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Nouveaux affrontements en Papouasie occidentales : l’armée indonésienne mise en cause


Marche d'indépendantistes papous arborant un t-shirt aux couleurs du ‘Morning Star'. © West Papua Media/Survival
Marche d'indépendantistes papous arborant un t-shirt aux couleurs du ‘Morning Star'. © West Papua Media/Survival
JAYAPURA, jeudi 7 juin 2012 (Flash d’Océanie) – L’armée indonésienne de la province de Papouasie occidentale a une nouvelle fois été mise en cause à la suite d’une fusillade, mercredi, qui aurait fait une douzaine de victimes parmi les populations locales, rapporte jeudi le quotidien indonésien Jakarta Post.
Les faits se seraient déroulés dans la localité de Wamena (250 kilomètres au Sud-ouest de la capitale provinciale Jayapura), après qu’un deux roues de l’armée ait heurté accidentellement un enfant, qui a succombé à ses blessures.
Les deux soldats présents sur la scène ont alors été violemment pris à parti par les villageois et littéralement lynchés sur place, selon les mêmes sources.
L’un d’entre eux aurait succombé à ses blessures alors que l’autre a été évacué dans un état « critique » vers le centre médical le plus proche.
La réponse militaire aurait alors pris la forme de représailles : de nombreuses maisons ont été incendiées, a raconté au quotidien indonésien une source sous couvert d’anonymat.

Traque policière ?

Depuis fin 2011, les forces indonésiennes de police de cette province mélanésienne semblent engagées dans une vaste opération de traque à la recherche de dissidents appartenant au mouvement indépendantiste.
Le 1er décembre 2011, alors qu’une manifestation indépendantiste rassemblait plusieurs milliers de sympathisants pour célébrer le cinquantième anniversaire du premier lever du drapeau nationaliste papou, le 1er décembre 1961, un an avant l’invasion indonésienne de cette partie occidentale de l’île de Nouvelle-Guinée, la police indonésienne est intervenue, faisant plusieurs blessés, des morts selon les indépendantistes, ainsi que des dizaines d’arrestations.
Depuis, au gré de recherches en mode raid, les forces indonésiennes auraient commis de nombreux actes de déprédations.
Des centaines de personnes, terrorisées, auraient fui leurs villages pour aller se réfugier dans la jungle, rapporte la presse indonésienne.
Le déploiement policier intervenait en réponse apparente à la mort de deux agents, samedi 3 décembre 2011, au cours d’un échange de feu avec des militants du mouvement de libération nationaliste papoue.
Des résidences, des églises, des salles de classe, depuis, auraient été incendiés, selon les comptes-rendus émanant du mouvement indépendantiste et son Mouvement de Libération (OPM).
Par ailleurs, dans le cadre des poursuites judiciaires engagées à l’encontre des dirigeants du mouvement indépendantiste arrêtés après la manifestation du 1er décembre, cinq d’entre eux sont poursuivis en justice dans la capitale provinciale Jayapura.
Parmi les chefs d’accusation portés à leur encontre : haute trahison et sédition, actes matérialisés, selon l’accusation, par la levée du drapeau indépendantiste papou « Morning Star ».
La police, qui interroge aussi cinq autre personnes à titre de témoins, affirme avoir en sa possession ce qu’elle considère comme des pièces à conviction accablantes : un mât de bois et deux drapeaux « Morning Star ».
Lors de l’intervention du 1er décembre 2011, la police affirmait n’avoir tiré que des coups de feu de « sommation en l’air ».
En réponse aux accusations d’homicide, elle démentait en bloc et affirmait qu’au contraire, ce sont cinq de ses agents qui avaient été blessés.
D’autres témoins sur place affirmaient alors avoir vu des agents de police « tirer dans la tête » de certains manifestants.

Depuis la fin octobre 2011, l’organisation internationale de défense des droits humains Amnesty International demande la remise en liberté de plusieurs dirigeants du Congrès Populaire Papou figurant parmi les dizaines de personnes interpellées le 20 octobre 2011 par la police indonésienne dans cette province occidentale de l’île de Nouvelle-Guinée.
La police indonésienne, déployée en force, était intervenue, armée de gaz lacrymogène, de matraques et de flash-balls pour disperser une réunion de ce mouvement indépendantiste, qui venait de réitérer se demande d’autodétermination et d’élire dans la foulée un Président de l’État de Papouasie occidentale qu’ils appellent de leurs vœux.
La presse locale a alors évoqué une demi-douzaine de victimes à la suite de ces affrontements, alors que les organisateurs de ce congrès parlent de deux morts confirmés.
Deux jours après l’intervention, les comptes rendus émanant de Jayapura faisaient état d’au moins deux morts parmi les manifestants, dont les corps ont été retrouvés à environ cinq cent mètres du stade où avait lieu le congrès.
L’un des corps a été identifié comme étant celui d’un étudiant, l’autre comme celui d’un membre du service d’ordre du mouvement indépendantiste, particulièrement chargé de la protection rapprochée des dirigeants.
Plusieurs milliers de personnes auraient participé à ce rassemblement, non loin de la capitale provinciale Jayapura, alors que les autorités locales avaient averti que cette manifestation était par avance considérée comme un acte d’incitation aux troubles à caractère séditieux et confinant à la haute trahison.
La police indonésienne, après ces arrestations, qui auraient fait plusieurs morts et blessés, a aussi précisé que ceux considérés comme les meneurs de cette réunion politique (parmi lesquels Forkorus Yaboisembut, Président du conseil coutumier papou, qui avait été déclaré Président de l’État de Papouasie occidentale et Edison Waromi, désigné comme chef d’un gouvernement) faisaient l’objet désormais de chefs d’accusations d’incitation au désordre public et de rébellion.
Il s’agissait de la plus importante réunion du Congrès Populaire Papou depuis 2000.
Cette réunion avait aussi insisté sur sa volonté d’utiliser des moyens pacifiques en vue de parvenir à une autodétermination.

Début août 2011, plusieurs milliers de manifestants avaient défilé dans les rues de Jayapura, en scandant des slogans demandant, entre autres, un référendum sur la sensible question de l’indépendance de cette province indonésienne.
Des manifestations de moindre ampleur auraient aussi eu lieu dans d’autres points de la province, ainsi que dans la capitale indonésienne Djakarta.
À Jayapura, aux sons de slogans tels que « Papouasie Libre », les manifestants avaient alors exigé le retrait des troupes de l’armée indonésienne et appelé à une mobilisation de la communauté internationale.
Ces manifestations avaient eu lieu sous étroite surveillance policière et militaire, pour des effectifs mobilisés estimés à plus de sept cent.

Le 1er août 2011, aux abords de Jayapura, quatre personnes ont trouvé la mort aux aurores alors qu’elles étaient tombées dans ce qui a été décrit comme une embuscade.
L’un des morts appartiendrait à l’armée indonésienne et était stationné dans cette province.
Sept autres personnes, toutes à bord d’un minibus pris pour cible, ont aussi été blessées par balles à des degrés divers.
Les assaillants étaient formés en un groupe d’une dizaine d’hommes armés de machettes et de fusils.
Après avoir érigé un barrage routier, ils avaient entrepris, en mode sniper, de prendre pour cible qui conque s’approchait des véhicules capturés.
Certains d’entre eux ont mentionné une revendication indépendantiste de cette province.
La police indonésienne de cette province déclarait alors privilégier la piste des sécessionnistes de l’OPM dans cette affaire.
Plusieurs dirigeants coutumiers de la zone, pour leur part, accusent ouvertement la police pour certains, l’armée pour d’autres, d’être à l’origine de l’incident.


Énorme mine d’or et de cuivre

Nouveaux affrontements en Papouasie occidentales : l’armée indonésienne mise en cause
La société américaine Freeport-McMoran, qui exploite en territoire indonésien de Papouasie occidentale (autrement connu sous le nom d’Irian Jaya) l’une des plus grandes mines d’or et de cuivre à ciel ouvert au monde, annonçait fin février 2012 une nouvelle suspension de son activité, invoquant cette fois-ci des « combats » entre factions rivales de son personnel.
Ce site minier avait été le théâtre, au cours du dernier trimestre 2011, d’une longue grève menée par les employés de la mine, qui réclamaient des augmentations de salaires significatives et des améliorations de leurs conditions de travail.
Ce conflit avait entraîné des violences sur site et aux abords de la mine, qui avaient fait au moins huit victimes.
Deux personnes avaient trouvé la mort lundi 10 octobre 2011 à la suite de violents accrochages avec la police indonésienne, qui avait tiré à balles réelles sur les manifestants, alors que dans la capitale Jayapura, des milliers de personnes se rassemblaient pour réitérer leur appel à un référendum sur l’autodétermination de cette province indonésienne.
Le Président indonésien, Susilo Bambang Yudhoyono, a réagi à ces décès en exigeant que les agents responsables soient identifiés et jugés.
L’organisation de défense des droits humains Amnesty International a pour sa part dénoncé ces actes et exigé qu’une enquête sur ces faits soit menée par un organisme indépendant.
La société avait répondu à ce mouvement de grève en embauchant es ouvriers extérieurs pour prendre la place des grévistes.
En réponse, les grévistes (dont le nombre estimé à plus de dix mille), depuis, avaient multiplié les piquets aux abords du site.
Trois personnes fraîchement recrutées, considérées par les locaux comme des briseurs de grève, avaient alors été tuées par balles à la suite d’une embuscade tendue par des éléments non encore identifiés.
Direction et syndicats semblaient être parvenus, fin décembre 2011, à un accord.
Toutefois, le regain de tension sur le site aurait mené à la décision du géant minier de suspendre l’activité, en attendant qu’une nouvelle solution soit trouvée.
Lundi 17 octobre 2011, Freeport-McMoran annonçait déjà une suspension partielle de l’activité de ce site, tout en invoquant des actes de « sabotage ».
Ce site minier fait l’objet d’attaques régulières de la part de militants papous.
La société affirmait à l’époque que ces actes de « sabotage » concernaient en particulier un pipeline dont la principale fonction est d’acheminer le minerai brut (à un rythme de six à sept mille tonnes par jour) du site d’extraction vers l’unité de traitement et de purification, sur la côte, où se trouve le port et les opérations de chargement sur les minéraliers.
Selon la société la panne de ce tuyau (d’une longueur totale de près de cent quinze kilomètres) compromettait sérieusement les conditions de sécurité des employés.

L’une des plus grandes mines à ciel ouvert au monde

Depuis de nombreuses années, le mouvement séparatiste mélanésien OPM (pour Operasi Papua Merdeka) s’oppose violemment au pouvoir indonésien dans cette province, où se trouve aussi l’une des plus grandes mines d’or de la région, Freeport McMoran, dont les employés américains et locaux sont la cible d’attaques régulières, sur le mode de la guérilla de jungle, de la part des sécessionnistes.
Début avril 2011, deux employés de la mine ont été retrouvés morts aux abords du site minier.
Le véhicule de la société à bord duquel les victimes se trouvaient a été retrouvé carbonisé.
La police locale avait alors annoncé un renforcement du dispositif de sécurité aux abords du site.
Quelques jours auparavant, deux personnes avaient été blessées au cours d’une autre fusillade, quasiment au même endroit.
Auparavant, en août 2009, un autobus avait été attaqué par des tireurs embusqués, faisant au moins cinq blessés par balles parmi les occupants du véhicule, employés par la société minière.
Quelques jours avant, de précédentes embuscades avaient fait trois morts, dont deux ressortissants australiens employés de la mine.
La troisième victime, retrouvée au fond d’un ravin, était un policier indonésien.
Alors que le gouvernement indonésien avait rapidement attribué ces attaques au mouvement séparatiste de libération pro-mélanésien OPM, cette organisation a depuis farouchement démenti toute implication.
Depuis, les convois, dans cette région, sont sécurisés par un important dispositif de véhicules de sociétés de gardiennage et de protection des personnes.

Des revenus fiscaux colossaux

Début septembre 2010, la filiale indonésienne de cette société affichait, dans le cadre de l’annonce de ses résultats pour le premier semestre 2010, un poste budgétaire particulièrement important au plan du versement de taxes et impôts divers au gouvernement indonésien, à hauteur de près de neuf cent millions de dollars US, rapportait il y a quelques semaines le quotidien indonésien Jakarta Post.
Ces taxes comprennent à la fois l’impôt sur les sociétés, les cotisations patronales pour les près de vingt mille employés, la part de dividendes au gouvernement local (qui est actionnaire dans ce projet) ou encore les royalties versées aux propriétaires fonciers.
L’exploitation de ce projet minier à ciel ouvert, dans les Hauts-Plateaux de la Nouvelle-Guinée/Papouasie occidentale, a démarré au début des années 1990 et devrait continuer jusqu’à mi- 2015.
À partir de cette date, l’exploitation est prévue pour entrer dans une phase souterraine.
Il s’agit du plus grand complexe de production mixte or/cuivre et argent au monde.


Une police et une armée soudoyées ?

Nouveaux affrontements en Papouasie occidentales : l’armée indonésienne mise en cause
Fin décembre 2010, Helmi Fauzy, parlementaire indonésien membre du parti démocratique indonésien pour la lutte (Indonesian Democratic Party of Struggle, IDPS [parti indonésien démocratique de lutte]), s’est publiquement interrogé au sujet d’une éventuelle corruption de la police et de l’armée indonésiennes dans la province de Papouasie occidentale.
Ces commentaires faisaient suite à la publication d’une série de télégrammes diplomatiques via Wikileaks.
En réaction à la publication de ces documents, qui suggèrent que l’énorme complexe minier or/cuivre/argent américain de PT Freeport emploierait régulièrement des policiers et soldats pour sécuriser son site d’exploitation, le parlementaire a ouvertement qualifié de « dangereux » ce qu’il considère comme un conflit entre des intérêts publics et privés.
En octobre 2010, c’est par un autre site en ligne diffusant des images de torture qu’un autre scandale s’est fait jour concernant la province de Papouasie occidentale.
Ces images, diffusées sur le site YouTube, avaient suscité l’indignation des organisations de défense des droits humains.
Ces images, très dures, postées sur YouTube, et relayées depuis par de nombreux sites d’organisations humanitaires, avaient dès l’abord été présentées comme décrivant des actes de tortures de la part des autorités indonésiennes à l’encontre de Mélanésiens papous de cette province, où un mouvement indépendantiste mène une guérilla depuis une quarantaine d’années.
Dans ces vidéos, apparemment prises à l’aide d’un téléphone mobile, deux Mélanésiens sont vus soumis à des interrogatoires de la part de personnes présentées comme étant des agents des services spéciaux indonésiens, qui font notamment usage d’instrument brûlants sur les parties génitales des interrogés ou, dans une autre séquence, placent un couteau sous la gorge d’un des « interrogés ».
Ces actes se placent dans le cadre de ce qui semble être un interrogatoire « poussé » et au cours duquel les tortionnaires demandent aux individus de révéler l’endroit supposé de caches d’armes.
Ces images remonteraient à mars 2010.
Fin octobre 2010, après le tollé déclenché par la fuite de ce document vidéo, l’armée indonésienne avait finalement reconnu une implication de certains de ses soldats.
Au même moment, le gouvernement indonésien, via son ministre de la sécurité nationale, Djoko Suyanto, avait aussi reconnu que les personnes vues sur ces images étaient des soldats et qu’une enquête avait désormais été ouverte à leur encontre, pour qu’ils puissent répondre de ces actes qualifiés par Djakarta d’ « excessifs » et « non professionnels ».
« Sur la base d’un rapport préliminaire, nous avons conclu que ces soldats, sur le terrain, ont réagit excessivement dans leur manière de traiter ces gens qui avaient été arrêtés. Ce qu’ils ont fait n’est pas professionnel », avait-il déclaré.
Mi-novembre 2010, quatre soldats (dont un officier) de l’armée indonésienne ont été condamnés par un tribunal militaire indonésien à des peines ne dépassant pas les sept mois de prison ferme, du fait de leur participation établie à des actes de tortures.
Mais les organisations non gouvernementales spécialisées dans la protection des droits de l’homme, y compris Amnesty International, avaient depuis demandé que l’enquête soit non pas conduite par l’armée, mais par un organisme externe et « indépendant ».

pad

Rédigé par PAD le Jeudi 7 Juin 2012 à 05:15 | Lu 957 fois