Tahiti Infos

“On laisse le terrain être dans l’invention et dans l’organisation”


Tahiti, le 2 avril 2020 - Entretien avec Thierry Delmas, le Directeur général des enseignements et de l’éducation, au sujet du système de continuité pédagogique mis en place à partir de lundi pour une poursuite des enseignements scolaires malgré le confinement général en Polynésie française. 

L’école reprend lundi sur le principe du télé-enseignement mais vous demandez un effort certain aux parents et aux enseignants qui devront se débrouiller avec les moyens à leur disposition. 
A partir du 6 avril, en effet, il faudra que les élèves soient en activité et qu’ils soient accompagnés par les parents et enseignants, par tous les moyens possibles. Vous savez que nous sommes sur un territoire extrêmement dispersé, avec une hétérogénéité forte des connexions, donc effectivement, pour certains élèves éloignés, ce ne sera que par téléphone tandis que pour d’autres ce sera via internet. C’est pour cela que nous insistons beaucoup sur le fait que nous sommes dans une démarche apprenante. Tout sera fait par les enseignants et les inspecteurs pour ce ces élèves arrivent à niveau à la fin de l’année.”
 
 
Vous avez conscience que c’est un gros effort que vous demandez ? Avez-vous la garantie que ce système va fonctionner ?
Je ne suis pas très inquiet pour les enseignants. Je leurs fait confiance. Nous avons rencontré cette semaine avec M. Le Ray (vice-recteur par intérim : Ndlr) les chefs d’établissements. Nous avons fait une remontée de chacun des 35 établissements et des inspecteurs du premier degré. Ce qui ressort, c’est qu’une très grande majorité des personnels est déjà dans cette dynamique-là, en train de réfléchir à la mise en place opérationnelle. Des parents ont déjà reçu des ressources. La difficulté pour nous est de gérer l’hétérogénéité, c’est-à-dire le fait que certains élèves n’auront peut-être que la télévision ou que les manuels et d’autres auront plus. Encore une fois, le travail sera fait au retour en classe pour que tout le monde ait le même niveau et les mêmes compétences. 
Pour les parents, il faut qu’ils aient ce rôle d’accompagnement. Et j’insiste beaucoup sur le fait que l’on n’a pas besoin d’être un as en math ou en français pour accompagner ses enfants. On a juste besoin de les écouter, de les motiver et de leur donner accès aux ressources… Il faut de la bienveillance, du calme et de l’écoute. C’est comme cela que les élèves garderont leur posture d’apprenant et réussiront à passer cette crise
.”  
 
Avant d’en venir aux moyens mis à disposition, quand les parents seront-ils contactés par les enseignants ?
D’abord, je rappelle que la rentrée c’est le 6 avril : nous sommes toujours en vacances. Les enseignants sont encore aujourd’hui en train de se préparer. Ils sont en contact avec leur établissement. Ensuite, il faut bien imaginer que si tous les parents appellent lundi matin, ce ne sera pas gérable. Il faut qu’ils soient patients. Ce seront les professeurs des écoles qui prendront contact avec eux. Pour les collèges et lycées, ce sera le professeur principal qui coordonnera tout ça. (…) On laisse le terrain être dans l’invention et dans l’organisation. Que les parents ne s’inquiètent pas.”
 
Par quels moyens passeront ces outils d’enseignement ?
On travaille depuis déjà dix jours avec Polynésie la 1ère et TNTV pour pouvoir diffuser des capsules très pédagogiques à heure régulière. Nous allons augmenter ce temps-là puisque nous allons passer à trois heures par jour. C’est un rendez-vous important. Ensuite, il y a internet avec le logiciel Pronote, qui permet déjà aux parents d’être en contact avec les enseignants dans 34 établissements sur 35 du second degré. Certains professeurs utilisent aussi Ma classe à la maison ou les contenus du Cned. D’autres enseignants sont habitués à d’autres outils, on leur laisse la possibilité de les utiliser. Nous sommes en situation de crise majeure. Dans un cadrage général, on laissera les libertés pédagogiques.” 
 
Vous avez également soulevé la possibilité de transmettre directement des manuels papiers aux élèves via les mairies.
C’est en effet un appel qui a été fait par le directeur de cabinet du ministère. Les équipes ont travaillé sur un livret en français et en mathématiques, sur tous les niveaux dans le premier degré. On refuse que les parents doivent venir à l’école pour le récupérer. On s’appuie donc sur les maires et sur les mutoi pour diffuser ces documents. C’est déjà en marche dans beaucoup de mairies. En tout cas les inspecteurs de l’éducation et les chefs d’établissement sont en lien avec les maires. On en appelle à leur solidarité, en plus de tout ce qu’ils font en ce moment dans le cadre du plan de sauvegarde.” 
 
Comment cela va-t-il se passer pour les examens, notamment le baccalauréat ?
Je vous invite vivement à écouter l’intervention de M. Blanquer (ministre de l’Éducation nationale : Ndlr), cette nuit. (…) Tout dépendra de la gravité de la crise et de sa durée. Mais encore une fois, l’objectif est de ne pas mettre les gens en difficulté et d’éviter une pression supplémentaire à ce confinement. Il faut rester serein. Les décisions seront prises au moment où la crise sera terminée et on arrivera à faire en sorte que les élèves ne soient pas pénalisés.”

Rédigé par Propos recueillis par Antoine Samoyeau le Jeudi 2 Avril 2020 à 19:33 | Lu 1974 fois