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Pourquoi seulement 34% de vaccinés au CHPF


Tahiti, le 15 mars 2021 – “34% de vaccinations au CHPF” contre “77%” dans les hôpitaux périphériques des îles. Les chiffres énoncés jeudi par le président Fritch interpellent, alors que le personnel soignant est une cible prioritaire. Un écart que le centre hospitalier relativise et justifie par les quelque 300 personnes déjà immunisées, tout en reconnaissant des réticences face à “la peur de l’inconnu” sur la vaccination…
 
Population prioritaire de la phase 1, "le personnel du CHPF a été vacciné à 34 % des agents hospitaliers soignants et non soignants, soit 803 agents hospitaliers vaccinés sur un effectif total de 2 372 agents”, a déclaré le président Édouard Fritch lors du point presse de situation sanitaire jeudi à la résidence du haussariat. Deux mois après le lancement de la campagne de vaccination au CHPF, ce taux fait pâle figure à côté des “77%” de personnels vaccinés dans les hôpitaux périphériques de Raiatea et de Nuku Hiva. “Soit 131 agents hospitaliers sur un effectif total de 170 agents”, indique le président pour ces deux structures relevant de la Direction de la santé.
 
Des chiffres que l’hôpital de référence nuance pourtant, à commencer par l’effectif total de l'hôpital de l’ordre de 2 000 à 2 200 personnes. “2 372, je ne sais pas d’où sort ce chiffre, sauf si vous comptez tous les contractuels venus en renforts”, s'étonne Mireille Duval, représentante CSTP-FO au Centre hospitalier. Plus vraisemblablement, le président du Pays a fait référence au nombre total de postes ouverts à l'hôpital de Taaone plus élevé que le nombre réel d'agents en fonctions.
 
Au CHPF, on fait par ailleurs remarquer que le staff des îles est non seulement beaucoup moins dense que celui du Taaone, mais que le Covid y a également nettement moins circulé intramuros. Résultat, toute une frange du personnel n’est pas accessible à la vaccination au sein de l'hôpital de Taaone, comme le souligne Thierry Sicard, médecin du travail au CHPF, qui réévalue au passage à la hausse l'estimation du nombre de vaccinés annoncée par Édouard Fritch. “A ce jour, 850 personnes ont reçu au moins une dose de vaccins, auxquels s’ajoutent environ 300 personnes qui ont déjà attrapé le Covid et qui doivent attendre trois à six mois”, pour prétendre à une injection.
 
60 à 70% du personnel vacciné issu du corps soignant
 
Le délai d'attente de six mois avant la vaccination pour les personnes contaminées peut donc expliquer la lenteur de la campagne au Centre hospitalier. Selon Thierry Sicard, le taux de personnes immunisées –“c’est-à-dire protégées soit en ayant attrapé la maladie, soit en ayant reçu le vaccin”– se déduirait davantage “à plus de 50%”. Un pourcentage jugé “satisfaisant” par le professionnel de santé, considérant l'objectif d’une telle campagne au sein de l’établissement : “avoir le plus de personnes immunisées de façon à maintenir la capacité opérationnelle de l’hôpital”.
 
Alors que tous les agents sont représentés dans ce taux de couverture –personnel soignant comme non soignant– on précise au sein du CHPF que 60 à 70% du personnel vacciné est issu du corps médical. “Parce qu’ils sont plus conscients des bénéfices de la vaccination, ils ont une meilleure connaissance théorique du vaccin, ils en ont donc beaucoup moins peur”, conclut le Dr Sicard. Une “peur” du premier vaccin à ARN messager qui explique donc aussi la faiblesse du taux de vaccination, même si le médecin tempère : “Ce n’est pas la première fois qu’on utilise l’ARN à but thérapeutique” notamment “sous la forme de médicament”.
 
“Peur de l’inconnu”
 
Du côté des 40 à 50% restants, il y a bien des réticences. “Certains ont des craintes sur les effets secondaires de ce vaccin, ils n’ont pas confiance dans un vaccin mis sur le marché aussi vite”, commente Mireille Duval.
 
Mais si réticences il y a, elles ne sont pas du même ordre que celles des soignants de l’hexagone, assure le Dr Sicard. “La réticence ici n’est pas organisée, ni systématique. Elle est due la plupart du temps à une méconnaissance des mécanismes”, développe le médecin. “La plupart des médecins savent très bien que l’ARN ne va pas modifier l’ADN, alors que les gens qui ont lu des choses sur les réseaux sociaux vont confondre l’ARN, l’ADN, le mode de reproduction du virus, etc”. Un sujet “compliqué", qui demande un certain "recul et de la connaissance" reconnaît le Dr Sicard.
 
C’est pourquoi, la médecine du travail assure prendre le temps de “vulgariser”. “On se déplace dans les pôles pour expliquer aux gens comment fonctionne le vaccin, ses effets indésirables et surtout ses bénéfices”, rapporte le docteur. “C’est la peur de l’inconnu, mais à force d’expliquer on lève les réticences”, souligne le médecin insistant sur le principe du libre arbitre. “On n’exerce aucune pression sur les personnes, les gens qui viennent en consultation pré-vaccinale, peuvent tout à fait repartir sans avoir fait le vaccin”.
 
A raison d’environ 15 vaccinations par jour, la médecine du travail du CHPF estime arriver d’ici quelques mois à un taux de couverture de l’ordre de 70 à 75%. “Mais il restera toujours une frange qui ne veut pas se faire vacciner”, prévient le médecin. “Pour des raisons, ou des motifs inconscients qu’ils n’arrivent pas à expliquer d’ailleurs.”
 

Rédigé par Esther Cunéo le Mardi 16 Mars 2021 à 15:56 | Lu 3532 fois