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Mahana Beach : "On ne s’en ira pas d’ici", martèlent les irréductibles d’Outumaoro


PUNAAUIA, 15 avril 2016 - Sous la menace de l’ouverture d’une procédure d’expulsion à la demande de l'établissement public Tahiti Nui aménagement et développement (TNAD), une poignée de familles s’accrochent encore à un terrain dont elles revendiquent la propriété sur le littoral d'Outumaro.

Vendredi matin, sous la houlette de Monil Tetuanui, l’heure était aux grandes déclarations devant la presse à Outumaro, sur le domaine du projet de Tahiti Mahana Beach. Installés dans les profondeurs du côté mer, et pour les plus chanceux à l’ombre d’un cocotier nain, en bordure de servitude, les représentants des associations « Vahine A Irea » et « Outumaoro se lève » ainsi que quelques sympathisants : une trentaine de contestataires terriens des familles Irea et Ariipeu, dans le quartier Tunaiti.

Têtus, ce sont les derniers irréductibles à demeurer encore sur place après avoir systématiquement refusé toute solution de relogement, et quelque forme de conciliation que ce soit avec la puissance publique. Lorsqu’elles n’étaient pas déjà dans le domaine public, les terres qu’ils occupent toujours ont fait l’objet d’une procédure d’expropriation en 2015. Aujourd’hui, pour le Pays, il n’y a plus de sujet.

Tout le monde a reçu une sommation de quitter les lieux avant le 15 avril, notifiée par huissier le 9 mars. Une conférence de presse était improvisée sur place vendredi matin, pour l’échéance de ce délai. En question la propriété d’un lot estimé à 1,8 hectare bord de mer.

"La terre est à nous. On ne s’en ira pas d’ici", martelait Monil Tetuanui, en prétendant représenter les intérêts de 21 familles. "Pour ici, nous avons un Tomite de 1862 qui est un titre de propriété irréfutable. Nous sommes sur cette terre depuis plus de 200 ans. Jamais on s’en ira ! Si nos tupuna (ancêtres, ndlr) sont nés ici, sont morts depuis déjà sept générations, ce n’est pas aujourd’hui qu’on va se faire traiter comme des canards sauvages", a aussi lancé celui qui se présente comme le "représentant légal" de l’association Vahinetua A Irea.

Six familles contestent encore, selon TNAD

Mais à la direction de TNAD, Claude Drago détricote : "Aujourd’hui, sur ce site, il y a 44 familles. Parmi elles, 29 ont accepté une solution de relogement", explique le directeur général de l'établissement public à caractère industriel et commercial : "cinq en logement collectif, quatre dans un appartement en location-vente et 20 dans un fare OPH sur un terrain qu’elles possèdent ailleurs. Reste donc 12 familles qui s’opposent à tout, dont Monil Tetuanui. Nous leur avons adressé une lettre de sommation les mettant en demeure de quitter ce domaine foncier appartenant à TNAD, faute de quoi nous engagerions une procédure judiciaire en vue de leur expulsion. Trois familles ont alors manifesté leur souhait d’une solution de relogement. Reste donc neuf familles. Parmi elles, trois ont déjà obtenu un logement social il y a quelques années et ne sont donc plus éligibles. Voilà le tableau présent". TNAD est affectataire de cet espace foncier de 34,1 hectares de terres domaniales où pourrait s'implanter le complexe touristique Tahiti Mahana Beach, sur le littoral d’Outumaoro. Avant que ne soient lancées les procédures d'expropriation, en 2014, une centaine de familles habitaient là. Presque toutes ont accepté d'être déplacées.

"Ils peuvent dire ce qu’ils veulent", ajoute Claude Drago face à la poignée d'irréductibles. "Ils ont multiplié les procédures et toujours été déboutés à ce jour. TNAD est propriétaire de ces terres. Nous avons des jugements qui le reconnaissent. Pour l’instant, nous n’avons que des palabres face à nous. (…) Le délai de la sommation est aujourd’hui accompli. Je vais retourner devant le juge et demander l’expulsion. J’aurais tout essayé pour trouver une solution".

A deux pas de la conférence de presse improvisée par Monil Tetuanui, vendredi matin, un quinquagénaire nous arrête alors que nous passons devant son portail. Il assure que Berthe Spenser, sa femme, une descendante Temarii et Pomare, dispose d’un tomite Patuohureataataaaure, bien antérieur à 1862, par lequel elle se trouve ayant-droit sur un domaine allant de la rivière Piafau à Faa’a jusqu’à celle de Matatia à Punaauia, du récif jusqu’aux crêtes. Une terre royale… La promesse de nouvelles revendications ?

En jaune, sur cette vue, les terres qui font encore l'objet d'une revendication irrégulière selon TNAD.
En jaune, sur cette vue, les terres qui font encore l'objet d'une revendication irrégulière selon TNAD.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Vendredi 15 Avril 2016 à 15:45 | Lu 3448 fois