Tahiti Infos

“Nous voulons de la stabilité et des gens compétents”


Tahiti, le 12 janvier 2023 – Le président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) de Polynésie française, Christophe Plée, a accordé un entretien à Tahiti Infos dans lequel il revient notamment sur l'instauration de la contribution pour la solidarité à propos de laquelle il déplore un manque de transparence quant à la répartition des fonds engrangés par la CPS. Il évoque également les élections territoriales et juge “inconcevable” que le Pays entre dans une période d'instabilité politique.
 
 Le président du tribunal mixte de commerce, Christophe Tissot, a récemment affirmé que les aides de l'État et du Pays avaient permis d'“éviter la déroute” des entreprises lors de la crise sanitaire. Partagez-vous ce constat ?

“Je partage et confirme ce constat. Si nous n'avions pas eu les aides du Pays et de l'État, et notamment le fonds de solidarité qui a été massivement utilisé par les petites entreprises, nous aurions connu une véritable catastrophe. Certaines entreprises se seraient retrouvées à terre. Beaucoup de prêts garantis par l'État ont été signés. Les gens commencent à les rembourser et il s'agissait d'une mesure qui a plutôt sauvé les moyennes structures. En ce qui concerne les toutes petites entreprises (TPE), c'est le fonds de solidarité qui a fonctionné. Il faut être clair, on a subventionné une partie de leur activité mais il s'agissait de gens qui n'ont plus eu de boulot du jour au lendemain. Je dirais que des centaines de TPE ont été sauvées grâce à ce fonds de solidarité.”
 
A l'aube des élections territoriales, quelles sont les attentes de la CPME ?

“Ce que nous attendons, c'est la stabilité politique. C'est la première des choses. Il est inconcevable que l'on entre de nouveau dans une période d'instabilité. Peu importe, les gens vont voter et faire ce qu'ils ont à faire mais l'entreprise ne raisonne pas comme ça. Elle raisonne économie, stabilité politique, investissements, territoire et Pays fiables et fiabilité dans la durée pour pouvoir, d'une part, faire des investissements et d'autre part, pour pouvoir faire du business et créer de l'emploi. Car c'est cela que l'on va demander aux entreprises comme d'habitude. Et l'on ne peut pas le faire dans un contexte politique instable. Pour ceux qui ont connu la grande période d'instabilité politique sur le territoire, il faut se souvenir que plus rien ne se faisait. Nous respectons les indépendantistes mais la dernière expérience que nous avons eue d'un gouvernement indépendantiste a été une catastrophe pour la Polynésie française avec des gens qui n'ont pas su gérer un pays et qui ne savaient pas de quoi ils parlaient. Car que l'on soit indépendantiste ou autonomiste, la problématique est d'avoir des gens compétents qui soient aux rênes du Pays pour diriger. Il faut donc des gens qui s'y connaissent en économie, en droit du travail, en droit social, etc. Pour gouverner, il faut donc des équipes aguerries ou il faut faire appel à la société civile. Nous voulons simplement de la stabilité et des gens compétents.”
 
Le président du Pays, Edouard Fritch, a rappelé mardi lors de ses vœux aux syndicats que l'inflation était "galopante". Craignez-vous une augmentation des charges patronales pour faire face à la situation économique?

" Pour nous, l'inflation est une catastrophe mais heureusement que nous avons l'activité avec, notamment, le tourisme qui draine en masse. Nous n'avons jamais eu autant d'avions qui arrivent à Papeete et de touristes américains. Cela donne de l'activité et le moral à tout le monde. Maintenant, il y a deux indicateurs forts. Le premier est le fait que l'on avait un dollar fort qui est en train de baisser car il était à 125 il y a trois mois contre 112 aujourd'hui. Le second indicateur relève de la crise mondiale et l'inflation que l'on prend de plein fouet. Le prix des matières premières a explosé et celui des coûts de transports aussi. Le prix des conteneurs a été jusqu'à quadrupler. Selon les éléments que l'on a aujourd'hui, l'inflation est en train de se stabiliser en France. Au moins, ça ne monte plus et l'on espère que cette vague va arriver chez nous. Les nouvelles sont donc un peu positives concernant l'inflation si elle se stoppe, tout ira mieux. C’est-à-dire que l'on va arrêter d'augmenter le coût du travail. Je suis donc optimiste pour 2023, je pense que l'on va peut-être pourvoir s'en sortir mais cela va être long."
 
L'instauration de la contribution pour la solidarité a été soutenue par la CPME mais vous déplorez aujourd'hui le manque de transparence quant à la gestion des fonds générés par cette taxe.

“Je l'ai dit : La contribution pour la solidarité, nous l'avons toujours soutenue. Elle est intervenue au pire moment puisque je rappelle que nous sommes passées de 1,5% à 1%. Mais avec cette contribution, on a fait rentrer de l'argent dans les caisses de la CPS. Cela va donc directement dans les caisses mais en interne, dans la répartition au sein de la caisse, nous ne sommes plus tout à fait en accord avec le gouvernement. Nous attendons donc de voir le début d'année avec la réunion du conseil d'administration et nous communiquerons sur la répartition de ces fonds et comment ils sont utilisés. Je précise par ailleurs que l'argent est même rentré plus que prévu puisque le chiffre d'affaires des entreprises n'a jamais été aussi bon. Donc, plus l'inflation monte, plus les caisses de la CPS se remplissent. C'est cela que l'on a oublié de nous dire, donc ils ont beaucoup plus de rentrées et ils ne nous disent pas exactement combien. Ils restent un peu dans le flou artistique alors que le ministre de l'Économie avait promis la transparence totale. L'inflation a profité au gouvernement, mais l'on ne sait pas pour quel montant. C'est positif mais l'on va remettre cela sur la table.”
 
Tout comme pour la contribution pour la solidarité, la CPME avait soutenu le projet de prime au pouvoir d'achat. Cette mesure a-t-elle, selon vous, été mise en place en temps nécessaire ?

“C'était une bonne idée en juillet. Nous l'avons dit puis nous avons attendu que cela se mette en place et cela a été fait au mois de janvier. Flop total. Il fallait le mettre en place pour novembre car les gens attendaient. Plein d'entreprises ont donné des primes en novembre et en décembre en ayant conscience que les gens avaient perdu du pouvoir d'achat. Elles ont ensuite vainement attendu l'exonération des charges. On a fait cela en juillet et on n'est pas capable de la mettre en place en novembre, c'est dommage.”
 
En ce qui concerne le blocage du Cesec, quelle est la position de la CPME ?

“Le texte du Cesec est clair et nous sommes d'accord : ils veulent mettre la parité comme partout. Au-delà d'un représentant, quand on en a deux, on met un homme et une femme. On fait avec ce que l'on a. Les seuls qui avaient plusieurs postes au Cesec sont les syndicats : CSTP-Fo, A Tia i Mua et CSIP. Tous les autres n'ont qu'un poste. Personne n'avait rien demandé et les syndicats ont bidouillé pour embêter le patronat.”
 
Le French Pacific business forum aura lieu le 6 mars à Auckland, qu'attendez-vous de cet événement ?

“Un ministre d'État ainsi qu'un représentant des affaires étrangères vont venir participer à cet événement. Nous attendons de ce forum que les entrepreneurs polynésiens ou calédoniens n'aient pas peur d'aller faire du business ailleurs. Nous ne sommes que des clients pour la Nouvelle-Zélande, nous sommes d'ailleurs leur deuxième plus gros client dans le Pacifique sud après l'Australie. Le forum se tiendra le 6 mars à Auckland et nous emmenons 25 chefs d'entreprise polynésiens. Il reste encore une ou deux place pour ceux que cela intéresse. Un tel évènement n'a encore jamais été organisé, cela va être énorme. Nous commençons par la Nouvelle-Zélande mais il y aura ensuite l'Australie puis le Japon, Singapour et Fidji.”
 
 

Rédigé par Garance Colbert le Jeudi 12 Janvier 2023 à 15:52 | Lu 3320 fois