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Morte sur la route à Pirae parce qu'il était "pressé"


Tahiti, le 20 octobre 2020 - Un pâtissier de 50 ans, père de deux enfants et jusque-là inconnu de la justice, a été condamné mardi par le tribunal correctionnel à deux ans de prison avec sursis probatoire pour homicide involontaire. Le 2 mai 2019 à Pirae, alors qu’il venait de passer une journée chargée, le prévenu avait percuté un véhicule dans lequel se trouvait une vieille dame de 90 ans qui n’avait pas survécu à ses blessures.
 
"Seules la maladresse et l’inattention sont en cause dans cet accident". C’est par ces mots que le président du tribunal correctionnel a abordé mardi l’affaire d’homicide involontaire qui avait coûté la vie, le 2 mai 2019 à Pirae, à une vielle dame de 90 ans. Ce jour-là, peu après 18 heures, un pâtissier patenté de 50 ans avait pris sa voiture avec ses deux enfants pour aller faire ses dernières livraisons de la journée. Fatigué et peu concentré sur la route, le prévenu n’avait pas vu le véhicule qui arrivait en face de lui avec une mère et sa fille à son bord. Le quinquagénaire avait violemment percuté la voiture des deux femmes, et la passagère de 90 ans, victime d’une fracture ouverte de la jambe et d’un éclatement de la rate, était décédée lors de son arrivée au CHPF.
 
Entendue après ce drame au cours duquel elle avait vu sa mère "mourir sous ses yeux", la conductrice du véhicule avait expliqué aux enquêteurs de la DSP qu’elle n’avait rien vu venir, mais qu’elle avait seulement senti un "gros choc" qui lui avait fait momentanément perdre connaissance. À son réveil, elle avait constaté que sa mère, toujours consciente, souffrait d’une fracture ouverte et qu’elle se plaignait de douleurs au ventre. Auditionné à son tour, le pâtissier avait reconnu qu’il était "pressé" ce soir-là et qu’il n’avait, lui non plus, pas vu le véhicule qu’il avait pourtant percuté. Les analyses sanguines pratiquées après l’accident avaient d’ailleurs permis d’affirmer qu’il n’avait consommé ni alcool, ni stupéfiants.

Absence de compassion

L’air penaud et visiblement très mal à l’aise, le quinquagénaire a donc comparu libre devant le tribunal correctionnel mardi après-midi pour répondre de cet homicide involontaire. À la barre, il s’est très peu exprimé et ce, d’une voix inaudible. Invitée à s’exprimer si elle le souhaitait, la fille de la victime, encore "traumatisée", a préféré que ce soit son mari qui parle au nom de leur famille. Face au tribunal, l’homme a déploré "qu’au-delà de la douleur et du choc", le prévenu n’ait fait preuve d’aucune "compassion" que ce soit après l’accident ou à l’hôpital. Alors que le président du tribunal tentait de faire rebondir le prévenu sur cette absence de compassion, ce dernier, là encore, est resté dans l'incapacité de s'exprimer.
 
Une attitude interprétée par l'avocat des parties civiles comme témoignant d'une absence de remords. Me Dominique Bourion a déploré, lors de sa plaidoirie, que le prévenu n’ait eu "aucun geste, aucun regard ou aucune marque de gentillesse" à l’égard de la famille de la victime. "Ma cliente a vu sa mère mourir sous ses yeux et cet homme a mis en jeu la vie de quelqu’un pour aller déposer quelques pâtisseries, c’est affligeant", s’est indigné l’avocat qui a par ailleurs affirmé que c’était un "miracle" que les deux enfants du prévenu n’aient pas été blessés lors de l’accident.

​"Carrefours accidentogènes"

Avant de requérir deux ans de prison dont "la quasi-totalité avec sursis probatoire" et l’annulation du permis de conduire, le procureur de la République n’a pu que relever les "explications discrètes voire inaudibles" du prévenu à la barre. Il a ensuite abordé les éléments matériels du dossier qui démontrent que le prévenu n’avait "pas pris soin de regarder ce qui était en face de lui" et que le véhicule dans lequel se trouvait la victime avait "subi de plein fouet la puissance cinétique" du véhicule du pâtissier qui roulait vite et qui avait franchi l’intersection alors que le feu était orange. Une analyse non partagée par le conseil du prévenu, Me Gilles Jourdainne, pour lequel cet accident a de nouveau permis de constater que "les routes à Tahiti présentent des dangerosités avérées car elles comportent des carrefours accidentogènes". "Les aménagements routiers ne sont pas au point et les feux ne sont pas coordonnés", a-t-il ainsi souligné avant d’assurer qu’une "faute est vite arrivée après une grosse journée de travail". Enfin, face aux reproches émis par la partie adverse quant à l’absence de compassion de son client, Me Jourdainne a précisé que ce dernier n’avait pas de "facilité" pour "exprimer sa peine" mais qu’elle était bien présente.
 
Après en avoir délibéré, le tribunal correctionnel a condamné le pâtissier à deux ans de prison avec sursis et a ordonné l’annulation de son permis. Il ne pourra pas le repasser avant six mois et devra donc trouver une autre solution pour continuer son activité professionnelle.

Rédigé par Garance Colbert le Mardi 20 Octobre 2020 à 18:16 | Lu 8475 fois