandé la peine maximale de 5 ans à l’encontre de Gaston Flosse. Il requiert 3 ans de prison ferme, 5 ans de déchéance des droits civiques et 10 millions de francs d’amende. Contre Marcel Tuihani, directeur de cabinet de Gaston Flosse et trésorier du Tahoeraa à cette époque, le procureur requiert un an de prison ferme et 5 millions d’amende. Il demande 6 mois de prison avec sursis et un million d’amendes à l’encontre de Camélia Neti, le chef de service du SAP (le Service des Affaires Polynésiennes) où travaillaient 28 des 51 contrats cabinet jugés au cours de ce procès. Autre protagoniste contre qui le procureur requiert de la prison ferme (18 mois) : Justin Arapari, ancien président de l’assemblée territoriale de 1996 à 2000, et qui aurait participé à ce système de «clientélisme politique au profit d’un parti qui avait décidé de contrôler la totalité des rouages de la société.»

Les deux députés de la Polynésie française, Michel Buillard et Bruno Sandras, jugés pour complicité car signataires des mises à disposition de certains contrats cabinet, pourraient être condamnés à 1 an de prison avec sursis, et 3 millions de francs d’amende, si le tribunal suit les réquisitions du procureur. Enfin, à l’encontre des autres protagonistes, le procureur requiert des peines allant de 3 mois à un an de prison avec sursis, et des amendes d’un million de francs minimum. Il n’a en revanche pas demandé de peine à l’encontre de certains techniciens « qui n’ont pas eu conscience de travailler dans l’illégalité », essentiellement des salariés mis à la disposition de radio Maohi à partir de 1998.


Préjudice "moral et financier" pour le pays

Me Quinquis et Me Forster
Me Quinquis et Me Forster
Quant à l’avocat du pays, Maître Boussier, il est allé beaucoup plus loin mardi matin. Dans sa plaidoirie, qui a précédé le réquisitoire du procureur, l’avocat a demandé réparation du préjudice « moral et financier » subi par le pays, estimé par lui à 2,5 milliards de francs pacifique. « On sait tous que la population polynésienne est dans l’attente en raison du préjudice que cette affaire cause à son image » estime Me Boussier. Pour les avocats de la défense, cette demande de réparation fera peser une lourde charge financière sur les prévenus. « Je suis atterré de voir le pays, représenté aujourd’hui par son président O. Temaru, demander la ruine de familles polynésiennes modestes », a réagi l’avocat de Gaston Flosse, Me Quinquis.

L’avocat entend constater la recevabilité même de la constitution de partie civile par le pays. Il fera sa plaidoierie jeudi, ou vendredi, aux côtés d’une star du barreau parisien : Maître Léon Lef Forster, qui vient d’obtenir la relaxe de Charles Pasqua dans l’affaire de l’Angolagate, et qui a fait son apparition au tribunal. Les plaidoiries de la défense ont débuté mardi après-midi.

Rédigé par F K le Mardi 10 Mai 2011 à 14:56 | Lu 2020 fois