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Prison et 72 millions d'amende pour 480 g d'ice


Tahiti, le 12 décembre 2023 – Deux hommes et deux femmes comparaissaient ce lundi après-midi au tribunal de Papeete pour trafic d'ice. Ils ont écopé de peines de prison ferme allant d'un à trois ans, et d'une amende douanière de 72 millions de francs à payer solidairement. Les deux “mules” avaient été interpellées le 23 octobre à l'aéroport de Tahiti Faa'a avec 480g d'ice.
 
 
 
Infirmière de son état, Mme M. est à l’origine de cette affaire d'importation de 480 grammes de méthamphétamines. Une affaire qui implique quatre personnes avec des rôles différents : l'infirmière intermédiaire donc (Mme M.), deux mules (M. T. et M. P.) et la compagne de l'une des mules (Mme T.) tous en détention provisoire depuis le 23 octobre dernier. 
D'abord, il faut savoir que Mme M. avait déjà été écrouée en 2019 pour avoir importé 3,7 kg d'ice. L'affaire n'a pas encore été audiencée mais elle avait fait de la détention provisoire avant de bénéficier d'un bracelet électronique avec un contrôle judiciaire.
 
“Il s'est servi de mes antécédents pour me piéger”
 
Une clémence que le procureur s'est d'ailleurs bien chargé de lui rappeler ce lundi après-midi pendant l'audience. “Comment peut-on ramener 3,7 kg d'ice quand on est infirmière ?”, lui a-t-il lancé, ne croyant pas une seconde à l'argument qu'elle a martelé de bout en bout depuis le box des accusés. Un argument selon lequel elle aurait agi sous la “contrainte” parce qu'elle et sa famille étaient “menacées” par le commanditaire de cette seconde affaire.

Mme M. a en effet expliqué avoir été arnaquée par le commanditaire (M. H.) pour une obscure histoire de voiture. Le menaçant de porter plainte pour cette escroquerie, ce dernier aurait répliqué en dissimulant de la drogue chez elle. Il l’aurait alors sommée de lui trouver des mules pour aller aux États-Unis et rapporter de l'ice ; faute de quoi il l’aurait dénoncée. “J'étais coincée. Je m'inquiétais pour ma compagne et mon fils et c'est là qu'il m'a demandée de trouver des personnes. Il s'est servi de mes antécédents pour me contrôler et me piéger”, raconte Mme M.

En octobre dernier, elle sollicite donc Mme T. dont elle avait partagé la cellule en 2020 lorsqu'elle était en détention provisoire. Plusieurs rendez-vous ont lieu. Au départ, Mme T. n'est pas d'accord et c'est son compagnon qui se propose pour aller aux États-Unis et faire la mule. L'appât du gain est trop important puisque Mme M. leur fait miroiter une somme de 30 millions de francs. C'est alors qu'il contacte le quatrième prévenu, M. P., qui est l'époux de sa tante et le seul consommateur d'ice de la bande.
 
“On a servi de leurres”
 
Le 11 octobre ils achètent les deux billets d'avion grâce à l'argent contenu dans l'une des quatre enveloppes que leur a données Mme M. : une pour les billets donc ; une pour l'argent de poche sur place ; une pour les frais d'hôtel ; et une pour la guide sur place. Les deux hommes s'envolent le 15 octobre pour revenir le 23 avec 480 grammes d'ice dissimulés dans des chaussettes.

Arrivés à l'aéroport, ils s'en débarrassent dans les poubelles – ou plutôt à côté – juste avant le contrôle des douanes. “On vous a demandé de jeter l'ice là pour que quelqu'un vienne le récupérer ensuite ?”, questionne le procureur. “Non”, répond M. T. qui explique avoir été simplement “pris de panique” car il sentait qu'il était épié. Pour lui, ils ont d'ailleurs tout les deux servi de “leurres” et ont été “sacrifiés” pour qu'une plus grosse quantité de stupéfiants puisse passer à côté.
 
Aller-retour en prison
 
En détention provisoire depuis le 23 octobre dernier, c'est donc menottés que Mme M., Mme T. et son compagnon M. T., ainsi que M. P. sont arrivés au tribunal ce lundi après-midi. Ils sont repartis tous les quatre en prison après le délibéré rendu dans la soirée.
M. P. et M. T., les deux “mules” interpellées à l'aéroport ce jour-là, ont été condamnés respectivement à deux ans de prison dont un avec sursis pour le premier, et deux ans ferme pour le second pour importation, acquisition, transport, détention et association de malfaiteurs. La compagne de M. T. (Mme T.), écope d'un an de prison ferme avec révocation de son sursis. Et enfin, Mme M. se voit condamnée à trois ans ferme (le procureur avait requis quatre ans) pour association de malfaiteurs et complicité d'importation, d'acquisition et de transport de métanphétamine, de l'ice donc.

Ils ont par ailleurs tous les quatre, été condamnés à payer solidairement une amende douanière de 72 millions de francs, soit la moitié de ce qu'avait demandé le représentant de l'administration douanière.

La régularité des pesées en question

Au tout début de l'audience, avant de passer au fond de l'affaire, l'avocat de Mme M., Maître Mitaranga a d'abord défendu les conclusions d'exceptions de nullité qu'il avait déposées. Se basant sur les différents procès-verbaux de la procédure douanière, il a expliqué que les agents qui avaient effectué les pesées des quatre sachets de drogue n'étaient pas habilités à le faire au regard de leur catégorie d'agents de constatation de première classe. Des pesées irrégulières selon lui qui ont donc conduit à des mises sous scellés tout aussi irrégulières transmis à la DTPN, la Direction territoriale de la police nationale. D'où sa demande de nullité des actes subséquents. “Sans fondement” pour le représentant de l'administration douanière qui a quant à lui soutenu que les douaniers avaient agi dans les règles et que “tout agent des douanes, peu importe son grade, peut effectuer des contrôles d'infraction et même des pesées”. Le tribunal a donc finalement rejeté les exceptions de nullité de Me Mitaranga.  

Rédigé par Stéphanie Delorme le Mardi 12 Décembre 2023 à 13:43 | Lu 8730 fois