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Manouchian et ses frères d'armes étrangers entrent au Panthéon


STEPHANE DE SAKUTIN / AFP
STEPHANE DE SAKUTIN / AFP
Paris, France | AFP | mercredi 21/02/2024 - Aux résistants étrangers, la France reconnaissante: le poète apatride Missak Manouchian et 23 de ses compagnons d'armes entrent mercredi au Panthéon, hommage ultime pour ces combattants de l'ombre longtemps oubliés, 80 ans après leur exécution par les nazis.

"Juifs, Hongrois, Polonais, Arméniens, communistes, ils ont donné leur vie pour notre pays", a salué le président de la République, Emmanuel Macron, dans le quotidien L'Humanité. 

Avec eux, "c'est toute la résistance communiste et étrangère" qui entre dans le temple des grandes figures de la Nation, rejoignant ainsi Jean Moulin et la résistance gaulliste, panthéonisés dès les années 1960.

"C'est un honneur que la résistance communiste soit honorée (...) et aussi une réparation", s'est félicité le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel, sur franceinfo.

Le chef de l'Etat signe là sa quatrième panthéonisation après celles de l'écrivain Maurice Genevoix, de Simone Veil et de la star du music-hall Joséphine Baker. Il a aussi annoncé celle de Robert Badinter, mort le 9 février.

Commelors des précédents hommages nationaux, la polémique a ressurgi avec la présence annoncée de Marine Le Pen, invitée comme cheffe du groupe du Rassemblement national à l'Assemblée nationale. 

"Inacceptable", "insupportable", déplorent le comité de soutien à la panthéonisation et les familles, qui accusent le Front national, dont le RN est l'héritier, d'avoir été fondé par des "nazis et des collaborationnistes".

Le chef de l'Etat a provoqué la colère du RN en soulignant que "les forces d'extrême droite seraient inspirées de ne pas être présentes". Marine Le Pen va "défier la décence", a lancé la porte-parole du gouvernement, Prisca Thevenot, pour qui si le RN a "changé la devanture", il a gardé "ce qui se passait en arrière-boutique".

"L'Affiche rouge" 

"Indigne", a répondu le patron du RN Jordan Bardella sur Europe 1/CNews en reprochant au président "d'utiliser l'histoire nationale pour faire de la politique politicienne".

En plein débat sur l'immigration et le repli identitaire d'une partie de la société, l'hommage à ces combattants étrangers, "Français par le cœur et le sang versé", est aussi tout un symbole. 

Missak Manouchian, d'origine arménienne, et ses camarades ont été fusillés le 21 février 1944 au Mont-Valérien, près de Paris. Ils entrent au Panthéon (dont la devise "Aux grands hommes la Patrie reconnaissante" orne le fronton) 80 ans après, jour pour jour.

A 18H30, les cercueils de Missak Manouchian et de son épouse Mélinée, résistante comme lui et qui lui survécut jusqu'en 1989, vont remonter quelques centaines de mètres jusqu'au Panthéon, portés par des soldats de la Légion étrangère, qui ont aussi fait le choix de la France.

Si le couple reste uni dans la mort - ils reposaient tous deux au cimetière parisien d'Ivry - Mélinée n'est pas elle-même "panthéonisée". Les 23 camarades entrent de façon plus symbolique : leur nom sera gravé à l'entrée du caveau XIII où reposeront les Manouchian.  

Comme pour l'entrée de Joséphine Baker en 2021, la cérémonie, qui doit durer une heure et demie, comprendra de nombreux flash-backs en images et chansons sur la vie de Missak.  

Le chanteur Patrick Bruel lira sa dernière lettre à sa bien-aimée et le groupe de rock Feu ! Chatterton interprétera  "L'Affiche rouge" de Léo Ferré, qui fit entrer le résistant dans la légende.

"Enfin" 

A quelques pas de la mort, Missak Manouchian, qui avait 37 ans, écrivit: "Bonheur à ceux qui vont nous survivre (...) Je suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la Liberté sauront honorer notre mémoire dignement".

Rescapé des massacres d'Arméniens dans l'Empire ottoman, réfugié en France en 1925, Missak Manouchian rejoint en 1943 la résistance communiste où il s'illustra dans les rangs des Francs-tireurs partisans - Main-d'œuvre immigrée (FTP-MOI), un réseau alors très actif à Paris.

"Enfin on les reconnaît au plus haut sommet de l'Etat", se félicite Denis Peschanski, historien de la résistance étrangère.

"Ils ont donné leur vie pour défendre les valeurs universelles. Avec eux, ce sont tous les combattants de la liberté qui sont honorés", s'enthousiasme la petite-nièce des Manouchian, Katia Guiragossian, sur RFI. 

Durant le procès de Missak Manouchian et ses camarades, la propagande nazie placarda dans les rues de France une affiche avec les photos de 10 d'entre eux, l'air hagard et hirsutes, présentés comme "l'armée du crime", sur fond rouge, qui donnera son nom à la chanson de Léo Ferré.

Quelque 2.000 personnes ont été invitées, responsables du Parti communiste, Premier ministre arménien, Nikol Pachinian, représentants de la communauté arménienne ainsi que 600 élèves.

le Mercredi 21 Février 2024 à 06:22 | Lu 946 fois