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Plastique : le civisme ne suffit plus


Tahiti, le 11 avril 2024 – Si le Cesec se dit favorable au nouveau projet de loi du Pays relatif à la réduction de l'utilisation du plastique et de l'aluminium à usage unique, ce dernier pointe du doigt les lois déjà existantes mais hélas non respectées par bon nombre de professionnels et particuliers. Pour l'institution, il s'agirait de renforcer davantage la sensibilisation à cette problématique, mais aussi et surtout d'appliquer une bonne fois pour toutes les sanctions en vigueur.
 
Le problème est avéré, récurrent et inéluctablement nocif pour la santé et l'environnement. Et pourtant, l'usage abusif et déraisonné du plastique persiste. Selon l'association The SeaCleaners, plus de 380 millions de tonnes de plastique sont produites tous les ans dans le monde, dont 40% pour des emballages alimentaires, bien souvent à usage unique. Parmi ces 40%, seulement 10% sont recyclés, tandis que les 30% restants finissent dans l'océan. Et le Fenua n'est pas épargné par le phénomène puisque ce sont plus de 1 200 tonnes de plastique qui partent au centre d'enfouissement chaque année et 600 tonnes qui sont triées, puis exportées pour être recyclées.
De plus, malgré la loi de 2020 obligeant les différents acteurs à limiter l'usage du plastique et à privilégier les alternatives 100% biodégradables, les mauvaises habitudes demeurent. En effet, depuis le 1er janvier 2022, alors que l'interdiction de l'utilisation de sacs de caisse en plastique s'est étendue à tout type de sacs, la loi du Pays n'est mise en œuvre que par 43% des commerçants.
 
Une aberration selon Moea Pereyre, consultante en développement durable et, pour l'occasion, rapporteure du Conseil économique, social, environnemental et culturel (Cesec) qui s’est penché ce jeudi sur le nouveau projet de loi du Pays relatif à la réduction de l'utilisation du plastique et de l'aluminium à usage unique : “On appelle le Pays à communiquer davantage, car il y a encore des commerces qui ne sont pas au courant des nouvelles législations, notamment concernant le sac plastique. On sait que l'éducation est l'arme la plus puissante au monde pour changer les choses, donc évidemment, on appelle à ce civisme. Hélas, il est important aujourd'hui de souligner que cela ne résoudra pas la problématique du plastique. Ce n'est pas parce que l'on mettra une bouteille à la poubelle que l'on évitera la pollution plastique au Fenua. Pour rappel, la durée de vie du Centre d'enfouissement de Paihoro est limitée. D'ici huit ans, il faudra fermer ce centre d'enfouissement et creuser un autre trou. La question qu'il faut désormais que l'on se pose, c'est : qu'est-ce qu'on va laisser à nos enfants ? Une île de déchets ? Le civisme, oui ! Mais nous avons aussi la responsabilité de réduire nos déchets. C'est urgent.”
 
Un projet de loi concret mais étalé dans le temps
 
Afin de réduire l'utilisation du plastique et de l'aluminium à usage unique, le projet de loi soumis par Pays au Cesec, ce jeudi, fixe un calendrier progressif sur quatre ans et instaure de nouvelles obligations et interdictions. En tout, cinq grandes dates sont à retenir : “Au 1er janvier 2025, tous les établissements de restauration et débits de boissons devront donner la possibilité à leurs clients de disposer d'une eau potable gratuite. Au 1er juillet 2025, la vaisselle plastique ou en aluminium à usage unique ne pourra plus être importée, fabriquée, ni utilisée. Au 1er janvier 2026, tous les établissements de restauration et de débits de boissons, y compris les snacks et les roulottes, devront avoir recours à de la vaisselle réutilisable. Au 1er janvier 2027, les emballages en plastique pour les fruits et légumes seront interdits, sauf exceptions. Et enfin, au 1er janvier 2028, c'est l'utilisation de films en plastique étirable qui sera interdite”, stipule le document.
 
Pour le gouvernement, l'étalement dans le temps de la mise en œuvre de la nouvelle réglementation devrait permettre aux divers opérateurs de faire évoluer leurs comportements, mais également leurs techniques de fabrication, leur donnant ainsi le temps nécessaire pour s'adapter afin de ne pas mettre en péril leur activité. Une vision soutenue par le Cesec.
 
La mise en œuvre de sanctions
 
Si la promulgation d'une loi est une chose, son application en est une autre. Une notion dont le Cesec a bien conscience, proposant ainsi, en plus du projet de loi en l’état, que les contrôles soient renforcés et que les sanctions soient prévues et appliquées dans les meilleurs délais sur le principe de “pollueur=payeur”. Des mesures fortes, mais qui répondent à une réalité tout aussi dure. En effet, entre 2020, année de publication de la loi interdisant l'usage des sacs de caisse en plastique, et 2022, année d'application complète de cette loi, certains professionnels avaient produit de manière massive des sacs de caisse. Des sacs qui ont été acquis par des entreprises de taille modeste, qui n'ont pas nécessairement été informées de ces interdictions. Pour autant, aucune sanction n'a été infligée aux contrevenants, alors que les peines encourues sont, sur le plan pénal, de deux ans d'emprisonnement et 11 933 000 francs d’amende. Sur le plan des sanctions administratives, ces amendes sont de 178 000 francs pour une personne physique et 894 000 francs pour une personne morale. La Direction de l'environnement, pourtant alerte, reconnaît qu'aucune sanction n'a été engagée à l'encontre des contrevenants, qui n'ont reçu, pour l'heure, que des recommandations de mise en conformité. Pour le Cesec, une politique un peu plus musclée est attendue.

Moea Pereyre – Rapporteure de la commission “Développement et égalité des territoires” au Cesec
Nous attendons du gouvernement qu'il mette en place de vraies sanctions”
“Nous sommes assez satisfaits de ce projet de loi. Il se veut clair, mais surtout il laisse le temps aux industriels, aux consommateurs et aux utilisateurs de plastique à usage unique de s'adapter. C'est un point important de cette loi du Pays. En revanche, nous avons pointé du doigt la possibilité de défrayer les bouteilles d'eau d'1,5 litre pour les îles, suggérant plutôt de défrayer uniquement les bonbonnes de 18,9 litres afin de favoriser la mise à disposition de consignes. C'est une des recommandations du Cesec. Pour nous, il s'agit vraiment de remettre au goût du jour les consignes car elles constituent une vraie alternative au plastique à usage unique. À propos des sanctions concernant les sacs en plastique à usage unique, une loi du Pays existe mais n'a largement pas été suivie par les producteurs et les importateurs de sacs en plastique. On a donc rappelé au Pays l'importance de suivre et de sanctionner les cas où les lois du Pays ne sont pas respectées, notamment celle qui sera votée prochainement à l'assemblée. Nous attendons du gouvernement qu'il mette en place de vraies sanctions, chose qui n'a pas été mise en avant dans le texte de loi.”

Rédigé par Wendy Cowan le Jeudi 11 Avril 2024 à 17:37 | Lu 2151 fois