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Mesures d’urgence économiques et sociales : Ce qu’ils en pensent


Tahiti, le 2 février 2021 - Président de la compagnie Air Tahiti Nui, représentant du secteur de l’hôtellerie, responsables des principales organisations patronales locales, que pensent-ils du train de mesures d’urgence présenté mardi par le gouvernement pour atténuer les dégâts économiques et sociaux d’une fermeture de plusieurs semaines des frontières polynésiennes ?

>> Lire aussi : Le détail des mesures de soutien annoncées par le gouvernement

​Michel Monvoisin : "On est dans le bleu le plus absolu"

P-dg de la compagnie aérienne Air Tahiti Nui

Les mesures de soutien économique annoncées par le gouvernement vous satisfont-elles ?
"Toutes les aides sont bonnes à prendre. Ensuite, comment répondent-elles à nos besoins ? Je ne sais pas. Pour un smicard, elles sont intéressantes. Plafonner un commandant de bord à 300 000 Fcfp, on comprend que les fins de mois risquent d’être compliquées par rapport à son train de vie."
 
Le gouvernement annonce vouloir demander à l’État une fermeture des frontières qui serait bornée à deux mois. Cette limitation dans le temps est-elle souhaitable pour vous ?
"Plus on ferme, moins on vole, plus on perd d’argent. Moins on vole, plus on creuse notre déficit."
 
Pour vous, à quel niveau l’État doit-il intervenir pour soutenir votre compagnie ?
"Il nous faut des liquidités, de la trésorerie. C’est notre urgence. (…)"
 
Les restrictions de circulation sont prises pour au moins deux mois. La compagnie a-t-elle estimé ses besoins en trésorerie ?
"C’est le travail que l’on est en train de faire. Tout dépend de ce que l’on va devoir décaisser. Il nous faut refaire le programme de vol. On a commencé à travailler sur un scénario et aujourd’hui il doit changer. On refait tout. Entre des motifs impérieux et une quatorzaine, nos simulations doivent être refaites. Pour l’instant, on est dans le bleu le plus absolu."

​Thierry Brovelli : "Les hôteliers sont très endettés"

Co-président du conseil des professionnels de l’hôtellerie

Que pensez-vous des mesures de soutien économique et sociale annoncées par le gouvernement ?
"Pour l’essentiel, il s’agit de mesures qui nous ont été annoncées la semaine dernière. Le Diese pour les employés, revu et corrigé est une bonne chose. Maintenant, ce que l’on attend, ce sont les aides du gouvernement central."
 
Vous avez de gros besoins ?
"Ah oui, parce que nos entreprises sont totalement dans le rouge. Le Diese permet effectivement d’alléger la masse salariale et d’éviter que l’on fasse des licenciements. L’entreprise a besoin d’aide sur ses charges fixes et variables, hors salaires."
 
On a une idée du montant de l’aide attendue du gouvernement central par la profession ?
"Ce qu’on attendrait du Prêt garanti par l’État, c’est que l’idée soit acceptée que l’on ne le rembourse pas totalement, qu’il soit en partie transformé en subvention. C’est le doux espoir que caresse toute la profession aujourd’hui."
 
Combien de temps estimez-vous que le secteur de l’hôtellerie peut tenir avec une fermeture des frontières ?
"Ce qu’il faut savoir, c’est que dans l’ensemble, les membres du CPH ont fait un, voire deux PGE (Prêts garantis par l’État, NDLR) en 2020. Ils se sont endettés à hauteur de quelques milliards, les uns et les autres. Ces PGE, ils sont en train de les consommer tranquillement pour payer leurs charges sans réel revenu. On peut tenir comme cela deux à trois mois. Les PGE vont probablement en majeure partie rencontrer les besoins hôteliers pour la durée prévisionnelle de cette fermeture. Mais derrière, il faut qu’il se passe quelque chose : les hôteliers sont très endettés. On risque des ruptures de trésorerie à partir de fin avril."

Olivier Kressmann : "Il est regrettable que l’État ne vienne pas compléter ces dispositifs"

1er vice-président du Medef-Polynésie

Quelle est votre avis sur les mesures de soutien économique annoncées par le gouvernement ?
"C’est le minimum qui pouvait être fait pour réagir rapidement. Concrètement, le maintien de l’emploi, le soutien à la consommation intérieure et les aides sociales sont des éléments clés pour les mois qui viennent."
 
Des dispositifs prolongés jusqu’en juin, est-ce suffisant ?
"Personne ne le sait. Ils seront suffisants si en juin nous sommes sortis de cette situation difficile au niveau mondial. Évidemment que si au mois de juin, la crise sanitaire perdure, il faudra que ces dispositifs soient prolongés. Et que probablement l’État joue son rôle d’amortisseur sur la partie chômage partiel."
 
Le soutien de l’État manque selon vous pour aider financièrement ?
"Le fonds de soutien aux entreprises existe et fonctionne. Il a permis à pas mal d’entreprises de rester la tête hors de l’eau. Maintenant, il faut absolument que ce dispositif s’étende aux entreprises de plus de 50 salariés et sur des chiffres d’affaires conséquents. On pense bien sûr à Air Tahiti Nui et aux hôteliers. Sur la partie du salaire, on a bien compris que l’État français ne souhaitait pas appliquer en Polynésie le principe du chômage partiel. Le gouvernement Fritch fait son possible avec les dispositifs CSE (convention de soutien à l'emploi, ndlr) et Diese. Il est regrettable que l’État ne vienne pas compléter ces dispositifs pour arriver au 70% du salaire brut, comme en métropole."

Christophe Plée : "Tout cela va dans le bon sens"

Secrétaire général de la Confédération des petites et moyennes entreprises

Que pensez-vous des mesures de soutien économiques annoncées par le gouvernement ?
"On n’est plus sur un plan de relance mais sur un plan de sauvegarde, avec les annonces faites. J’ai trouvé le positionnement très juste avec le relèvement de l’ensemble des dispositifs existants et des compléments jusqu’en juin. Le président Fritch a eu un vrai message de solidarité et de soutien à destination des toutes petites entreprises. On plaide depuis le début à la CPME pour la mise en place de mesures en faveur du soutien de l’économie locale, notamment pour le tourisme. J’ai entendu parler d’un chèque voyage pour des gens qui iraient dans des pensions de famille. Tout cela va dans le bon sens. On fait avec les moyens du bord. J’ai trouvé que tout ce qui a été dit était très sensé. Si on arrive à maîtriser l’épidémie, on va pouvoir assouplir le couvre-feu, rouvrir les salles de sport… Tout ça va permettre à la machine Polynésie de redémarrer dans plusieurs secteurs. Quant à la quatorzaine stricte, de toute façon on en était à ne plus avoir de touriste. Cela me paraît très cohérent."
 
Un surcoût budgétaire de 8,4 milliards, cela vous paraît suffisant pour maintenir à flot l’économie locale ?
"On attend surtout les dispositifs de l’État, qui doivent être changés, notamment sur le fonds de solidarité."
 
Ce complément d’aide de Paris est nécessaire ?
"Il faut que l’État aide Air Tahiti Nui. Il faut absolument sauver cette compagnie aérienne. C’est l’outil de développement de la Polynésie et on ne doit faire aucune concession là-dessus."

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Mardi 2 Février 2021 à 19:18 | Lu 2210 fois