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Pour Kelly Slater, la tour des juges “n’a aucun sens”


Tahiti, le 27 novembre 2023 – Suite à la nouvelle vidéo de Matahi Drollet qui proteste sur les réseaux sociaux contre le manque de transparence, vis-à-vis des associations locales, des études concernant la nouvelle tour des juges, c'est au tour de la légende du surf, Kelly Slater, d'entrer dans la discussion.
 
“Ça n'a aucun sens d'utiliser une si grande tour pour un événement de deux jours qui n'aura lieu qu'une fois. Donnez cet argent pour les infrastructures locales du village, pour tous les dommages causés par les crues dues aux travaux sur la rivière cette année. Les juges peuvent monter sur cette tour, ou reconstruire le cadre sur les fondations existantes”, a réagi dimanche Kelly Slater sur les réseaux sociaux, suite à la nouvelle vidéo de Matahi Drollet, protestant une fois de plus contre la nouvelle tour des juges dont la construction est prévue pour les épreuves olympiques de surf à Teahupo'o l'année prochaine.
 
Des propos qui pèsent à l'heure où le débat entame sa dernière ligne droite. Attendus aussi bien par les surfeurs locaux qu’internationaux, la réaction de celui que l'on nomme le “Goat”, pourrait bien faire pencher la balance. Car c’est bien connu dans le milieu : il est d'ordinaire, difficile pour les surfeurs professionnels sous contrat, d'aller à l'encontre des organisations pour lesquels ils évoluent. Et pour preuve, jusqu'à présent, au sujet de la nouvelle tour,  peu d'entre eux ont osé taper du poing sur la table. Pourtant, côté bruits de couloir, l'opinion générale ne fait aucun doute au sein de la communauté professionnelle du surf. Bâillonnés, il leur faut aujourd'hui choisir : s'exprimer ou voir leur qualification pour les Jeux s'envoler.
 
Des locaux à bout
 
Une situation que regrettent amèrement les surfeurs de Teahupoo, et à juste titre. Depuis plus de 20 ans, les familles de surfeurs du bout de la route accueillent et partagent leur petit coin de paradis afin que tous puissent vivre leur passion et réaliser leur rêve : Une vague à Teahupo'o peut littéralement lancer une carrière. À l'exemple de la vague du millenium de Laird Hamilton en 2000, ou celle du regretté Malik Joyeux en 2003, pour ne citer qu'eux. Aujourd'hui, à chaque nouvelle houle, la passe de Hava'e est prise d'assaut par les hordes de surfeurs étrangers en quête de gloire. Un cirque qu'il faut désormais réguler avec prudence afin de maintenir une certaine convivialité à l'eau. Et pour les surfeurs locaux, la vague, largement exploitée par la communauté internationale, ne bénéficie pas du soutien qu'elle mérite.
 
Sur les réseaux, Tahurai Henry, figure emblématique et local du spot, s'insurge : “À tous les surfeurs qualifiés, s'il vous plaît, souvenez-vous des meilleurs moments de votre vie. C'était probablement à Teahupo'o, partageant les plus belles vagues du monde avec nous. Nous vous avons accueillis ici comme notre propre famille. Maintenant, il est temps d'aider Teahupo'o en retour !” Moins nuancé, le surfeur Lorenzo Avvenenti hausse désormais le ton et prévient : “Le surf n'a rien à faire avec les politiques, ou les Jeux Olympiques. Gardez Teahupo'o telle qu'elle est ! À tous les surfeurs qualifiés pour les épreuves olympiques, choisissez en votre âme et conscience de quel côté vous êtes…”
 
Une relation de confiance bafouée
 
Face aux inquiétudes persistantes des surfeurs locaux, le comité organisateur des Jeux n'en démord pas, répondant directement à Matahi Drollet sur les réseaux : “Nous avons fait évoluer le projet de tour pour permettre de maintenir les épreuves de surf à Tahiti, tout en prenant en compte l'environnement exceptionnel de Teahupo'o. La nouvelle tour se veut plus sobre et respectera les normes de sécurité.” Des éléments de langage qui ne passe pas chez les surfeurs locaux, qui dénoncent de leur côté les impacts environnementaux injustifiés à venir. Et pour cause, outre le récif et sa mythique vague, d'autres enjeux entrent en compte pour les locaux. Moins connue du grand public, et donc encore moins des politiques, la vague située à l'embouchure de Teahupo'o est également menacée de disparaître suite aux travaux au niveau de la passerelle. Un lieu phare du village du bout de la route, oublié des autorités publiques et du comité organisateur des Jeux Olympiques. Une situation qui, selon eux, témoigne du manque d'investigation évident de ces derniers concernant le village et ses habitudes. “Ce sont des choses qu'ils ne peuvent pas comprendre depuis leurs bureaux en plein Paris”, tranche Tahurai Henry.
 
Hélas, difficile pour Paris de cerner avec exactitude l'ampleur du problème si déjà, en toile de fond, les relations de confiance entre la population locale, le gouvernement et le comité organisateur, sont en berne. En effet, invitée lors d'un plateau télé, Anne Hidalgo, maire de Paris en visite il y a quelque temps sur le fenua, déclarait fermement : “Lorsque je suis arrivée en Polynésie, cette contestation était assez virulente. Le président de la Polynésie, que j'ai rencontré et avec qui j'ai travaillé, m'a dit : 'Je préfère que tu ne viennes pas sur la vague là.” Une déclaration qui sonne le glas de la relation de confiance du côté des surfeurs qui défendent fermement n'avoir jamais été à l’origine d'incidents, de violence, ou d'injures à l'égard de qui que ce soit durant leurs manifestations.
 
Un combat à l'usure
 
Trois acteurs, trois impératifs, un seul vainqueur, hélas, semble-t-il. Pour le comité organisateur des JO, l'horloge tourne et le site doit être prêt dans les plus brefs délais. Pour les habitués du village du bout du monde, il s'agirait d'entendre raison et s’accommoder d’un dispositif existant qui a fait ses preuves. Tandis que du côté du Pays, on essaye de trouver des solutions consensuelles tout en restant crédible aux yeux du monde. Parmi ses dernières propositions : un réseau haut débit via un signal satellitaire afin de supprimer le câble flottant et alléger la future tour des juges. Mais la proposition n'apaise en rien le climat. Selon les surfeurs, il ne s'agit que d'une énième tentative pour couvrir le réel problème qu'implique cette nouvelle tour : les 56 nouveaux trous à forer dans le massif corallien, afin d'agrandir la surface constructible. À seulement quelques mois des Jeux Olympiques, le combat s'enlise.
 

Manque de transparence : le COJO répond à Matahi Drollet
 
Le COJO souhaite informer néanmoins  qu’un courrier officiel de l’IJSPF daté du 24 novembre 2023 avait été envoyé par mail le samedi 25 novembre 2023 à l’association Vai Ara O Tehaupo’o, soit avant la parution de la seconde vidéo. Ce courrier était accompagné de l’ensemble des documents demandés par l’association par le biais d’un courrier officiel réceptionné par l’IJSPF en date du 27 septembre 2023 : Cahier des clauses techniques particulières à chaque lot de l’appel d’offre de la tour des juges, des fondations, du réseau sous-marin et de la technique; Cahier des clauses administratives particulières à chaque lot de l’appel d’offre de la tour des juges, des fondations, du réseau sous-marin et de la technique; le détail des quantités administratives, l’historique des avis d’attribution, les plans architectes détaillés des ouvrages, le plan général de coordination, la géolocalisation de la tour d’arbitrage prévue, le plan topographique définissant l’emplacement des travaux, les indications sur les accès et les débords du chantier; le plan de masse du projet; le tracé des canalisations sous-marine entre le littoral et la tour; les documents CREOCEAN; la déclaration des travaux; le rapport de l’étude ODEWA du 21 juillet 2022; le rapport G2 Pro de APIGEO du 07 octobre 2022.
 
De plus, dans sa vidéo du dimanche 26 novembre, sur les réseaux sociaux, l’association demandait à avoir la preuve de la non-homologation de l’ancienne tour et des anciennes fondations. Le COJO confirme que dans le cadre de la remise à plat du projet, l’IJSPF a consulté d’autres bureaux de contrôle, bureaux qui ont, soit émis un avis négatif, soit confirmés l’avis initial du bureau Veritas.
 
 

Rédigé par Wendy Cowan le Lundi 27 Novembre 2023 à 13:26 | Lu 11234 fois