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Nucléaire : Condamné en 2009 à indemniser deux travailleurs affectés à Moruroa, le CEA se défend en appel


Roland Oldham, président de Moruroa e tatou, s'est une nouvelle fois offusqué de la procédure en appel du CEA : "C'est inhumain".
Roland Oldham, président de Moruroa e tatou, s'est une nouvelle fois offusqué de la procédure en appel du CEA : "C'est inhumain".
PAPEETE, le 12 novembre 2015 - La chambre sociale de la cour d'appel a examiné, ce jeudi, les appels du Commissariat à l'énergie atomique (CEA) de ses condamnations par le tribunal du travail, en 2009, à indemniser deux anciens travailleurs polynésiens détachés à Moruroa, l'un malade, l'autre décédé d'un cancer. Les arrêts seront rendus le 18 février, les deux parties campent sur leur position.


En juin 2009, le tribunal du travail de Papeete faisait condamner l'Etat à indemniser Lucien Faara et Robert Voirin, deux ouvriers affectés dans les années 60 et 70 sur des sites d'essais nucléaires du Centre d'expérimentation du Pacifique (CEP) et malades de cancers. Le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) avait fait appel et l'audience, repoussée en 2012 suite à des demandes d'expertises complémentaires formulées par la cour, s'est finalement tenue ce jeudi, trois ans plus tard.

Reconnue en première instance par le tribunal du travail, la qualité d'employeur du CEA a de nouveau été contestée par l'avocat du Commissariat à l'énergie atomique, Me Franck Dremaux. Lucien Faara et Robert Voirin ayant été affectés à Moruroa par des sociétés sous-traitantes.
Un argument que ne peut pas entendre leur avocate, Me Cécile Labrunie : "Le CEA nie sa qualité d'employeur alors qu'il avait la maîtrise à la fois des contrats de travail et de la sécurité sur le site. Ce sont deux personnes qui ont travaillé pendant des années au contact de substances radioactives sur les sites d'exploitation et qui sont aujourd'hui soit décédée des suites de leur cancer, ou en train de se battre aujourd'hui contre la maladie. Ils ne comprennent pas qu'on puisse encore aujourd'hui nier les conséquences des essais nucléaires et que leur maladie n'aurait aucun lien avec ceux-ci. Nous avons demandé à la cour de confirmer la responsabilité du CEA en tant qu'employeur".

Les cancers radio-induits, "c'est établi"

Le tribunal du travail avait estimé en 2009 que le CEA avait ainsi violé "son obligation contractuelle de sécurité", le condamnant à verser 1 million Fcfp à chacun des enfants de Lucien Faara, décédé en 2004, en réparation de leur préjudice moral. Sa veuve qui demandait le versement d'une rente avait été déboutée.
Le second axe de la défense aura été pour le CEA de s'appuyer sur les expertises qui n'apportent pas la preuve "d'un lien de causalité" entre les maladies des plaignants et leurs activités sur les sites du CEP. Pour Me Dremaux, l'ensemble des personnels qui ont travaillé lors des tirs étaient "protégés et surveillés médicalement", qui plus est contre "un risque d'exposition qui n'existe pas". Roland Oldham, président de Moruroa e tatou, regrettent qu'on inverse ainsi la charge de la preuve : "Comme notre avocat l'a plaidé, il est impossible de démontrer scientifiquement et sans aucun doute que les maladies de Voirin et Faara ne viennent pas de Moruroa. Il y a donc toujours ce doute-là qui plane".

Là encore, chacun campe sur ses positions : "Leur point commun, c'est qu'ils ont tous les deux travaillé pendant des années à Moruroa et ont contracté un cancer dont il est établi aujourd'hui qu'il est radio-induit", affirme Me Labrunie.
Roland Oldham qui s'est malgré tout félicité d'une chose : "La CPS a eu l'air de changer un peu de discours, et se bat aussi pour obtenir du CEA le remboursement des frais de santé engagés. Pour nous la CPS soutient aujourd'hui le combat de Moruroa e Tatou, ce qui n'était pas aussi clair en 2009".
La cour d'appel rendra ses arrêts le 18 février 2016.



Rédigé par Raphaël Pierre le Jeudi 12 Novembre 2015 à 18:31 | Lu 1725 fois