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Pas de cour criminelle en Polynésie


Tahiti, le 16 janvier 2023 – Depuis le 1er janvier dernier sur le territoire national, les cours d'assises composé par un jury populaire ont laissé place aux cours criminelles de justice formées par cinq magistrats professionnels. En Polynésie, la cour d'appel a demandé à la chancellerie de ne pas faire appliquer cette réforme au motif, notamment, que les jurés sont “plus à même de comprendre les accusés” et la “mentalité polynésienne”. Le ministère de la Justice sortira le Pays de la réforme dès qu'il aura un ”véhicule législatif”. 

Votée le 21 décembre 2021, la loi prévoyant que tous les crimes punis de vingt ou quinze ans de réclusion –les viols, les coups mortels et les vols à main armée– soient désormais jugées par des cours criminelles départementales composées de cinq magistrats professionnels au lieu d'un jury populaire est entrée en vigueur le 1er janvier dernier. En Polynésie, ou douze affaires sont jugées lors des quatre sessions annuelles de la cour d'assises, la cour d'appel a demandé au ministère de la Justice de ne pas faire appliquer la réforme.

Tel que l'explique Jacques Louvier, avocat général au parquet général de Papeete, cette demande repose sur trois raisons : “En France, on a fait les cours criminelles car il y avait un engorgement des cours d'assises. Or, ce n'est pas le cas en Polynésie. C'est la première raison pour laquelle cette réforme ne serait pas utile ici. La deuxième chose est que cela pose une difficulté. En France, les cours d'appel ont plusieurs tribunaux et comme les cours criminelles doivent siéger avec cinq magistrats, il faut trouver ces cinq magistrats au tribunal judiciaire. Sachant qu'en métropole, il y aussi plus de magistrats qui sont des magistrats à titre temporaire ou des magistrats honoraires qu'ici. On peut en utiliser deux par cour criminelle et en Polynésie, nous avons eu seule magistrate honoraire. Cela pose donc un problème pour trouver les magistrats qui composeraient ces cours criminelles.” 
 
“Plus-value très importante”
 
Enfin, Jacques Louvier explique que la troisième raison est “qu'il est bien qu'il y ait des Polynésiens qui participent à la cour d'assises car la plupart des audiences criminelles se font en tahitien avec un traducteur et ils comprennent donc directement ce que dit l'accusé”. D'autre part, “les jurés populaires sont plus à même de comprendre la mentalité polynésienne que les magistrats. Il y a donc une plus-value très importante dans la participation de ces jurés, encore plus qu'en métropole. Je rappelle qu'ici, la cour criminelle concernerait 80% des dossiers, voire 90%. Il ne resterait plus que deux dossiers par an de cour d'assises.”

Estimant donc que cette réforme ne correspond pas à la Polynésie, la cour d'appel a saisi la chancellerie “à plusieurs reprises”. Selon Jacques Louvier, elle “a assuré qu'elle partageait notre analyse, qu'elle était d'accord et qu'elle nous sortirait de la réforme dès qu'elle aurait un véhicule législatif.” 
 

Rédigé par Garance Colbert le Lundi 16 Janvier 2023 à 19:53 | Lu 2055 fois