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Philippines: le calvaire des évacués de Marawi ne fait que commencer


Balo-i, Philippines | AFP | vendredi 27/10/2017 - L'armée philippine a beau avoir annoncé la fin de la bataille de Marawi, Jamalia Pindaton, son bébé de six mois dans les bras, ignore totalement quand elle pourra rentrer dans sa ville partiellement tenue pendant cinq mois par des jihadistes.

"On ne sait pas si notre maison est toujours là", confie à l'AFP cette femme de 29 ans dans la tente où elle et sa famille vivent, dans un camp d'hébergement d'urgence de Balo-i, à 20 km de Marawi.
"C'est difficile. Nous n'avons aucun revenu et nous dépendons de l'aide".
Plus de 350.000 habitants de Marawi, plus grande ville musulmane du sud des Philippines, un archipel à majorité catholique, ont été évacués.
Des centaines de jihadistes ayant prêté allégeance au groupe Etat islamique avaient pris le 23 mai le contrôle de secteurs entiers de Marawi, utilisant des civils comme boucliers humains, dans ce qui fut analysé comme une tentative pour créer une base de l'EI en Asie du Sud-Est.
La moitié orientale de la ville a quasiment été entièrement détruite par cinq mois de combats qui ont officiellement pris fin lundi. 
Les autorités, qui s'inquiètent de la présence de mines, ont affirmé que la population devrait peut-être attendre des mois, voire des années, avant de pouvoir revenir.
Environ 10.000 habitants ont déjà reçu le feu vert pour rentrer chez eux, dans des quartiers loin des combats.
 

- Pire catastrophe depuis 1945 -

 
Et 33.000 autres devraient pouvoir revenir la semaine prochaine, a affirmé à l'AFP la responsable locale Zorahayda Taha.
Nombre de déplacés ont trouvé refuge chez des amis ou des membres de la famille, mais des dizaines milliers de personnes n'ont eu d'autres choix que d'aller dans des camps de fortune, comme Jamalia Pindaton.
Le gouvernement s'est lancé dans la construction de nouveaux logements bon marché pour améliorer leur quotidien. Un signe que le retour n'est pas pour demain.
Il donne par ailleurs à chaque famille une aide de 200 pesos (3,30 euros).
Auparavant ouvrier du bâtiment, le mari de Jamalia plante désormais du maïs sur un terrain gouvernemental, dans le cadre des petits boulots sponsorisés par les autorités. Mais, explique-t-elle, il ne sera payé que quand le maïs sera commercialisé.
Régulièrement malmenées par les typhons, les inondations et les séismes, les Philippines ont une expérience certaine dans la gestion des catastrophes et le gouvernement a mis en oeuvre très tôt des programmes humanitaires pour les évacués de Marawi.
En dépit de décennies d'insurrection musulmane dans le sud, l'archipel n'a plus connu de catastrophe provoquée par l'homme si vaste que celle de Marawi depuis l'occupation japonaise pendant la Seconde Guerre mondiale.
En cinq mois, 920 combattants jihadistes ont selon le gouvernement été tués, ainsi que 165 militaires et 47 civils. Des milliers de bâtiments ont été détruits et des quartiers entiers rasés.
 

- Le traumatisme des enfants -

 
Remettre sur pied les seules infrastructures de base, comme l'électricité, l'eau courante, les routes, coûtera 1,1 milliard de dollars, estime le ministre philippin de la Défense Delfin Lorenzana.
Le Comité international de la Croix-Rouge estime que les 30.000 à 40.000 habitants "les plus vulnérables" auront besoin d'une aide humanitaire (nourriture, logement...) pendant plusieurs années.
"C'est une situation très inhabituelle que nous voyons malheureusement dans certaines autres parties du monde, comme au Moyen-Orient, ou même en Afrique", explique à l'AFP le chef du CICR dans le sud de l'archipel, Roberto Petronio.
Pour la plupart des habitants qui ont eu la chance de rentrer, le plaisir a été de courte durée, du fait des pillages et de l'état de leur ville.
"La porte était fracassée, et quand je suis entré, j'ai vu nos vêtements éparpillés par terre. Toutes nos réserves de nourriture avaient disparu", a déclaré à l'AFP Nurhana Sangcopan, une commerçante âgée du quartier d'East Basak.
Autre motif d'inquiétude: la scolarité.
D'une part parce que beaucoup d'écoles sont fermées. Et de l'autre parce que nombre d'enfants sont traumatisés par ce qui s'est passé.
"Les enfants ont besoin d'une aide psychologique d'urgence", explique Diana Demaro, une enseignante rencontrée par l'AFP alors qu'elle emmenait une soixantaine de ses élèves se défouler sur le terrain d'un bâtiment gouvernemental rempli de familles évacuées.
"Nous devons les occuper pour qu'ils oublient le traumatisme qu'ils ressentent", explique-t-elle. 

le Vendredi 27 Octobre 2017 à 03:58 | Lu 378 fois