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PoetCom : débats autour du b.a.- ba d'une agriculture bio en Polynésie


PoetCom : débats autour du b.a.- ba d'une agriculture bio en Polynésie
La Polynésie accueille pour la première fois le séminaire du Pacific Organic and Ethical Trade Communauty (PoetCom), jusqu'au 8 mai.
Des représentants de Rarotonga, Niue, Tonga, Iles Salomon, Samoa, Vanuatu, Nouvelle Calédonie, Fidji et Malaisie participent à cette rencontre régionale, sur le thème de l’agriculture biologique dans la zone Pacifique.
Inaugurée jeudi 3 avril par Kalani Texeira, ministre de l'agriculture du gouvernement Temaru, ce séminaire devrait notamment être mis à profit dans le cadre de la structuration du groupe PoetCom et de la mise au point de son système de garantie pour que la Norme océanienne pour l’agriculture biologique (NOAB) puisse être appliquée en Polynésie française. Une loi de pays votée en janvier 2011 a défini les bases du fonctionnement et de la réglementation de la filière bio sur le territoire.
L’association POETCom a été fondée en 2008 à l’initiative du SPC, le South pacific community, afin de promouvoir le développement de l’agriculture biologique et du commerce équitable dans le Pacifique sud, de définir une norme biologique pour la région Pacifique et une stratégie de développement de ce modèle agricole dans la région. La PoetCom a obtenu la reconnaissance de sa Norme océanienne pour l’agriculture biologique (NOAB) par la Fédération internationale des mouvements d’agriculture biologique, l’IFOAM, et par le Service international d’accréditation biologique, l’IOAS. Deux instances non gouvernementales qui régissent les normes Bios au plan international . La NOAB a obtenu l’équivalence européenne sur le plan technique. Elle a été promulguée comme norme de référence en Polynésie française, par arrêté, en août dernier. (Arrêté CM 1203 du 12/08/2011)


PoetCom : débats autour du b.a.- ba d'une agriculture bio en Polynésie
INTERVIEW : Jean-Paul Théron, directeur de cabinet au ministère de l’Agriculture

« L’agriculture biologique est tournée vers la confiance du consommateur »

Tahiti infos : Qu’est-ce l’agriculture biologique, en Polynésie ?

Jean-Paul Théron : Dans son discours, le ministre a parlé de réglementation et évoqué le fait qu’une mission essentielle de ce séminaire international est de faire progresser tous les textes réglementaires pour le contrôle, l’accompagnement, la formation, la labellisation en matière d’agriculture biologique. Pourquoi est-ce qu’on parle de réglementation ? Parce que pendant quelques années, il y a eu une confusion entre l’agriculture naturelle, traditionnelle, que l’on considérait comme du bio. Mais on pouvait trouver de l’huile de vidange dans le jardin, de la dioxine dans le fumier parce qu’on brulait du plastic, etc. On s’est rendu compte que c’était n’importe quoi. Donc dans la communauté internationale, sous l’impulsion de l’IFOAM, qui est une ONG, se sont constitués des associations, des clubs, des agences, et on a réglementé sur l’agriculture biologique, pour arriver aujourd’hui à des normes internationales, qui ont pignon sur rue, si j'ose dire : la norme américaine, la norme européenne, la norme néo-zélandaise, l’australienne, et maintenant depuis quelques mois, la norme Pacifique.
ndlr : IFOAM

Tahiti infos : En Polynésie, nous avons pris le partie de choisir cette norme Pacifique, pourquoi ?

Jean-Paul Théron : Parce qu’il nous fallait une norme référente. La Polynésie a besoin d’une norme régionale, pour qu’on échange. Cela ne veut pas dire que nos produits ne seront pas reconnus en Europe, mais simplement elle tient compte de petites nuances : elle est plus sévère que la norme européenne, sur l’emploi de pesticides et un certain nombre d’autres choses. En revanche, elle tient compte de notre spécificité insulaire. On prévoit notamment que lorsque l’on a un champ en agriculture biologique, on n’est pas obligé d’observer 15 km d’éloignement avec une exploitation traditionnelle. Chaque zone a ses particularités géographiques, géologiques. Nous en Polynésie, comme partout en Océanie, on a une particularité climatique et insulaire. La norme Pacifique tient compte de petits lopins de terre. On a des facilitations par des plantations de barrières végétales. Maintenant, nous pouvons avoir un logo polynésien.

Tahiti infos : La production agricole locale a cette mauvaise réputation d’avoir massivement recours aux pesticides. Qu’est-ce que représente l’agriculture biologique, aujourd’hui, en termes de production en Polynésie française ?

Jean-Paul Théron : On doit d’abord considérer ce qu’est la production agricole, par rapport à l’importation. Notre agriculture, dans un certain nombre de domaines, couvre quasiment 100% des besoins. C’est le cas de la filière des œufs. Mais en Polynésie, il y a très peu d’œufs bios : de l’ordre de 1%. Une autre filière de l’agriculture offre un taux de couverture par rapport à l’importation intéressant : le maraichage. Le maraichage conventionnel, utilisant des intrants conventionnels, est très fortement dominant. On estime aujourd’hui que le ratio d’agriculture biologique sur l’agriculture globale est en Polynésie de l’ordre de 2%, en produits certifiés. Beaucoup de gens produisent sans pesticides ni herbicides, sans pour autant être certifiés.
L’intérêt de la certification, c’est qu’elle offre la base d’une relation de confiance avec le consommateur. Si l’on veut rentrer dans des circuits de commercialisation – et c’est le but de tout cela ; il faut bien comprendre que la réglementation sur l’agriculture biologique est tournée vers la confiance du consommateur : le producteur à travers des règles, des normes, des circuits spécialisés – il faut que l'on installe une confiance mutuelle. On a en Polynésie une vingtaine d’exploitations agricoles de bonne taille qui sont certifiées. Mais la certification est le résultat d’un processus long et coûteux.
Depuis le début de l’année 2011, on voit arriver dans tous les supermarchés des produits locaux avec un label Bio Pasifika, Organic Pacifika.

De l’autre côté, on a le système des garanties participatives, le SPG, c’est le principe d’une agriculture biologique qui pousse à l’extrême la relation de confiance producteur-consommateur. Un SPG n’est pas une certification, c’est une garantie avec une population de consommateurs qui est au sein d’une institution, en général associative, avec une charte : les producteurs garantissent un produit, les consommateurs garantissent une demande.
Le SPG est une particularité du Pacifique.


Tahiti infos : Cela n’existe-t-il pas déjà en métropole, sous la forme d’AMAP ?
ndlr : AMAP

Jean-Paul Théron : Non, les AMAP ne sont pas nécessairement en agriculture biologique. Il s’agit plus de la promotion du circuit court producteur-consommateur, que de l’agriculture biologique. Le SPG est une valeur internationale qui est beaucoup plus impliquée dans les pays où l’on trouve une agriculture fondée sur des petits propriétaires. (…) Le SPG est très mal adapté aux gros producteurs en agriculture biologique, parce qu’ils préfèrent installer leur circuit et avoir des certifications.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Jeudi 3 Mai 2012 à 14:06 | Lu 2038 fois