Tahiti Infos

Nisrine Bouyahiaoui, une reine de beauté sur le ring


 
Raiatea, le 5 mars 2024 - Alors qu'approche la Journée internationale des droits des femmes, qui aura lieu le 8 mars, Tahiti Infos est allé à la rencontre de Nisrine Boyahiaoui, lycéenne, inscrite en classe de terminale au lycée de Uturoa à Raiatea. Sacrée vice-championne de France en boxe anglaise en février dernier, Nisrine, avec son visage d’ange et son large sourire, a également été élue première dauphine au concours de Miss Raromatai en 2022. Portrait d’une athlète plurielle au parcours remarquable.
 
Arrivée en famille en Polynésie en juillet 2020, Nisrine Boyahiaoui intègre alors le lycée de Uturoa à Raiatea (LUT) en classe de 3e. Très sportive, elle pratiquait la gymnastique en compétition en métropole mais ce sport n’est pas représenté en Polynésie. Nisrine décide donc de s’adonner à d’autres sports : “J’ai à peu près tout essayé et un jour, alors que j’étais au stade avec mon père, j’ai vu des jeunes s’entraîner à la boxe. J’ai décidé d’essayer. J’ai ramené dix copines du collège et on est allées s’entraîner. Bon, au final, maintenant, je suis toute seule à continuer !”
Entraînée à l’époque par Pascal Neuffer, Nisrine monte pour la première fois sur le ring le jour des examens du Diplôme national du brevet (DNB). “J’ai appelé ma mère car j’étais stressée. Ma mère m’a répondu que ça allait bien se passer, que j’allais avoir mon DNB. Mais moi, je n’étais pas stressée par le DNB. J’étais stressée car je montais sur le ring pour la première fois !” Coup double pour Nisrine qui obtient son DNB mention très bien et qui, forte d’une première victoire en boxe anglaise, participe dans la foulée au championnat de boxe des îles sous-le-Vent, qu’elle remporte aussi dans la catégorie moins de 50 kg.
 

Arbitre de foot, boxeuse et dauphine de Miss Raromatai

“Une copine m’a fait une drôle de surprise ! Elle m’a inscrite au concours des Miss !” Ce soir-là, Nisrine aurait dû disputer le challenge Maco-Nena, hommage au champion de boxe dont l’événement, où se rencontrent des internationaux, porte le nom. Mais voilà, il a fallu choisir… Nisrine troque donc exceptionnellement ses gants de boxe et son casque de protection contre des talons et une belle robe pour défiler.

Élue première dauphine le 30 mai 2022, Nisrine garde la tête froide et n’en oublie pas pour autant ses objectifs sportifs et scolaires : “L’année de seconde m’a offert plus de temps car il n’y a pas d’examen à préparer et mon lycée est centre d’examens donc j’ai fini plus tôt les cours cette année-là et ça m’a permis de faire un stage à la Fédération tahitienne de football.” Sa mère l’inscrit également à des stages d’arbitre organisés à Tahiti que son père l’aide à obtenir, lui-même entraîneur de football à Raiatea. Une fois son diplôme d’arbitre en poche, Nisrine devient donc la seule arbitre féminine de Raiatea. Elle arbitre des matchs tous les week-ends et tous les mercredis, et entraîne les petits du club de l’AS Samine.
Nisrine continue également de boxer, de s’entraîner mais elle ne combat plus, faute d’adversaire dans sa catégorie. “Le problème ici, c’est que nous ne sommes pas beaucoup de filles à combattre en boxe anglaise dans ma catégorie. Du coup, c’est difficile de trouver des adversaires”, déplore-t-elle.

Une ouverture à l’international

En classe de première, Nisrine, qui n’a perdu qu’un seul combat fin 2021, est sélectionnée pour participer à un tournoi de boxe en Nouvelle-Calédonie dans la catégorie moins de 52 kg. Elle en ressort en étant élue “meilleure boxeuse du tournoi”.
Puis, Nisrine décide avec ses parents de partir en Nouvelle-Zélande afin d’y parfaire son anglais. Elle poursuit donc sa scolarité dans un lycée néo-zélandais de Christchurch, où le sport occupe une place prépondérante. Elle intègre alors le Woolstrom Boxing Club de la ville. “Là, je découvre des entraînements plus intenses, quasi en entraînement particulier. Je me sens progresser. Je combats là-bas sous la bannière de la Nouvelle-Zélande et de la Polynésie.” Malgré une compétition plus rude avec plus de boxeuses engagées sur le ring, Nisrine poursuit son ascension et ajoute à son palmarès le titre de championne de boxe anglaise de l’île du sud puis celui de championne de la région Canterbury. De la Nouvelle-Zélande, la championne part pour les îles Samoa où son club de Raiatea la rejoint pour disputer le titre de championne d’Océanie, qu’elle gagne par forfait car son adversaire n’était pas au poids.

Nisrine reste néanmoins attentive à sa réussite scolaire. Durant tout son séjour en Nouvelle-Zélande, elle continue à suivre des cours à distance. Elle rentre au mois de juin pour passer les épreuves du baccalauréat de français qu’elle obtient brillamment avec 19/20 à l’oral et 20/20 à l’écrit. Le soir de son retour à Raiatea, Nisrine défile à nouveau pour remettre en jeu son titre de première dauphine pour l’année 2023. Mais l’année scolaire n’est pas terminée en Nouvelle-Zélande. Nisrine repart donc finir son année. Cela signifie pour elle ne pas avoir de vacances, car sitôt l’année néo-zélandaise terminée, Nisrine doit reprendre les cours au LUT à Raiatea pour sa dernière année en classe de terminale.

Le 18 février 2024, une date mémorable

Nisrine, à son retour de Nouvelle-Zélande, change de club car celui-ci n’entraîne plus les filles. Entraînée par Tupuna, elle intègre donc le club de Tumaraa Boxing Club et la fédération de boxe de Polynésie française, ce changement lui permettant de disputer de nouvelles compétitions qui mèneront au championnat de France. En novembre 2023, Nisrine accède au titre de championne de Polynésie, titre qui lui permet de pouvoir participer au championnat de France. De septembre à décembre 2023, les entraînements s’intensifient à raison de deux fois par jour. Elle ajoute à la boxe anglaise d’autres sports de combat, se lève à 4 heures du matin du lundi au vendredi. “Heureusement, le samedi, c’était à 8 heures. Je ne faisais jamais de sieste car la journée, j’étais en cours et en décembre, j’ai fini de valider mon Brevet d’aptitude aux fonctions d’animatrice (Bafa) donc j’ai travaillé avec des enfants pendant les vacances scolaires.”
Fin janvier, Nisrine s’envole pour la France. “Au championnat de France, je rencontre plus de compétiteurs, plus d’entraîneurs. La sélection est donc plus difficile. J’y allais pour passer les quarts de final et finalement, je me suis retrouvée en finale.” En quart de finale, elle bat Célia Benalla, favorite dans sa catégorie moins de 54 kg. Vice-championne de France, inscrite en équipe de France de boxe anglaise, elle est décrite comme “une adversaire redoutable”. Pourtant, Nisrine, l’outsider que personne ne connaît, la bat et gagne ensuite la demi-finale à l’unanimité des juges. “En final, je perds sur une décision partagée des juges contre une boxeuse de l’équipe de France. Bizarrement, j’ai trouvé lors de cette finale le combat le plus facile. C’est là que j’ai pris le moins de coups.”
À l’issue du championnat de France, on lui a proposé de passer les tests pour intégrer l’équipe de France. Mais avant, la championne a un autre objectif plus proche : avec sa fédération, elle participera à une compétition organisée dans le Colorado faisant partie de la Word Boxing Cup. “Si je veux participer aux championnats du monde, c’est une étape clé. Là, je vise une ceinture.”
 

Rédigé par Mario Alexandre le Mardi 5 Mars 2024 à 17:06 | Lu 3485 fois