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Les mesures anti-Covid torpillées par la "très grande confusion"


Paris, France | AFP | vendredi 25/09/2020 - Injonctions contradictoires, décisions centralisées malgré la "concertation" affichée, impression que l'exécutif navigue à vue: une "très grande confusion" persiste dans l'opinion et explique la contestation des nouvelles mesures anti-Covid, y compris par des élus locaux, estime Bruno Cautrès, chercheur au Cevipof.

Q: Comment expliquer les protestations contre les nouvelles mesures anti-Covid ?

R: "Nous sommes dans une situation de très grande confusion. L'exécutif ne parvient pas à sortir des injonctions contradictoires, en partie à cause du côté évolutif de l'épidémie qui nécessite des ajustements, mais aussi par manque d'un discours unique et cohérent. Par exemple sur le télétravail, le ministre de la Santé Olivier Véran a demandé que tout soit fait pour le privilégier. Mais il a ajouté : +notamment pour les personnes vulnérables+. Comment savoir si le télétravail doit être l'exception ou la règle ? Résultat, les entreprises continuent à dire à leurs salariés de revenir au bureau... L'exécutif n'anticipe pas la manière dont ses messages seront compris. Un récent sondage BVA montre une chute de la popularité d'Emmanuel Macron, qui perd 6 points, de 44% à 38%, et retombe au niveau d'avant les 100 milliards du plan de relance, avec une majorité de Français qui ont le sentiment qu'il navigue à vue, sans savoir où il va."

Q: Jean Castex réussit-il à rassurer ? 

R: "La raison de sa nomination était la promesse d'un changement de méthode, d'une concertation avec les territoires. Cela a suscité beaucoup d'attentes chez les élus locaux, qui pensaient devoir co-décider. Or Olivier Véran a annoncé mercredi des mesures décidées à Paris, ne laissant aux élus locaux que la discussion sur les modalités. Cette contradiction a provoqué un sentiment d'incompréhension et jeté un gros doute sur la méthode Castex, qui justifiait son arrivée. Des secteurs économiques pénalisés contestent les mesures. Ce n'était pas le cas lors du confinement. Nous ne sommes plus du tout dans le même contexte. On voit même de élus locaux comme l'adjointe à la maire de Marseille Samia Ghali avertir que la police municipale n'appliquera pas les décisions du gouvernement. C'est le sommet de la défiance, portée même par des élus ! Nous sommes dans le pire des scénarios car aucune des deux parties ne peut reculer. Nous voyons d'ailleurs également une lourde chute de la popularité de Jean Castex, la fin de l'état de grâce. En creux, les Français peuvent se demander pourquoi Emmanuel Macron a changé de Premier ministre." 

Q: La confusion porte-t-elle aussi sur la situation épidémique ?

R: "Oui, car cela fait des mois que sur les plateaux de télévision les médecins se contredisent. Beaucoup affirmaient qu'il n'y aurait pas de deuxième vague, que le nombre d'hospitalisations reste bas. Les graphiques présentés par Olivier Véran, qui a tenté un véritable effort pédagogique, ont contredit tous ces pronostics. Cela génère une machine à incohérence, on ne sait plus à qui se fier. En réaction, même si on ne voit pas en France de grosses manifestations anti-masques, les Français souvent le portent mal. Il manque une parole médicale qui fasse référence." 

PROPOS recueillis par Laurence BENHAMOU

le Vendredi 25 Septembre 2020 à 07:45 | Lu 608 fois