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Les rori sauvés in extremis et a minima


Les rori sauvés in extremis et a minima
PAPEETE, mardi 23 octobre 2012. Les représentants de l’assemblée de Polynésie française ont adopté par 28 voix pour et une abstention, le lundi 22 octobre vers 19 heures, une délibération mettant en place des mesures spécifiques de gestion de trois espèces aquatiques, que sont les holothuries (rori), les bénitiers et les langoustes. Il s’agissait du dernier point à l’ordre du jour de la 3e séance de la session budgétaire. Une séance à rallonge puisqu’elle a démarré jeudi dernier, avec le collectif budgétaire 2012. La délibération sur la gestion de ces précieuses ressources marines a permis des échanges critiques entre les différents groupes politiques de l’assemblée. Si les représentants s’accordent tous pour protéger de la surpêche ces espèces, le texte présenté par le gouvernement, en a déçu plus d’un quant à la méthode.

Ainsi, en ce qui concerne les rori, alors que de nombreux pays du Pacifique ont interdit l’exploitation ou l’exportation depuis plusieurs années, ce n’est pas cette voie qui a été choisie par la Polynésie française, mais un encadrement de la commercialisation (par le biais d’un agrément ministériel pour deux ans) et des pratiques de collecte. Le rori ne peut être, désormais, que collecté à la main, uniquement pendant la journée (interdiction entre 18 heures et 6 heures) et doit avoir une taille minimale de 12 cm. L’agrément accordé par le ministère des ressources marines pourra à tout moment être suspendu ou abrogé en cas de non respect de cette réglementation.

Face à ces propositions de mesures de gestion, des représentants ont immédiatement mis le doigt dans les failles du texte. «Il est urgent pour nous d’encadrer la collecte des rori au vu de la triste expérience de la surpêche ailleurs. Toutefois, si les acheteurs de rori doivent avoir un agrément, il n’y a rien pour les pêcheurs eux-mêmes ! Quand on sait que les contrôles dans les îles éloignées sont inexistants, on peut s’inquiéter de l’encadrement de cette réglementation» faisait remarquer René Temeharo du Tahoeraa. Mêmes interrogations pour Maina Sage (Ia Ora Te Fenua) «ce texte vient interdire la pêche et permettre, par dérogation, le prélèvement des rori. Il manque l’encadrement de la profession de ceux qui les collectent». Edouard Fritch, renchérissait pour le Tahoeraa, utilisant jusqu’à son terme le temps de parole de son groupe «C’est bien de faire ce premier pas, mais ce n’est pas suffisant. Nous sommes déjà dans la surpêche, si nous n’arrêtons pas aujourd’hui, nos lagons vont subir l’impact de la perte de cette espèce et cela aura des conséquences aussi sur la perliculture».

Pris dans ce feu d’interrogations des représentants, Temauri Foster, le ministre des ressources marines répondait que «ce texte est proposé pour, dans un premier temps réglementer la pêche de certains animaux aquatiques. Il ne règle pas l’ensemble du problème» reconnaissait-il en insistant sur le fait que «la collecte de rori est devenue une source d’exploitation intense. Des Polynésiens, malins ont su y trouver une source de revenus intéressante. Il y a eu un effet de surprise autour de cet engouement : on voulait une réglementation rapide pour arrêter ce massacre».
Les chiffres cités dans le rapport sont en effet impressionnants : de trois tonnes en 2008, les exportations de rori vers l’Asie (74% vers Taiwan et 24% vers Hong Kong) sont passées à 28 tonnes en 2009, 56 tonnes en 2010 et 125 tonnes en 2011. Les fluctuations des prix sont également impressionnantes et on comprend mieux l’intérêt marchand : selon les espèces de rori (il en existe une dizaine), les années ou la qualité. Le rori séché étant le plus cher : 2 000 Fcfp le kilo en 2008, 1 880 Fcfp le kilo en 2010, 2 700 Fcfp en 2011. Le record devant certainement être atteint en 2012 puisque au mois de juin, le kilo de rori séché se vendait à l’export à 4 193 Fcfp le kilo. Temauri Foster déclarait enfin que «les autorisations de la collecte de rori seraient prises selon les sollicitations des maires et feront l’objet de contrôles». Le but, selon lui, de la réglementation de la gestion de ces espèces marines étant de limiter, dans un premier temps, les prélèvements dans les lagons afin d’obtenir, à terme, les moyens techniques pour les réensemencer. «C’est là peut être la vraie solution pour demain», sauf que cette solution, à l’heure actuelle, n’existe pas encore de façon vraiment pérenne, en ce qui concerne les rori.


Rédigé par Mireille Loubet le Mardi 23 Octobre 2012 à 10:58 | Lu 1882 fois