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Maltraitance animale : à quand une implication du Pays ?


PAPEETE, le 07 décembre 2017 - tabassés, abandonnés, attachés, maltraités, ébouillantés, écorchés... le sort des animaux n'est pas à envier en Polynésie. Une législation existe, mais elle est rarement appliquée. Les associations sont saturées et lancent un appel au Pays pour qu'il réagisse. Dimanche, c'est la journée internationale des droits des animaux, l'occasion de faire un état des lieux de ce qui se passe en Polynésie.

Une image défraie la chronique depuis le 20 novembre. Trois hommes tiennent, tout sourire, un chien écorché. Cette photo fait débat. Aujourd'hui, une enquête a été ouverte et les individus seraient en cours d'identification. Alors que, dimanche, la communauté internationale fête la journée des droits des animaux, en Polynésie, le constat est clair : tout reste à faire.

Les associations de protection animale du fenua n'en peuvent plus de tirer la sonnette d'alarme. "La situation est grave ! La question des animaux domestiques en Polynésie est devenue un problème de salubrité, de sécurité et de santé publique. D'après une estimation, il y a cinq fois plus d'animaux domestiques en Polynésie par rapport au nombre d'habitants qu'en Métropole. C'est énorme. La surpopulation est un fait. On a des cadavres d'animaux sur les routes, on a des animaux malades qui traînent un peu partout. On a des animaux qui transmettent des maladies aux humains. Elle est là la crise sanitaire. On n'a pas de traitement des cadavres, il y a des virus qui restent actifs pendant six mois. Tous ces facteurs sont à prendre en compte. L'image touristique est juste catastrophique. Nous avons des appels de touristes une à deux fois par mois ! Il est temps que les autorités s'impliquent et fassent respecter la loi et la législation!", explique Alice Clairotte, présidente de l'association Eimeo Animara, affligée.

Des mentalités qui changent

Maltraitance animale : à quand  une implication du Pays ?
Par ailleurs, Flavie Leux, présidente de l'association Service de Protection animale en Polynésie (Spap), ajoute : "On a une législation qui sanctionne les divagations animales, qui interdit la reproduction des molosses, qui puni les maltraitances animales… qu'attendent les pouvoirs publics pour faire appliquer la loi ? Ils réagiront quand il y aura un accident grave ? Ce sont les animaux qui paient alors que ceux qui doivent être pénalisés sont les gens. Il faudrait amender les propriétaires qui laissent divaguer leurs chiens. Il faudrait sanctionner les gens qui n'identifient pas leurs animaux de compagnie. "

Les associations indiquent toutes qu'il est difficile de porter plainte en Polynésie. En effet, "il arrive souvent que les forces de l'ordre refusent de prendre la plainte. Nous devons nous battre pour que la police municipale et la gendarmerie acceptent de prendre nos plaintes. C'est un parcours du combattant."

Par ailleurs, Me Huguet, avocat, confirme : "Peu de plaintes arrivent jusqu'au tribunal. Mais, une fois devant les magistrats, les sanctions sont généralement sévères et la loi est appliquée."

Par ailleurs, les associations, Spap et Eimeo Animara, rappellent que la gestion des animaux errants revient aux communes. "Trop peu de communes se sentent vraiment concernées", regrettent les associations. Elles tiennent d'ailleurs à saluer la position de la commune de Paea.

En effet, la commune a décidé de publier un rappel de la loi à ses administrés. Le 23 novembre dernier, la commune a précisé sur sa page Facebook qu'elle s'engageait dans la défense des droits des animaux : "Trop d'images sordides et de cas de maltraitances nous ont poussés à publier ce rappel à la loi", indique la chargée de communication de la commune. "Depuis, nous avons un afflux de témoignages concernant des cas de maltraitance. Nous recevons des photos horribles. La commune de Paea travaille sur un projet intercommunal avec la mairie de Punaauia pour mettre en place une fourrière. Tous les animaux en divagation seront envoyés à la fourrière. S'ils ne sont pas récupérés, ils seront euthanasiés. Il faut que les maîtres se responsabilisent. La commune prend à cœur de trouver des solutions afin de contrôler la surpopulation d'animaux domestiques, mais aussi de protéger les droits des animaux qui sont des êtes sensibles."

Malgré tout, la présidente de la Spap préfère voir le verre à moitié plein : "Les mentalités changent. De plus en plus de cas de maltraitances nous sont signalés. Par ailleurs, les particuliers sont plus nombreux à porter plainte, sans oublier que l'opinion publique arrive à faire bouger les choses. Au dernier salon agricole, les visiteurs s'étaient émus des conditions de détention des animaux. Ils avaient réussi à les améliorer au bout de deux trois jours de mobilisation."

En attendant que le Pays ouvre les yeux sur un problème réel, les associations continuent leur travail quotidien : "C'est une année particulièrement dure. J'ai l'impression qu'on n'a pas eu de mois, ni de semaine de creux cette année. L'afflux d'animaux abandonnés a été constant. Nous sommes complètement dépassés et débordés", conclut Flavie Leux.

Quelques chiffres

dr association Eimeo Animara
dr association Eimeo Animara
Peu de chiffres sont disponibles, néanmoins Alice Clairotte, présidente de l'association Eimeo Animara, indique qu'en extrapolant les chiffres de son association, on serait quand même en dessous de la réalité : "Rien que pour Moorea, en 2016, nous avions pris en charge 130 animaux, fait 56 euthanasies, recueillis 29 animaux blessés, effectué 108 stérilisations et avons effectué 35 adoptions. Nous sommes une petite association, je pense qu'on peut largement extrapoler pour les grosses associations de Tahiti. Il y en a trois à Tahiti : une a Moorea, une à Tubuai et une à Bora Bora. C'est sans compter sur les gens qui recueillent les animaux eux même et ceux qu'on ne voit pas. Les associations sont saturées, les familles d'accueil complètes. Il faut réagir avant qu'il ne soit trop tard."

L'Alliance pour le respect et la protection des animaux de Polynésie fait avancer les choses avec le Pays

dr association protection animale
dr association protection animale
Dans un communiqué de presse publié hier, l'Alliance pour le respect et la protection des animaux de Polynésie (Arpap) indique avoir entamé des discussions avec le Pays afin de faire évoluer la situation.

Carole Couturier, présidente de l'Arpap, a décidé de rassembler toutes les associations de protection animale de Polynésie afin de travailler sur la législation. Ainsi, mercredi, elle a rencontré le président Édouard Fritch afin d'évoquer avec lui la situation des animaux au fenua. "Un certain nombre de points ont été abordés, notamment la stérilisation, les animaux errants, la maltraitance animale, les lois, les soins… Nous avons aussi pu lui présenter les grandes lignes du projet sur lequel nous travaillons depuis plus d'un an", indique Carole Couturier. Le pays semble avoir pris conscience du problème et a annoncé à l'Arpap que le Pays allait "entamer une démarche concertée avec notre administration, nos communes, l'État et vous-même [L'Arpap, ndlr] pour aboutir, à terme, à une évolution de notre socle juridique qui soit favorable à une meilleure gestion de nos animaux domestiques."

Lucide, Carole Couturier ajoute : "Le travail sera long si nous voulons trouver des solutions efficaces et durables, mais une première réunion de travail, avec les services du pays, devrait être organisée d'ici la fin de l'année."


Des événements pour la journée internationales des droits des animaux

dr association Eimeo Animara
dr association Eimeo Animara
À l'occasion de la journée internationale des droits des animaux plusieurs associations ont décidé de s'unir pour communiquer sur les droits des animaux.

Challenge Fitness
Demain, le Service de Protection animale en Polynésie organise une journée de défis sportifs afin de récolter des fonds. Ainsi, de 14 heures à 18h30, les visiteurs pourront faire du 'ori tahiti, du body combat, de la danse. Ils pourront assister à un mini défilé de chiots à adopter, ainsi qu'à des sketchs du singe Martin et apprécier le spectacle de Maro'ura. Les fonds récoltés serviront à faire tourner l'association, stériliser et soigner les animaux recueillis.

Infos pratiques
De 14 heures à 18h30 au centre Vaima à Papeete
Tarif : 1 000 francs par personne

Salon vegan
Le premier Salon vegan de Polynésie ouvrira ses portes dimanche de 10 heures à 17 heures à l'immeuble Le Bihan à Pirae. Près d'une vingtaine d'exposants ont accepté de se réunir pour promouvoir la protection animale, la préservation de l'environnement et un mode de consommation plus sain.

La journée sera ponctuée de conférences et d'ateliers culinaires, de rencontres-débats. Il y aura également des ateliers pour les enfants. Le collectif Nana sac plastique animera des ateliers pour les plus petits afin de les sensibiliser à la protection de l'environnement.

Infos pratiques
De 10 heures à 17 heures, immeuble Le Bihan à Pirae
Entrée gratuite

Une exonération de TVA pour la stérilisation

Les actes de stérilisation et d'identification des chiens et des chats vont coûter moins cher. Une loi qui les exonère de TVA a été adoptée le 16 novembre à l'assemblée.

Cette proposition de loi émane du représentant Antonio Perez,
du groupe Rassemblement pour une majorité autonomiste (RMA). Le texte prévoit d'exonérer de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA),
qui est de 13 %, des actes de stérilisation et d'identification
des chiens et des chats réalisés par un vétérinaire.

Pour avoir une idée des nouveaux tarifs :
Chiens
Castration 17 500 francs
Cryptorchiectomie 25 000 francs
Ovariectomie 23 000 francs
Ovario-hystérectomie 36 000 francs
Chats
Castration 8 500 francs
Cryptorchiectomie 14 000 francs
Ovariectomie 15 000 francs
Ovario-hystérectomie 20 000 francs
Identification
Puce électronique 6 500 francs
Tatouage 6 500 francs

Certaines communes proposent des aides aux familles avec peu de moyens pour financer la castration de leurs animaux. Par ailleurs, certaines associations peuvent apporter des aides à la stérilisation.

Rédigé par Marie Caroline Carrère le Jeudi 7 Décembre 2017 à 17:07 | Lu 9186 fois