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"Mercenaire", le douloureux "transfert" d'un Wallisien dans un club de rugby


Paris, France | AFP | vendredi 29/09/2016 - Avec le film "Mercenaire", en salles mercredi, le réalisateur Sacha Wolff plonge dans le quotidien douloureux d'un Wallisien venu pour jouer au rugby dans un club amateur du Sud-Ouest, un récit initiatique au cours duquel ce jeune de 19 ans deviendra adulte.

Sélectionné au dernier Festival de Cannes à la Quinzaine des réalisateurs, Prix de la mise en scène au Festival du Film francophone à Angoulême, "Mercenaire" suit pas à pas le parcours souvent tragique de Soane, incarné par Toki Pilioko, également Wallisien et pilier à Aurillac (Cantal) dans la vraie vie.

Pourquoi "Mercenaire"? "C'est ainsi que l'on appelle les joueurs étrangers qui viennent pour une saison dans un club pour le faire monter en division supérieure", a expliqué à l'AFP Sacha Wolff, 35 ans, ancien élève de la Femis venu du documentaire. "Mercenaire" est son premier long métrage de fiction.

"Même si Soane est Wallisien, Français, il va vivre la même situation qu'un joueur étranger, celle d'un apatride, d'un sans-famille", souligne le cinéaste.

"Je voulais faire un film sur le rugby, mais avec une dimension sociale et collective. On parle trop souvent du rugby professionnel, celui qui brille, et moins de la vie de petits clubs où il y a de plus en plus de joueurs étrangers", explique-t-il encore.

Le choix de Sacha Wolff s'est porté sur un joueur wallisien après une rencontre avec Laurent Pakihivatau, Wallisien et pilier professionnel au Lyon Olympique Universitaire (LOU), qui incarne dans le film Abraham, un recruteur mafieux.

"Cette rencontre-étincelle a déclenché chez moi l'envie de parler du quotidien de joueurs français venus du bout du monde plutôt que de celui de joueurs étrangers".

"Une tronche de rugbyman, ça raconte plus que n'importe quel dialogue", s'amuse Sacha Wolff.

- 'Pas un film d'ethnologue' -
Le film commence par une scène en Nouvelle-Calédonie, où vit Soane comme de nombreux Wallisiens. Il se fait battre par son père à coups de câbles électriques lorsque ce dernier apprend son départ.

"C'est une fiction, précise le réalisateur. Pour les Calédoniens, le départ en métropole d'un des leurs est vécu comme une fracture. J'ai choisi de le traduire d'une manière violente".

"Cette séquence est très importante, parce qu'on voit le poids de la tradition. Soane se soumet à la violence de son père alors qu'il est deux fois plus balèze que lui", insiste-t-il.

La violence, entrecoupée de quelques parenthèses d'humanité, est entretenue tout au long du film.

La France profonde dans laquelle plonge Soane, en particulier l'univers d'un petit club, n'est pas un long fleuve tranquille.

On découvre une face cachée du rugby, loin des clichés de camaraderie sportive et de troisièmes mi-temps festives, où dopage, précarité et oppression le disputent au racisme.

"Je voulais casser l'image de paradis que se font les Wallisiens de la métropole. Et inversement, l'image de paradis que ce font les Français de la Nouvelle-Calédonie", explique le réalisateur.

Mais "ce n'est pas un film d'ethnologue", se défend Sacha Wolff, malgré son long travail de recherches dans l'île comme dans les petits clubs français. "L'ethnologie, ça aurait été de raconter les peuples d'ailleurs expliqués aux blancs".

Rédigé par () le Vendredi 30 Septembre 2016 à 06:00 | Lu 396 fois