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Pas de continuité territoriale dans le budget Outre-mer


Paris, le 9 novembre 2021 - L'Assemblée nationale a adopté mardi les crédits de la mission Outre-mer dans une ambiance tendue entre un gouvernement inflexible et une opposition remontée. Sans surprise, le prêt garanti par l'État de 36 milliards de Fcfp figure bien dans la prochaine loi de finances ainsi que le financement de la nouvelle compagnie du Service militaire adapté (SMA) à Hao, dans les Tuamotu.
 
L'examen des crédits de la mission Outre-mer dans la loi de finances (PLF) 2022 a commencé mardi à l'Assemblée nationale par un amendement adopté : celui du gouvernement, qui inscrit dans la loi les 660 millions de Fcfp nécessaires à la création d'une nouvelle compagnie du Service militaire adapté (SMA) à Hao, dans les Tuamotu. "Nous accueillerons les premiers stagiaires dans un temps record, à l'automne 2022 : c'était une promesse du président de la République et cela participera à la dynamisation de l'atoll dans le contexte post-CEP", s'est félicité à la tribune le ministre des Outre-mer, Sébastien Lecornu.
 
Continuité territoriale, c'est non
 
Quelques minutes auparavant, le ministre se réjouissait une nouvelle fois de ce que le budget de son ministère, 286 milliards de Fcfp, soit "en hausse", "dirigé pour résoudre les problèmes de la vie quotidienne des Ultramarins", "dans un contexte post-crise sanitaire où l'État a été aux côtés des territoires et collectivités d'Outre-mer". La suite de l'examen du Budget s'est avérée beaucoup plus problématique, beaucoup moins consensuelle. En cause, l'attitude inflexible du gouvernement, soutenu par sa majorité de députés La République en marche (LaRem) venus en nombre face aux députés ultramarins. Aucun amendement n'a pu être adopté s'il émanait de députés n'appartenant pas à la majorité. Y compris la demande très forte et argumentée en séance des députés océaniens qui réclamaient "un plus grand soutien à la continuité territoriale, en particulier entre les îles".
 
Signé de Nicole Sanquer mais repris en séance par le député de Nouvelle-Calédonie, Philippe Dunoyer, et appuyé par la députée polynésienne, Maina Sage, cet amendement visait à acter le soutien de l'État aux liaisons aériennes entre les iles isolées et Tahiti mais aussi entre Wallis et Futuna ou encore entre les îles Loyauté et la Nouvelle-Calédonie. La mesure, qui visait également à soutenir les étudiants en quête d'un stage ou d'un emploi sur une autre île que celle dont ils sont originaires, a été écartée sèchement par Sébastien Lecornu au motif que "ce n'est pas la compétence de l'État". "Vous le faites bien en Guyane", lui a répliqué le député de Calédonie Philippe Dunoyer. Rejoint dans une argumentation passionnée par Maina Sage qui a, elle, opposé le fait que "l'État intervient bien dans les compétences du Pays – toutes les compétences – lorsque cela l'arrange". Rien n'y a fait et la majorité des députés a repoussé l'ensemble des amendements qui visaient au soutien direct de l'État dans les liaisons aérienne inter-îles.
 
"Système colonial"
 
Ce n'était qu'un premier affrontement entre le gouvernement et les élus des Outre-mer ulcérés de voir repoussées leurs propositions –sur le système de distribution d'eau défaillant aux Antilles, la formation professionnelle insuffisante dans les collectivités françaises du Pacifique ou encore des mesures de lutte contre la cherté de la vie…– systématiquement rejetées par le gouvernement et les élus marcheurs. "Pour vous, l'Outre-mer c'est loin : vous agissez dans un système colonial, j'ose le dire !", s'est indigné le député (La France Insoumise) de La Réunion, Jean-Hugues Ratenon. De quoi le pousser à ne plus défendre ses très nombreux amendements. Repris en partie par ses collègues de la France Insoumise, lesdits amendements ont donné lieu à plusieurs passes d'armes entre le gouvernement et l'opposition de gauche, faisant même craindre à un moment que les députés ultramarins ne quittent en bloc l'hémicycle du Palais-Bourbon.
 
Il n'en a finalement rien été et les crédits de la mission Outre-mer ont été adoptés à l'issue d'un vote à main levée, bien loin de l'ambiance habituelle et solennelle de consensus transpartisan qui prévaut lors du vote de cette mission. Une mission avant tout symbolique et à vocation de message politique, puisque les crédits de cette mission ne représentent qu'une fraction (environ 10%) de l'argent investi par la France dans les départements et collectivités d'Outre-mer.
 
Le PGE2 voté
 
Un document qui ne comportait pas non plus de mauvaise surprise : le second prêt garanti par l'État à la Polynésie est bien d'un montant de 36 milliards de Fcfp et la députée Maina Sage a salué une mesure qui permettra de "mettre en place des mesures sociales mais aussi de soutenir la compagnie aérienne du Pays, qui en a besoin". Le Budget Outre-mer sera examiné dans les toutes prochaines semaines par les élus de la Haute-Assemblée, au Palais du Luxembourg.
 
Julien Sartre

Rédigé par Julien Sartre le Mardi 9 Novembre 2021 à 15:06 | Lu 1288 fois