Tahiti Infos

Les Champignons de Paris joués devant les détenus de Tatutu


Papeete, le 24 janvier 2019 - Les comédiens de la Compagnie du Caméléon ont joué mercredi 23 janvier Les champignons de Paris au centre de détention de Tatutu à Papeari devant une soixantaine de détenus. Le thème de la pièce, qui relate les essais nucléaires en Polynésie française, a rapidement captivé le public.

Après le Grand théâtre de Papeete la semaine dernière ou encore le festival off d'Avignon en juillet 2018, les Champignons de Paris étaient joués hier sur une scène un peu moins connue… celle du centre de détention de Tatutu à Papeari. Et si la scène était moins prestigieuse, le public, pourtant peu familiarisé à l'art théâtral, était fidèle à tous les publics des théâtres du monde alternant rires, étonnements et applaudissements.
Soutenue par le Service pénitentiaire d'insertion et de probation (le SPIP), la compagnie du Caméléon a ainsi pu jouer devant une soixantaine de détenus cette pièce, qui relate le sujet sensible des essais nucléaires en Polynésie française.
Après une heure trente de jeu puissant, Tepa Teuru, Tuarii Tracqui et Guillaume Gay, les trois comédiens de la compagnie du Caméléon, ont été rejoints sur scène par Yolande Vernaudon, déléguée au suivi des conséquences des essais nucléaires (DSCEN), pour débattre sur les essais nucléaires qui se sont déroulés à Moruroa et à Fangataufa entre 1966 et 1996.


"C'EST TRÈS FORT, CE QUE J'AI RESSENTI PENDANT LA PIÈCE"

Très rapidement, une discussion s'est engagée sur ce pan de l'histoire polynésienne que partagent en commun les détenus, la déléguée au suivi des conséquences des essais nucléaires et les comédiens.
"C'est très fort, ce que j'ai ressenti durant la pièce, je pense qu'on a tous ressenti cela ici. Mon grand-père a travaillé à Moruroa. Il est mort depuis", raconte un détenu assez jeune, qui semblait sensible à ce sujet. Pendant environ une heure, les débats intenses ont porté sur de nombreux aspects relatifs aux essais nucléaires et à leurs conséquences. "L'idée de la pièce est de tout mettre à plat, surtout pas de juger, ni de haïr, mais d'entendre, de comprendre et de libérer la parole", explique le comédien de la Compagnie du Caméléon, Guillaume Gay.
Ainsi, les questions portant sur la santé, sur l'indemnisation, sur la surveillance de l'atoll de Moruroa, sur le contexte international de la Guerre froide de l'époque ou même sur Charles De Gaulle ou Pouvanaa'a Oopa ont été abordées sans tabou.

Marion Barthelemy, directrice adjointe du centre de détention Tatutu de Papeari :


"On essaye vraiment de valoriser les compétences des détenus"

Ce genre d'initiatives sont-elles courantes en prison ?
"L'accès à la culture au sein de la prison existe déjà depuis plusieurs dizaines d'années. Le but de l'administration pénitentiaire est de faire rentrer la culture extérieure à l'intérieur de la prison. Pour cela, on profite des représentations théâtrales, des diffusions de films de la société culturelle civile, comme c'est le cas avec les documentaires du Fifo, pour les faire venir ici.
On propose également aux détenus des cours de théâtre, de solfège... On a comme projet de faire entrer des œuvres artistiques, car beaucoup de détenus sont intéressés par le dessin. Le but est de mettre en place des choses qui leur parlent. On essaye de 'coller' ces activités aux besoins qu'ils expriment, en fonction bien sûr de ce qui se pratique sur le territoire."


Qu'apportent ces actions aux détenus ?
"Sans faire de généralités, les personnes détenues n'ont pas forcément eu l'occasion d'aller au théâtre ou d'avoir accès à ce type de cultures dans leur vie. A chaque fois que des actions comme celles-là entrent dans la prison, on essaye d'instaurer un débat en faisant venir quelqu'un de l'extérieur, cela permet d'avoir un réel échange.
En prison, les détenus ont tendance à perdre confiance en eux, ces actions leur redonnent confiance. On essaye vraiment de valoriser les compétences des détenus, notamment en leur permettant de partager avec les autres leurs qualités.
On essaye de faire en sorte que le temps passé en détention ne soit pas perdu pour le détenu, que ce temps soit utile, soit pour enrichir ses compétences, soit pour découvrir de nouvelles activités ou de nouvelles connaissances comme cela fut le cas aujourd'hui. Les détenus sont très reconnaissants de ces actions ".


Infos pratiques :

Les Champignons de Paris
Samedi 26 janvier à 19 heures à Taravao
Salle de danse Moeata (Pk1 direction Teahupoo)
Billets en vente à Couleur Cacao, route de Vairao, face à la Brasserie de Tahiti
Vente sur place le jour de la représentation à partir de 17h30.
Tarifs entre 2 000 et 3 000 francs.
1h 35
Prix Tournesol du meilleur spectacle vivant 2018
(Prix de l’écologie sociale et politique / Festival off d’Avignon)
Prix Beaumarchais-SACD 2016
Production de la Cie du CAMéLéON
Ecrit par Emilie Génaédig
Mis en scène par François Bourcier
Avec Tepa Teuru, Tuarii Tracqui et Guillaume Gay
Plus d'infos sur : www.cameleon.pf
Page facebook : La Compagnie du Caméléon Tahiti

le Jeudi 24 Janvier 2019 à 15:52 | Lu 1082 fois