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Les gestes qui sauvent... l'économie


Tahiti, le 28 avril 2020 - Gouvernement et organisations patronales ont présenté hier les recommandations visant à accompagner les commerçants et les prestataires de services pour la reprise progressive de leurs activités économiques. Des préconisations qui doivent limiter le risque sanitaire lors de la réouverture des commerces et éviter un “retour en arrière” vers un confinement total.
 
La satisfaction des organisations patronales était palpable après cinq semaines d'arrêt quasi-complet. La crise économique que rencontre le fenua n'a jamais été très éloignée de la crise sanitaire liée aux risques de propagation du Covid-19. Les propos des représentants patronaux ont toujours été les mêmes, l'une a priorité sur l'autre. C'est “d'abord le sanitaire, après l'économique” comme le résume Christophe Plée de la CPME de Polynésie. La circulation du virus étant “stoppée” selon le ministre de la Santé Jacques Raynal et le confinement étant allégé jusqu'au 13 mai, les commerces peuvent désormais rouvrir. Mais les efforts de ces dernières semaines visant à limiter l'épidémie ne doivent pas être anéantis pas des comportements et un laisser-aller des Polynésiens une fois le confinement allégé. D'où la nécessité pour le gouvernement et les chefs d'entreprises d'accompagner les mesures d'allègement par des préconisations. Elles visent à offrir les meilleures conditions et un “minimum de garantie” sanitaire pour les entrepreneurs, les salariés mais aussi pour les clients. 
 
Un socle commun...
 
Les recommandations présentées recouvrent des préconisations d'ores et déjà existantes en matière de respect des gestes barrières, de distanciation, de port de masques et de gants ainsi que d'utilisation de gels hydroalcooliques. A ces gestes de citoyen ont été ajoutés des mesures propres à l'exercice d'une activité commerciale. Il s'agit ainsi de procéder au nettoyage des terminaux de paiement en cartes bancaires entre deux clients, de se nettoyer les mains avec manipulation de pièces ou de billets, de désinfecter régulièrement les poignées de porte et les comptoirs ou encore de choisir au sein de l'entreprise une personne dédiée pour gérer les appels téléphoniques. Des prescriptions qui vont nécessiter peu d'adaptations pour les commerces, notamment à dominante alimentaire, qui les appliquaient déjà.
 
Et des mesures spécifiques
 
A ces mesures générales, des recommandations particulières selon le secteur d'activité ont ainsi été présentées. Elles correspondent en quelque sorte à des déclinaisons sur une dizaine de secteurs distincts comme les garages, garderies, organismes de formation ou petits commerces. Il s'agit par exemple de désinfecter les ciseaux, rasoirs et peignes entre chaque client d'un salon de coiffure, ou l'intérieur d'un véhicule après un test dans un concessionnaire automobile. Dans le domaine de la restauration, les préconisations sont plus importantes avec la restriction de la capacité d'accueil de l'établissement à 50%, la distance à respecter entre les tables et les vis-à-vis éventuels ou encore l'impression de menus jetables sur papier.
 
Discours à l'unisson
 
Si les entreprises et commerces au point mort peuvent espérer engager la première vitesse et redémarrer progressivement leur activité, l'appel à la prudence et surtout à la responsabilité de chacun est de mise. Pour Christophe Plée, “il ne faut pas baisser la garde, le combat n'est pas gagné”. Même son de cloche de Stéphane Chin Loy. Pour le président de la CCISM, “le maître mot reste la protection”, sinon c'est le “retour en arrière” avec la fermeture des commerces, les déplacements limités et une économie plus que ralentie. Et ce retour, les chefs d'entreprise n'en veulent pas, et le vice-président non plus. “Si ça dérape, on repart tous en confinement, à nous tous de jouer le jeu” a rappelé Teva Rohfritsch. Un appel à la responsabilité de chacun relayé par Patrick Bagur, président du Medef, “pour mettre à terre ce fléau”. Sinon les risques pris par certains pourront être de nouveau les restrictions de tous au terme de ce corona-test.

Maxime Antoine-Michard, président du syndicat des restaurants, bars et snack-bars : “Que chacun se comporte de manière responsable”

La reprise d'activité dans votre secteur c'est un soulagement ?
“C'est un soulagement bien évidemment parce que l'on parle beaucoup parmi les secteurs très touchés de l'aérien ou de l’hôtellerie mais la restauration a été également particulièrement touchée. Pour notre secteur et le syndicat que je représente, on est particulièrement content de pouvoir reprendre une activité et notamment de service à table.”
 
La mise en place des recommandations va-t-elle suffire à rassurer et à faire revenir la clientèle dans les restaurants ?
“Il faut que nos clients habituels partent du principe que nous allons tout mettre en œuvre pour que les règles sanitaires soient respectées et surtout que la sécurité de nos employés et nos clients soient assurées au maximum, autant que possible. Donc on espère que cela suffira à les rassurer.”
 
Il va y avoir de nouvelles contraintes d'hygiène en salle (menus jetables, placement à distance des clients...), cela ne va-t-il pas être trop compliqué ?
“Non, pour toutes les recommandations qui viennent d'être émises par le gouvernement, notre syndicat avait participé à leur élaboration. Nous avions fait des propositions, les recommandations correspondent aux propositions que nous avons faites. Donc on n'est pas très inquiets sur la manière dont cela va pouvoir se mettre en place dans les restaurants. Je pense qu'il faut qu'on est bien aussi à l'esprit que l'on va passer d'une situation où l'on était totalement fermés à une situation où on a la possibilité de rouvrir même s'il y a des contraintes qui sont, je le répète, faciles à respecter.”
 
Certains établissements vont-ils tenter de réduire leurs pertes en ne respectant pas les recommandations notamment en matière d'accueil ?
“Non, non je ne pense pas. Le risque serait trop grand, le vice-président l'a rappelé. Aujourd'hui, il nous offre la possibilité de reprendre. Il faut que chacun se comporte de manière responsable et, justement, applique de manière stricte les recommandations qui ont été émises si l'on ne veut pas se retrouver dans cette situation très rapidement.”
 
Le gouvernement central a annoncé vendredi dernier des nouvelles mesures de soutien en faveur des restaurants, cafés et hôtels en métropole, vont-elles être étendues en Polynésie ?
“Pour l'instant, il est évident qu'il va falloir que l'on se pose la question, mais ces discussions n'ont pas encore démarré. Mais elles vont forcément avoir lieu avec le gouvernement et le haut-commissariat parce que la situation du secteur de la restauration en Polynésie est vraiment dramatique.”

Patrick Bagur, président du Medef Polynésie française : “Je fais confiance aux entreprises”

Vous espérez quel niveau de reprise de l'activité ?
“On va essayer de faire reprendre un maximum d'activités dans la mesure du possible, à savoir que tout ce qui est lié au tourisme, les hôtels et tout le tissu économique qui existe autour de ces hôteliers. Il y a en effet trois personnes qui travaillent pour un salarié dans un hôtel. Tous ces gens-là, forcément, ils ne pourront pas reprendre. Une agence de tourisme ou de voyage ne pourra pas ouvrir ses portes demain en sachant qu'elle n'aura aucun client. Ces entreprises là sont donc en attente. Pour combien de temps ? Ça dépend de la conjoncture économique mondiale.”
 
Vous avez évoqué la possibilité d'un surcroit d'activité dans certains secteurs ?
“Pendant le confinement, la vie a continué. Le frigo est tombé en panne, la machine à laver est tombée en panne, la voiture a peut-être besoin d'une révision qui devait être faite en mars ou avril. Il y a des commandes de mars et avril qu'il va falloir honorer en mai. Donc en réalité, cela va entrainer dans certains secteurs un surcroit d'activité. Je vois mal le coiffeur dire à son client 'je ne te prends pas aujourd'hui j'ai trop de monde'. Il va être peut-être obligé d'allonger sa journée pour pouvoir honorer toute sa clientèle.”
 
Certaines entreprises ne vont-elles pas essayer de rattraper le chiffre d'affaires perdu en ne respectant pas les recommandations ?
“Je fais confiance aux entreprises pour assurer la sécurité en priorité des salariés et de la clientèle. Forcément, s'il y a un surcroît d'activité, ce surcroît va être honoré mais je ne pense pas que le temps perdu par les entreprises sera rattrapé en une semaine ou deux. Ça ne sera peut être jamais rattrapé pour une grande partie des entreprises.”
 
Des fiches de recommandations ont-été établies mais c'est surtout un appel à la responsabilité que vous lancez ?
“C'est effectivement un appel à la responsabilité car chaque chef d'entreprise connait sa mission de mise en sécurité de ses salariés. Ils savent assurer ça depuis des années. Il suffit simplement qu'ils intègrent dans leur mission de prévention un risque complémentaire. On les aide un peu avec des fiches très simples. Simple pourquoi ? Parce que si on impose des règles beaucoup trop strictes, elles ne seront appliquées qu'une journée ou deux. Si c'est simple, ça peut très bien devenir un réflexe et c'est ce que l'on veut. On veut que cela soit un réflexe pérenne.”

Rédigé par Sébastien Petit le Mardi 28 Avril 2020 à 23:24 | Lu 3034 fois