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“Les aliments les plus consommés en Polynésie sont hyper diabétogènes”


Tahiti, le 11 juin 2021 - Auteur local d'un livre à succès en Belgique, il a également supervisé la dernière enquête StepWise de l'OMS en Polynésie. Technicien de laboratoire à l'ILM, Alain Andreu vante les mérites de la médecine fonctionnelle à l'occasion de la parution de son deuxième livre co-écrit avec le Dr Résimont, Pleine santé ! Vitalité, immunité, anti-âge, anti-kilos. Un ouvrage qui souligne l'intérêt de “traiter les causes” au-delà des symptômes, notamment pour les maladies chroniques comme le diabète. 
 
Vous n'êtes pas médecin, qu'est-ce qui vous a amené à écrire des livres sur la médecine fonctionnelle ?
Ce guide illustré co-écrit avec le Dr Résimont est le fruit d’une rencontre, par internet, autour de mon premier livre. Tout a commencé lorsque, à l'âge de 32 ans j'ai cumulé deux cancers de la peau (mélanomes) et une thyroïdite auto-immune (pathologie en pleine explosion ces dernières années). Je me posais beaucoup de questions, mais je restais en errance médicale. C'est là que je me suis rendu compte des limites de la médecine actuelle –en laquelle j’avais toute confiance– car je la savais très performante dans certains domaines notamment infectieux, ou dans le dépistage. Mais je découvrais soudain que pour les maladies chroniques, les réponses sont insuffisantes. J'ai pu exploiter mes connaissances acquises en biologie pour améliorer une santé déficiente et publier un premier ouvrage. Ce premier livre relatait mon expérience personnelle, alors que le guide de médecine fonctionnelle que nous publions bénéficie de toute l’expertise du Dr Résimont et de celle de cinq autres médecins”.

Qu'est-ce que la médecine fonctionnelle ?
“C'est une médecine holistique, intégrative : elle traite le corps dans son ensemble. C’est aussi une “evidence based medicine”, c’est-à-dire une médecine basée sur les preuves, en l’occurrence celles apportées par les publications scientifiques. Contrairement à la médecine conventionnelle, elle s'attaque à la cause des causes, il ne s'agit pas de traiter les symptômes, mais d'intervenir en amont sur les causes. Dans le cas des maladies chroniques, les causes sont souvent multiples et donc si on ne traite pas toutes les causes, on ne peut pas espérer résoudre une maladie chronique”. 
 
“A Tahiti, j'ai découvert comment on fabriquait les sodas. On fait un sirop avec du sucre importé dans des sacs de ciment”
 
C'est donc une médecine préventive ?
“Oui, mais on peut intervenir également lorsque la maladie est déclarée. On l'appelle la médecine des quatre P : Prédictive, Personnalisée, Préventive et Participative, puisque le patient doit vraiment jouer un rôle actif. Pour la dépression par exemple, la médecine conventionnelle va prescrire des antidépresseurs qui exposent à un risque élevé sur le long terme à des maladies neurodégénératives comme Alzheimer sans résoudre la cause des causes, alors qu'en médecine fonctionnelle, on va prescrire des recommandations nutritionnelles, des micronutriments comme les acides aminés qui vont permettre d'ajuster les neurotransmetteurs en cause comme la sérotonine ou la dopamine, on va équilibrer les acides gras omega 3 en particulier, qui limitent l’inflammation et améliorent la communication entre les cellules. On va regarder également les taux de certaines hormones, et les équilibrer. Tout cela va permettre de guérir la dépression, en évitant un arrêt de travail longue durée et l’usage de molécules chimiques dont l’efficacité reste de toute façon très limitée selon les études”.

Vous dénoncez dans votre livre “l'échec de la prévention” en Polynésie, pourquoi ?
“Parce que 50% de la population est touchée par l'obésité. L'enquête OMS Stepwise que j'ai supervisé en Polynésie portant sur les maladies chroniques a montré des résultats très inquiétants. Avant d'être technicien en laboratoire d’analyses médicales à l'ILM, J'ai eu un premier poste quand je suis arrivé à Tahiti en 1991 dans une brasserie bien connue de la place. Et j'ai découvert comment on fabriquait les sodas. La première étape est très simple. On fait un sirop avec du sucre importé dans des sacs de ciment, puis on rajoute l’additif et les arômes dont la composition exacte reste secrète, et enfin on rajoute du CO2. Je ne pense pas que la fabrication ait changé depuis. Mon rôle était de contrôler quatre paramètres : le taux de sucre, de CO2, la pureté bactériologique et la qualité du packaging (étiquette, code-barres…) Ce qui est regrettable c'est que dans les outre-mer on mette encore plus de sucre, alors qu'on pourrait très bien baisser les taux de sucre et les gens continueraient à en boire. L'insuline, on ne le dit jamais assez, perturbe quatre autres hormones, le cortisol, les hormones thyroïdiennes, la testostérone et l'hormone de croissance. Les femmes comme les hommes en surpoids ont en général un taux de testostérone effondré. Et à force de consommer du sucre on sature le récepteur : c'est ce qu'on appelle le diabète de type 2, qu'on appelait autrefois le diabète du vieillard, mais on n'ose plus le qualifier ainsi aujourd'hui puisque cette maladie touche de plus en plus de jeunes”.
 
“Le pain blanc a un indice glycémique plus élevé que le sucre blanc !”
 
C'est pour ça que vous faites la promotion de votre livre en Polynésie ?
“Parce que la médecine fonctionnelle n'est pas encore connue en Polynésie. Le docteur Résimont, qui a co-écrit ce livre, devrait venir faire des conférences sur le sujet à Tahiti, puisqu'il s'agit d'une médecine préventive. C'est important de changer de paradigme parce qu'on va dans une impasse. On voit bien que les caisses de la CPS sont vides. Les aliments les plus consommés en Polynésie sont hyper diabétogènes, à part les sodas, il y a aussi le riz blanc (hors basmati), la bière et le surtout le pain blanc, qui a un indice glycémique plus élevé que le sucre blanc ! Avec un morceau de baguette de pain blanc PPN à 60 francs au petit-déjeuner, on fait un pic d'insuline dès le réveil. Voilà pourquoi je fais la promotion du livre ici, mais je sais bien que l'avenir de ce guide médical ne va pas se jouer en Polynésie”.
 
“Malgré une prévalence record en matière de comorbidités, le virus n’a pas fait tant de dégâts”
 
Avec la crise sanitaire, on vante de plus en plus les mérites d'une bonne immunité face au Covid, quitte à l'opposer au vaccin, dans un pays justement où 45 000 Polynésiens sont touchés par le diabète.
“Il ne s’agit pas d’opposer la prévention par l’optimisation de l’immunité avec celle apportée par les vaccins. De la même façon, le Dr Résimont n’oppose pas la médecine fonctionnelle et la médecine conventionnelle (qu’il pratique également en tant que chirurgien O.R.L.), car celle-ci reste bien sûr indispensable en cas d’urgence. Je note qu’on a heureusement progressé ces derniers mois en matière de traitement, notamment avec les corticoïdes et les anti-coagulants.
Mais le plus surprenant, ici en Polynésie, c’est que malgré une prévalence record en matière de comorbidités (diabète, hypertension, obésité), le virus n’a pas fait tant de dégâts, même si bien sûr tous les décès sont à déplorer. Je regrette à ce propos qu’il n’y ait pas eu d’étude, à ma connaissance, pour tenter d’expliquer cela. L’Indonésie, par exemple a rapidement publié une étude d’observation montrant le rôle capital de la vitamine D (synthétisée par l’exposition solaire) dont les taux sont systématiquement effondrés chez les patients atteints par la Covid qui se retrouvent en réanimation. Une quarantaine d’autres études ont suivi, mais l’académie de médecine a attendu mai 2020 pour qualifier la vitamine D “d’adjuvant” possible au traitement du Covid. Pourtant son rôle majeur sur l’immunité est connu depuis des lustres ! J’y ai d’ailleurs consacré un chapitre dans mon premier livre. J’explique que les taux santé de vitamine D, bien différents d’ailleurs des normes statistiques de laboratoire, permettent de réduire fortement les risques d’infection ou de cancer”.
 

Rédigé par Esther Cunéo le Lundi 14 Juin 2021 à 19:51 | Lu 9561 fois