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“Les femmes peuvent aussi diriger”


Tahiti le 7 mars 2024 – Après avoir travaillé pendant 20 ans à l’international et occupé des postes importants à bord des paquebots de croisière, Maia Tunoa a décidé de revenir au Fenua et de mettre à contribution son expérience. Elle est aujourd’hui directrice de croisière à bord de l’Aranui.

Maia Tunoa a assuré les plus hautes fonctions sur des paquebots de croisière à l’international pendant 20 ans. Et depuis près de dix ans, elle est directrice de croisière à bord de l’Aranui. Elle a sous sa direction onze services comme la réception, le restaurant ou encore les guides. “Pour arriver à ce poste-là, c’est des années d'expérience et des années d’études”, souligne la jeune femme. “Ce n'est pas facile, il faut avoir la tête sur les épaules car c’est beaucoup de responsabilités. Mais quand on aime son métier, on le fait avec amour.”

Elle commence sa vie professionnelle comme serveuse dans un snack à Raiatea, lorsqu’elle voit une annonce : “Les Renaissances cherchaient une réceptionniste et j’ai postulé.” Elle est embauchée. Seulement voilà : quelques mois plus tard, la société est rachetée par des Américains et décide de garder tout le personnel. La jeune femme de 21 ans n’a pas froid aux yeux. Elle continue l’aventure et quitte donc le Fenua. “C'est comme ça que je me suis lancée dans ma carrière et que j'ai appris le métier de l'hôtellerie en commençant par les postes les plus bas jusqu'au poste le plus haut. J’étais general manager sur Océania donc le poste le plus haut.”
 
La jeune femme de Raiatea va ainsi travailler pendant 20 ans à l’international. “Cela m’a vraiment fait du bien car j’ai découvert d’autres cultures. J’ai appris plusieurs langues grâce à ce métier.” Polyglotte, Maia Tunoa maîtrise aujourd’hui le tahitien, le français, l’anglais, l’espagnol et l’italien.
 
Elle va vivre un peu partout autour du globe grâce aux formations qu’elle va suivre : “Je suis restée trois ans à Miami, six mois à New Dehli en Inde, quatre mois à New-York, ou encore six mois à Dubaï.” Au grès de son parcours professionnel, elle apprend la pâtisserie, la cuisine, le travail de la réception, celui du house keeping, le bar ou encore la conciergerie.
 
Cela n’a pas toujours été un long fleuve tranquille pour la jeune Polynésienne. “Pour arriver à mon poste d’aujourd'hui, j’ai traversé des étapes très dures et j’estime que j’ai eu beaucoup de chance”, assure-t-elle. En effet, dans le cadre de son travail, elle a dû affronter deux tsunamis, au Japon puis en Thaïlande, ou encore les actes de pirateries maritime dans le golfe d'Aden au large de la Somalie. “C’est assez chaud par rapport à l'Aranui”, reconnait-elle.

“Les femmes ont leur place”

Ce n'est pas facile d'être cheffe car d'habitude c’est toujours les hommes. Mais à partir du moment où tu as un caractère et que tu ne te laisses pas marcher dessus, ça va. Il faut montrer que les femmes peuvent aussi diriger, peu importe le poste. Je crois qu’elles peuvent même mieux diriger que les hommes”, estime Maia Tunoa. Elle souligne qu’au niveau de l’équipage, ils sont nombreux à savoir que “j’ai un très mauvais caractère mais je maintiens le bateau”.
 
Ses années d’expérience lui servent encore aujourd’hui. “Tout ce que j'ai fait dans ma carrière professionnelle auparavant, je le mets en pratique. Cela m'aide énormément. Après on ne peut pas être parfaite mais j'essaye.”
 
Elle estime d’ailleurs que travailler à l'international est “plus facile”. “Travailler avec des personnes de différentes cultures, c'est compliqué mais ils suivent les directives à la lettre. Ici c'est différent. Je viens d'un monde où tout est à l'américaine, tout est bien carré. Et tout d’un coup tu te retrouves dans un monde où c’est le cafouillage [rires]. Et c'est dur de te remettre dans le bain car on a tellement été formaté à l'américaine, c'est très militaire. Et cela a un peu chamboulé ma vie professionnelle quand je suis revenue. Au début c'était dur mais ça va beaucoup mieux.”

“Une maman pour tout le monde”

Maia Tunoa avec une de ses "mamie" à Hikueru
Maia Tunoa avec une de ses "mamie" à Hikueru
Travailler sur un paquebot de croisière n’est pas évident surtout lorsqu’on est parent : “Aujourd'hui on est quand même beaucoup plus chanceux. On a souvent des congés pour qu'on puisse être avec notre famille.” Contrairement à d’autres paquebots de croisière, où Maia Tunoa embarquait pendant quatre voire cinq mois consécutifs. “On ne voyait pas nos familles. On a quand même de la chance aujourd'hui. Mais c'est vrai que ce n’est pas une vie pour une femme mariée ou un homme marié ou lorsqu'on a des enfants.”
 
Lorsque des membres de l’équipage ont le blues “on essaie de leur remonter le moral. À bord, nous sommes une famille ; on n’a pas trop le choix. Il faut se soutenir mutuellement. Parfois il y a des coups durs. Ils sont en larmes et on essaie de les apaiser. Et le voyage d’après, on les laisse à terre pour qu'ils puissent être en famille. Avec ce métier, tu deviens une maman pour tout le monde.”
 
Même si le lien est fort entre elle et l’équipage, il n’y a jamais de dérapage car le respect est là. Ils me respectent énormément comme moi je les respecte. Ils savent qu’il y a des limites et ils ne les franchissent jamais. Malgré le fait que je sois très carrée dans mon travail, ils viennent quand même vers moi”.
 
Après avoir sillonné les océans du monde, Maia Tunoa, cette femme à la main de fer dans un gant de velours, a décidé de revenir “à la source et bâtir mon foyer”. Mais elle prend appui sur son expérience pour encourager les jeunes à partir : “Il y a tellement de belles choses à voir hors de la Polynésie”.

Rédigé par Vaite Urarii Pambrun le Jeudi 7 Mars 2024 à 19:49 | Lu 3492 fois