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Matthieu Petit, amoureux de la nature


TAHITI, le 24 mai 2023 - Il est arrivé en Polynésie il y a 16 ans comme stagiaire pour l’association Te Mana o te Moana. Matthieu Petit a fondé, depuis, une société d’excursions écotouristiques. Il multiplie les observations de la faune marine et terrestre pour son propre plaisir, mais également pour faire avancer les connaissances. Il immortalise certaines d’entre elles et les partage sur sa chaîne YouTube.

Mathieu Petit, gérant d’une société d’excursion écotouristique, a posé ses valises au fenua il y a 16 ans. À l’époque, il travaillait comme stagiaire pour l’association Te Mana o te Moana. Depuis, il a donc fondé sa société et multiplie les observations de la faune marine et terrestre, qu’il immortalise en postant des vidéos sur sa chaîne YouTube. La dernière venue montre toute la richesse de l’avifaune polynésienne. Cette vidéo, qui s’intitule Manu Tupuna, les gardiens de la forêt, a été mise en ligne il y a quelques jours.

Matthieu Petit explique : “Je suis un amoureux des animaux”. Il a filmé des oiseaux à Tahiti, mais aussi à Moorea, son île d’adoption, Rimatara et Makatea. “J’ai cherché à mettre en lumière les oiseaux endémiques”, explique-t-il. Biologiste marin de formation, il a longtemps concentré ses observations sur et sous l’eau. “Mais il y a, sur terre, des espèces qui ne sont pas impressionnantes à première vue et pourtant, qui sont vraiment intéressantes.” Avec Manu Tupuna, les gardiens de la forêt, il montre des oiseaux peu ou mal connus, ainsi que les femmes et les hommes qui se battent pour les protéger. “Nous avons en Polynésie des espèces uniques au monde qui sont parmi les plus menacées. La moitié d’entre elles a disparu dans le silence le plus total”, regrette-t-il.

“Je passais mon temps en forêt”

Matthieu Petit naît en France, en Corrèze, en 1984. “J’étais à la campagne, près d’une forêt.” Ses observations et son goût pour la nature en général et la faune en particulier démarrent là. Ses deux grands-pères l’ont, un peu, initié. Mais sa passion relève d’un goût très personnel. “Je passais mon temps en forêt ou à dévorer des bouquins.” Selon lui, la nature est “à la base de tout”. C’est elle qui permet à l’être humain de respirer, de vivre, “de se ressourcer”. L’humain fait partie d’un tout. “Or, nous nous déconnectons de ce tout. On vit en parallèle des autres espèces sans faire attention à elles.” Matthieu Petit fait partie de ceux qui les considèrent à égale valeur.

Immersion et révélation

À 16 ans, il découvre la plongée au hasard d’un séjour familial près de la Méditerranée. Ses parents, entre autres activités pendant les vacances, l’invitent à faire un baptême. “La révélation”, se souvient-il. Il est déjà “à fond sur la nature”, mais une fois sous l’eau, il sait qu’il veut “travailler dans ce domaine”.

Il suit sa scolarité non loin du domicile familial en Corrèze puis, après le baccalauréat, s’inscrit en Master 1 d’écologie générale à Toulouse puis en Master 2 de génie des anthroposystèmes littoraux à La Rochelle. “Je voulais faire de la biologie marine, il fallait que je me spécialise.” Il fait, au cours de ses années universitaires, un maximum de stages. Il est pris dans différents aquariums au Canet, à La Rochelle, au Grau-du-Roi… Pour son dernier stage, le plus important de tous, il cherche à travailler en milieu naturel. “Je voulais être sur le terrain et commencer à voyager.” Il envoie des candidatures dans diverses structures en outremer et dans des régions francophones. “À l’époque, je ne parlais pas suffisamment bien anglais. La langue était une barrière.” L’association Te Mana o te Moana, alors basée à Moorea, répond favorablement à sa demande. Matthieu Petit n’hésite pas une seconde. “J’ai reçu d’autres réponses positives émanant d’autres structures, mais quitte à partir, autant aller le plus loin possible pour voir des animaux qui font rêver.

Il est missionné pour travailler sur la restauration des récifs coralliens pendant six mois : recensements d’espèces, bouturage du corail, sensibilisation auprès du grand public. Le stage se transforme ensuite en contrat à durée déterminée (renouvelé une fois), puis en contrat à durée indéterminée. Il devient coordinateur des programmes de conservation et de recherche : suivi satellite des tortues, des sites de ponte, restauration corallienne, interventions dans les écoles et collèges, formation des professionnels et du tourisme. Il monte également un observatoire participatif avec des professionnels. Le réseau ainsi constitué permet d’agglomérer des observations. Matthieu Petit, aujourd’hui prestataire, constate et regrette le manque d’intérêt pour les démarches naturalistes et observations faites en dehors du cadre de la recherche scientifique. “On sous-estime le travail des professionnels du tourisme ou autre sur l’eau. Nous y sommes tous les jours, nous voyons beaucoup de choses qui peuvent contribuer à améliorer les connaissances”, affirme-t-il. Par exemple, il a pu identifier une baleine de Minke dans les eaux polynésiennes avec un petit. “On savait que les baleines à bosse venaient mettre bas ici, mais personne n’avait encore jamais pu prouver que d’autres espèces le faisaient également, comme la baleine de Minke.” En 2022, il est aussi sur l’eau quand un regroupement de plusieurs espèces a lieu. Au même endroit se trouvent deux à trois baleines à bosse, une baleine de Minke, 80 globicéphales, une cinquantaine de dauphins à bec étroit ainsi que des requins océaniques. “Ces phénomènes restent mystérieux, mais nous avons pu constater leur existence.”

Pas de plan précis

Matthieu Petit reste à Te Mana o te Moana pendant dix ans jusqu’à ce que les tâches administratives prennent le pas sur les actions de terrain. Elles n’ont de cesse de grandir au fur et à mesure de sa prise de responsabilités. En 2015, “j’ai arrêté. Je n’avais pas de plan précis, juste l’envie de retourner sur le terrain.” Il prend une patente, donne des cours à l’Université de la Polynésie française, assure des formations et accepte d’être guide pour des prestataires. Un an plus tard, il fonde avec un ami une société d’excursions écotouristiques. Ce qui implique la prise en charge de petits groupes – six personnes maximum –, car l’observation des animaux sauvages reste incompatible, selon Matthieu Petit et son associé, avec des sorties en nombre. “Je suis tous les jours en mer, je transmets ma passion aux gens, c’est tout ce dont j’ai toujours rêvé.”

Naturaliste et vidéaste

En parallèle, et depuis son baptême à l’âge de 16 ans, Matthieu se forme à la plongée. Il détient aujourd’hui le niveau 3. Il n’est pas allé au-delà car il ne souhaitait pas en faire son métier. “La plongée a toujours été pour moi un moyen d’aller voir des animaux inaccessibles, c’est un outil.” Un outil qu’il continue à utiliser. En mer comme sur terre, il prend l’habitude de photographier et filmer ses observations. Il affine ses techniques de prise de vue in situ et s’équipe de matériel de plus en plus performant. “J’ai toujours aimé ça”, rapporte-t-il. Il fait désormais, en plus des sorties, des reportages sur les animaux. Manu Tupuna, les gardiens de la forêt n’est pas un coup d’essai. Une quinzaine de films de courts-métrages sont déjà en ligne sur sa chaîne YouTube.


Cette année, il est allé voir des tapirs, des crocodiles et des singes au Costa Rica, en 2022, il était au Chili pour voir des pumas, en 2021 au Mexique pour les grands requins blancs ou encore, en 2019, en Alaska pour les grizzlys et les baleines. Il a aussi réalisé une vidéo sur des loutres ou encore les chevreuils en France. Il a appris au fil du temps à affiner écoute et observation, à prendre le temps. Quand il voyage, il choisit toujours les zones les moins touristiques de ses destinations, les plus sauvages, il fait appel ou non à un guide. Il sait faire preuve de patience, “parfois, je peux attendre des heures !” En France notamment, “en raison de la pression de la chasse, les animaux ne se montrent pas. Il est très difficile de les voir.” Matthieu Petit se plie au rythme de la planète et de ses habitants. Il a déjà eu la chance d’en voir beaucoup, il rêve de continuer. “Un exemple d’animal que j’aimerais rencontrer ? Des orques !” Peut-être réalisera-t-il un jour son rêve dans les eaux de Polynésie.

En savoir plus

Chaîne YouTube : Matthieu Petit

Rédigé par Delphine Barrais le Mercredi 24 Mai 2023 à 19:59 | Lu 2471 fois