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Les années de cauchemar des clients du promoteur Miri 2010


PUNAAUIA, 12 septembre 2018 - A peine plus de 6 ans après leur livraison, les résidences Miri Iti et Miri Nui sont dans un état d'insalubrité frappant et quasi-inhabitées, en raison d'importantes malfaçons d'origine. Bloqués par des engagements bancaires et "prisonniers" d'un bien acquis en Vefa, plusieurs copropriétaires demandent à la justice l'annulation des ventes et la condamnation du promoteur au paiement de dommages et intérêts.

Ce devait être le point de départ d’une nouvelle vie ; c’est un cauchemar qui s’étire maintenant depuis près de 6 ans et demi pour plusieurs clients de la société de promotion immobilière Miri 2010, détenue par Georges Tramini. Sur les hauteurs du lotissement Miri, à Punaauia, dans ce qui aurait pu être une résidence de standing en surplomb d’un joli vallon avec vue imprenable sur la mer et l’île de Moorea, les propriétaires des 10 unités d’habitation des bâtiments Miri Nui, Miri Iti et Miri Villa (ex-Miri's Place) subissent l’inexorable décrépitude de leur bien. En cause : de graves problèmes d’étanchéité, d’isolation, d’assainissement, et diverses malfaçons de construction.

Tehani a dû quitter précipitamment son appartement en janvier 2016 afin de ne pas mettre en péril la sécurité de ses enfants. "On a emménagé en février 2012, mon fils avait 2 ans et ma fille 6 ans. Six mois plus tard, on avait déjà des premiers problèmes d’infiltration. Les enfants sont très vite tombés malades parce qu’ils sont asthmatiques", se rappelle-t-elle, amère. Puis, outre les problèmes d’humidité et de moisissures sur la plupart des murs, le réseau électrique de son appartement s’est trouvé en proie à d’inquiétantes infiltrations d’eau, lors des fortes pluies de la saison 2015-2016. C’est ce qui l’a décidée à quitter les lieux. "Aujourd’hui je suis sans domicile fixe, ne pouvant habiter chez moi. Je me trimbale de maison en maison, là on l’on veut bien m’accueillir avec mes deux enfants".

Cette fonctionnaire de 34 ans n’en est pas moins tenue par un crédit bancaire sur 20 ans et privée des moyens financiers pour remédier à sa situation. "Ma vie est gâchée", déplore-t-elle. "J’ai acheté ce bien pour y vivre avec mes enfants. Mais nous sommes dans un véritable cauchemar. Aujourd’hui, ma fille à 13 ans et mon fils 8. Ils n'ont jamais pu dormir dans leurs chambres. Je suis en interdiction bancaire et suivie par le service social".

Le projet immobilier dans lequel elle a investi et qui la plombe aujourd'hui, avait fait l’objet d’une vente à l’état futur d’achèvement (Vefa). Sur la foi des plans et à l’appui des esquisses d’architecte, ces appartements offraient la promesse d’un placement intéressant, pour de jeunes investisseurs animés par la volonté d’acquérir un premier bien, en 2010. "On nous a vendu ça comme une résidence de standing à Miri", ironise Jérôme, son voisin de résidence. Il nous fait visiter l'immeuble peu réjouissant qu'il habite encore. Le rez-de-chaussée de son bâtiment est gagné par des herbes folles. Des piscines privatives au liner déglingué sont emplies d'une eau verte et sale. "On a honte. Vous savez, c'est pas facile de témoigner". De même que Tehani, Jérôme se sent prisonnier du processus de vente à l’état futur d’achèvement dans lequel il s'est engagé en 2011. "Financièrement je ne suis pas capable de me reloger : je suis engagé par un crédit".

Promesses de réparation

Aujourd’hui, sur les dix appartements que compte le site, seuls deux sont encore habités. Cinq sont détenus par les associés de la société de promotion immobilière Miri 2010. L’ensemble est dans un état d’insalubrité frappant, alors que la résidence a à peine plus de six ans.

Les premiers griefs ont été constatés dès l'emménagement par les copropriétaires. Après avoir tenté en vain d'y remédier à l'amiable pendant plusieurs mois, trois des copropriétaires de la résidence, dont Jérôme et Tehani, engagent une procédure en justice. Une expertise judiciaire est ordonnée à la suite d’une action en référé intentée dès juillet 2012. Elle est conclue en 2015 par un rapport "accablant". Le document estime notamment que "les malfaçons qui affectent l’immeuble, si elles n’affectent pas la solidité de l’ouvrage, affectent la Résidence de manière généralisée, certaines apparaissant comme étant particulièrement graves : absence d’étanchéité sur la toiture-terrasse ; problèmes récurrents d’assainissement". Les travaux de remise en conformité du seul appartement de Jérôme sont estimés à 4,5 millions Fcfp, à quoi il faudrait ajouter une somme globale de 15,1 millions Fcfp de réfection des parties communes, dont 5 millions seraient à sa charge au prorata des surfaces. En ce qui le concerne, pour que son appartement corresponde au produit qu’il a acheté, il conviendrait d’investir l’équivalent du tiers de la valeur d’origine de son bien pour l’achever.

Les trois plaignants sont aujourd'hui engagés dans une procédure en réparation devant le tribunal civil. Une audience est prévue le 31 octobre prochain, après une dizaine de renvois depuis 2015. Ils demandent l’annulation des ventes et le remboursement de l’intégralité des frais engagés depuis la signature de l’acte, des intérêts bancaires, frais de justice, d’expertise. En outre, ils souhaitent que soit reconnu le droit à une indemnisation pour les troubles de jouissance qu’ils ont dû subir depuis 2012.

Mais pour l’avocat de la société Miri 2010, "ce rapport d’expertise n’est pas exploitable et ne justifie pas la nullité des ventes". Pour Maître Bourion, "s’il y a des travaux à terminer, on les terminera. Mais il faut arrêter de colporter le bruit selon lequel le promoteur a fait de l’argent et se fiche de tout maintenant. C’est faux. Au contraire il aimerait terminer ce qu’il y a à terminer et réparer ce qu’il y a à réparer (…)". A ce jour pourtant, la société Miri 2010 n’est jamais intervenue sur les malfaçons constatées durant les opérations d’expertise, malgré plusieurs propositions.

"Que la justice fasse ce qu’elle a à faire. Que l’on nous rende notre liberté", espère Jérôme. "Nous sommes prisonniers de cette situation aujourd’hui. Prisonnier d’un promoteur qui possède la majorité des lots et qui contrôle la copropriété ; prisonniers d’une situation d’insalubrité entretenue sans que l’on en comprenne l’utilité. Quand on voit l’état général de ces locaux, on voit bien qu’il n’a pas l’intention de réparer quoi que ce soit. Ce projet est abandonné".


Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Mercredi 12 Septembre 2018 à 13:33 | Lu 16336 fois